Hommage à Abdellah Tikouk

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Disparu le 15 juillet dernier à l'âge de 65 ans, suite à une longue maladie, Abdallah Tikouk aura marqué la production audiovisuelle algérienne d'une empreinte indélébile, celle qui a fait, pendant plus de 40 ans, du reportage et du documentaire de la nature un véritable sacerdoce.

Par Amar Naït Messaoud

Tikjda, la steppe des Hauts Plateaux, les sommets de Tahat et de l’Asekrem, sont des lieux mythiques qui témoignent du passage de la caméra de Si Andallah. Des lieux qu’il a tenu à médiatiser et à vulgariser auprès d’une jeunesse à la recherche de ses repères. Si la jeunesse algérienne a pu s’imprégner des grands paysages mondiaux au travers de chaînes étrangères spécialisées (Ushuaia, Escales, Encyclopédie, Chasse et Pêche, National Geographic,…), elle a trouvé peu de talents et d’énergies, comme ceux que recèle Abdallah Tikouk, pour lui faire aimer son pays, ses montagnes, ses vallons, ses falaises, sa neige, ses arbres, ses animaux, ses sites historiques,…etc. Tout le monde se souvient de ces images de  »djamal biladi », diffusées sur la Télévision nationale où Tikak fait œuvre d’esthète et de pédagogue. D’ailleurs, à force de marcher dans la nature et de côtoyer les habitants des villages et bourgades éloignés, il a acquis de précieuses connaissances du monde l’agriculture, de l’environnement et des forêts. Ces connaissances ont été renforcées et capitalisées au contact avec les cadres agronomes dans le cadre des documentaires qu’ils a réalisés sur le monde rural. En mai 2010, il participa à l’Exposition universelle de Shanghai où il a honoré le pavillon Algérie. La dernière fois où je l’ai rencontré ce fut lors de la projection du film qu’il a réalisé pour le compte de la direction générale des forêts, relatif au projet d’emploi rural (PER 2). Il était déjà mal en point; pire, la tumeur qui rongeait sa gorge l’a rendu déjà presque aphone. Mais, il a tenu à assister à la projection au milieu des cadres forestiers et d’autres invités (universitaires, représentants d’autres ministères). Avec une voix quasi inaudible, malgré le microphone, il a essayé d’expliquer, avec un courage exemplaire, comment il a sélectionné un produit, qui s’est étendu sur des dizaines d’heures, et le contracter dans un documentaire d’une demi-heure. Ce projet ayant touché six wilayas (Bouira, Médéa, Aïn Defla, Chlef, Tissemsilt, Tiaret) entre 2005 et 2010, a apporté une touche originale dans la conduite des projets en milieu rural. En effet, l’intervention des pouvoirs publics a été renforcée par des apports en sociologie rurale et en communication, faisant valoir l’approche participative où les agriculteurs et les adhérents aux projets publics prennent une place de choix dans la conception et la conduite des projets.  Pour évaluer les résultats d’une telle innovation et en analyser le fonctionnement, la direction des forêts a contracté un marché avec le Bureau nationale des études de développement rural (Bneder). Et c’est dans ce cadre que le regretté Abdallah Tikouk a « balayé » avec sa caméra tous les périmètres qui ont reçus les investissements du projet (PER 2). Personnellement, j’ai eu à l’accompagner, en 2009, dans le secteur de la wilaya de Bouira pour ce projet d’évaluation du PER 2. Il a filmé les nouveaux vergers installés au sud de la wilaya, les nouvelles constructions rurales, les pistes récemment aménagées, les ruchers et d’autres investissements réalisés au profit des communautés rurales. Il a fait intervenir avec son équipe les principaux acteurs institutionnels (le conservateur des forêts, les cadres et agents qui ont mené le projet sur le terrain, les présidents d’APC et surtout les bénéficiaires du projet). Il l’a fait avec un professionnalisme remarquable et un sincère dévouement. Abdallah Tikouk nous expliquait à chaque fois la complexité de  »comprimer » plusieurs dizaines d’heures de prises de vue en un film de quelques dizaines de minutes, devant accompagner le rapport d’évaluation fait par le Bneder. Cependant, lors de la projection, tout le monde lui reconnaît son professionnalisme. Juste après cette réalisation, la maladie de Si Abdallah se fit plus menaçante. Il a été transféré à l’étranger pour des soins. Il rendit l’âme le dimanche 15 juillet 2013 en son domicile du Clos Salembier (El Madania). Repose en paix dans cette nature algérienne que tu as tant adulée et fait aimer.

A.N.M.

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