L’urne de vérité

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Les citoyens de Kabylie sont appelés aujourd’hui à élire leurs APC et APW. Depuis les consultations de 1997, la région n’a pas connu de rendez-vous électoral serein et démocratique. C’est la raison pour laquelle les partielles d’aujourd’hui revêtent un cachet particulier. Les partis nationaux y participent et appellent tous à un vote massif pour aujourd’hui. Et c’est donc tout naturellement que le premier enjeu de cette consultation est sans nul doute le taux de participation. Si ce dernier se révèle être un fort taux, nous pourrons conclure que la Kabylie n’a pas tourné définitivement le dos à la classe politique, avec la précaution dans cette analyse de comparer la participation d’aujourd’hui à celles des échéances passées. Ceux qui ont revendiqué le boycott durant certains rendez-vous électoraux doivent assumer pleinement le taux de participation qui se dégagera aujourd’hui. Tous les partis étant dans la course, les urnes doivent être pleines avec, en prime, la bénédiction des archs qui n’ont ni appelé au boycott ni à l’empêchement.Le deuxième enjeu des partielles d’aujourd’hui est relatif au poids de chaque formation en Kabylie. Depuis 2001, la région a été gérée par les délégués du Mouvement citoyen, et les partis discrédités ont été marginalisés. Quand on entend ces derniers parler de la “réhabilitation de la politique en Kabylie”, on est tenté de répondre : mais que font les archs depuis 2001, si ce n’est pas de la politique ? Ces derniers, qui étaient seuls sur le terrain des luttes, ont géré la région politiquement et non administrativement. Et maintenant que le calme est revenu, les partis reviennent eux aussi en déclarant que l’ère du politique reprend ses droits. “Circulez, dégagez, les professionnels arrivent, alors les amateurs, dehors !” Rien que ça. Que l’on soit d’accord ou pas, le politique n’a jamais disparu de la Kabylie. Les conclaves, les meetings, les marches et autres sit-in et déclarations ne sont-elles que des activités culturelles alors ? Que les partis fassent leur autocritique et leur mea-culpa serait une bonne chose et contribuerait à enraciner une pédagogie politique en Kabylie. Avouer ses faiblesses dans la canalisation et la gestion d’une colère citoyenne ne peut pas leur faire de mal.Déserter le terrain, quand d’autres ont géré les émeutes, enterré les morts et pris en charge les blessés, et revenir aujourd’hui est un peu malsain. Ils reviennent après la tempête, en période d’accalmie et de sérénité pour participer à des élections. Mais ils omettent de dire que ces élections ont été arrachées par les délégués du Mouvement citoyen au cours du dialogue avec le gouvernement et que, eux, continuent de dénoncer ce dialogue et de traiter les délégués de “voyous”. N’est-il pas indécent de traiter les archs d’agents, et de participer au fruit du dialogue ? Cette désertion des partis politiques ne peut demeurer sans conséquence sur leur représentativité et leur influence dans la région. La bipolarité FFS-RCD, entretenue depuis des années, arrange bien des stratégies et certaines affaires. Les deux partis, dans une entente tacite, s’élèvent contre toute autre “intrusion” dans la région. Ainsi, l’ensemble de l’Algérie peut vivre avec une mosaïque politique riche, mais la Kabylie devrait se contenter et se cantonner à Aït Ahmed et Sadi. D’après eux, tout parti qui émergerait ne le devrait qu’à la fraude et les Kabyles sont appelés à se résigner à ce sort. N’a-t-on pas entendu le premier responsable d’un parti politique s’offusquer qu’un dirigeant du FLN séjourne à Tizi Ouzou depuis 8 mois, et comble du tort, “ce dirigeant n’est même pas natif de la région”. Des propos xénophobes, à la limite du racisme. Les partielles d’aujourd’hui et les enjeux y afférents s’avèrent être déterminants pour l’avenir de la région et du pays tout entier. Une forte participation des électeurs, qui dégagerait une mosaïque plurielle et diversifiée, est le souhait de tout une région.

Chérif Amayas

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