La Kabylie a toujours servi d'exemple pour le reste du pays, en matière de mobilisation citoyenne et de lutte pour la démocratie.
Après une espèce de « froid » qui s’est étendu sur plus d’une dizaine d’années entre la Kabylie et le gouvernement, du moins sur le plan de la symbolique politique, la présence du Premier ministre aujourd’hui à Tizi Ouzou préfigure-t-elle une nouvelle vision où ne prévaudrait que l’intérêt de la région et des populations? Il est vrai que l’activisme politique- « boulitique », comme dit souvent la rue-a fait beaucoup de mal en détériorant les relations entre des acteurs locaux que, en principe, tout destinait à la coopération et à la réalisation de l’intérêt général. Le bouillonnement culturel et politique des années de la clandestinité caractérisé par une extraordinaire fécondité a souvent été malmené voire perverti par des intérêts étroits charriés par le pluralisme politique. La Kabylie a toujours servi d’exemple pour le reste du pays en matière de mobilisation citoyenne et de lutte pour la démocratie. Sous le parti unique ou sous le règne du terrorisme intégriste, elle a fait entendre sa voix singulière pour crier non à la soumission et à l’abdication. Cette vaillante attitude est le prolongement logique du combat contre le colonialisme qui remonte au 19e siècle. N’oublions pas que les armées françaises ont mis 27 ans pour faire les 130 km séparant Alger de Larbaâ Nath Irathen. Cet esprit de résistance et de lutte pour les libertés ne devrait pas être perverti par une forme de raideur qui s’apparenterait à un nihilisme qui ne dit pas son nom. Les sacrifices des enfants de la région, dont les derniers remontent au Printemps noir de 2001, méritent bien des horizons de développement et de prospérité pour toute la région. En continuant de se regarder en chiens de faïence, en éternisant la vie de certains abcès de fixation, l’élite kabyle et l’autorité centrale risquent de pénaliser le développement économique et social des populations. Quelque part, c’est déjà fait. Les résultats, on les voit sur le tableau de bord d’une économie régionale agonisante au moment où l’Algérie fait ses meilleures recettes dans son histoire. Au moment aussi où des plus de 500 milliards de dollars sont injectés dans les programmes d’investissements publics. La wilaya de Tizi Ouzou s’impatiente d’avoir son accès à l’autoroute Est-Ouest. La pénétrante de 45 km qui reliera la RN 12 à Djebahia n’est pas encore lancée bien qu’elle soit programmée depuis des années. Les oppositions se sont multipliées. La direction des travaux publics évoque, sur le site web de la wilaya, la »complication de la procédure d’expropriation des terrains et des biens empiétés par les emprises de projets », sachant que c’est la propriété privée qui prédomine. Un autre accès est aussi de nature à rendre de grands services à la wilaya. Il s’agit de la RN 24, longeant la mer et touchant les wilayas de Béjaïa, Tizi Ouzou, Boumerdès et Alger. En effet, cette route prend son départ de Yemma Gouraïa et abouti à Bordj El Kiffan. Après le recul de l’insécurité sur le tronçon Tigzirt-Dellys, ce dernier a été ouvert à la circulation après plus de 10 ans de fermeture. Un aménagement de cet axe stratégique (renforcement de sa chaussée défoncée sur plusieurs kilomètres, élargissement), ne peut que soulager la circulation sur la partie centrale de la wilaya (axe Oued Aïssi-Alger), en orientant le versant de la Kabylie maritime sur la RN 24. La trémie qui vient d’être réalisée à Sikh Oumeddour, même si elle fluidifie quelque peu la circulation sur le croisement RN 12/RN 15, ne peut pas régler complètement la saturation qui affecte ces deux axes routiers. Certes, des efforts sont actuellement fournis pour désengorger la ville de Tizi Ouzou (par la réalisation de la rocade nord, contournant le mont Beloua sur 22 km) et la ville d’Azazga (évitement sortie de Fréha sur la route de Yakourène sur 8,5 km). Mais, il demeure évident que la nécessité de désenclavement devrait explorer tous les autres moyens, y compris l’extension du chemin de fer et sa modernisation. Même mobilisée sur deux sites importants (barrage de Taksebt à Tizi Ouzou et barrage de Koudiat Acerdoune à Lakhdaria), l’eau devant alimenter les villages de la wilaya n’arrive pas toujours dans les robinets des abonnés. La réfection et la modernisation des réseaux s’imposent comme une urgence absolue. Les populations rurales sont également touchées dans leur patrimoine arboricole et apicole au cours de l’été dernier. Des milliers d’arbres fruitiers, particulièrement l’olivier, des centaines de ruches, ont été calcinés lors des grands incendies de juillet/août 2012. Ce sont des revenus des ménages qui se sont volatilisés en quelques heures. Les pouvoirs publics sont censés venir au secours de ces ménages, dans le cadre des projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI) ou des autres programmes d’urgence. En tout cas, les problèmes grevant la vie quotidienne des habitants des villes et villages de Tizi Ouzou sont nombreux et complexes. La »nasse » dans laquelle est prise une grande partie de la jeunesse, diplômée ou non, est bien celle du chômage. Les investissements productifs- en dehors de chantiers temporaires de réalisation des équipements publics- ne font rares. Le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Djurdjura (CCID), Ameziane Medjkouh, a donné en avril dernier, le taux de 6,5 entreprises pour 1000 habitants, alors que, au niveau national, ce rapport est de 12,5 entreprises pour 1000 habitants, soit le double. « Alors qu’un programme national appréciable de mise à niveau est mis en place, très peu de nos entreprises en bénéficient localement », souligne A.Medjkouh au cours d’un colloque sur le secteur du BTPH organisé en avril dernier à la maison de la culture Mouloud Mammeri, en ajoutant: »notre parcours est certes semé de difficultés, mais c’est par une solide coopération entre tous les acteurs économiques que nous pourrons surmonter ces défis et développer l’économie de notre wilaya, notamment par une meilleure coordination avec l’administration locale qui doit faire sa mue, les élus, les partenaires socioprofessionnels et le mouvement associatif ».
Amar Naït Messaoud