«l’art est un engagement pour les libertés fondamentales»

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Né en 1971 à Amizour, troisième grande commune de la wilaya de Béjaïa, Mourad Meddour est à la fois auteur dramaturge et artiste-plasticien Passionné de peinture et de théâtre, Mourad en a fait  ses  moyens d’expression « pour  résister à l’obscurantisme et au désespoir », dit-il. Dans cet entretien, celui qui a eu le premier prix du meilleur texte théâtral à la dernière édition du théâtre amateur d’Amizour, qui s’est déroulée au mois de mai dernier, nous dévoile quelques aspects de son activité artistique. 

Dans quelle catégorie d’artistes  vous inscrivez-vous ?  

Je touche un peu à tout, bien que je privilégie le style semi-figuratif et les techniques de collages. Ce choix n’est  pas fortuit. Il m’a été dicté par deux facteurs principaux. D’abord,  l’absence de moyens matériels et le manque d’une formation spécialisée et continue. Ensuite, il y a l’objectif que j’ai assigné à mes peintures. Il est tout à fait clair pour l’observateur que mes peintures sont faites dans un esprit pédagogique. Elles portent le cachet d’une critique sociale. La thématique abordée dans mes toiles s’inscrit dans le  combat pour les libertés individuelles et collectives. J’en fais un moyen pour résister à l’obscurantisme et au désespoir. Pour que le message passe, il n’y a pas mieux que d’être terre à terre. Dans une société de tiers-monde, l’abstrait en peinture ou l’absurde dans le théâtre sont des choses trop belles pour qu’elles soient vraies.

Quelle est votre source d’inspiration ?  

J’ai un penchant pour tout ce qui est art, depuis mon enfance. Cependant, c’est  avec l’ouverture démocratique d’octobre 88 que j’ai voulu tenter ma chance sur la scène artistique. Ce fut une période de changement et de dynamisme sans précédant que j’ai exploitée à merveille. Il faut dire que être artiste en Algérie est avant tout un engagement pour les libertés fondamentales. Le Mouvement Culturel Berbère, que j’ai intégré a été pour beaucoup dans ma détermination et la structuration de mon caractère. Je fus ébranlé par l’assassinat de Matoub Lounès, que j’estimais beaucoup. C’est dans ce contexte de lutte démocratique que j’ai versé dans la production théâtrale et j’ai pu écrire ‘’Le cabinet noir’’ (Amaris averkane), ‘’La pieuvre des Tagarins’’ et ‘’Le maître est de retour !’’. 

‘’Le cabinet noir’’ est l’un de vos grands succès publics…

Effectivement. Dans cette pièce théâtrale je mets en lumière les méfaits du régime social de l’Algérie indépendante et la politique d’arabisation à outrance avec ses conséquences dévastatrices. 

Que pensez-vous de la situation culturelle de notre pays ?

La culture en Algérie n’a pas la considération et la place qu’elle mérite. Le budget consacré au secteur est insuffisant. Au manque d’infrastructures spécialisées, s’ajoutent une gestion anarchique, le gaspillage et le népotisme.  L’encadrement fait défaut et le système éducatif ou de formation  n’est pas fait pour permettre l’épanouissement des personnes douées, que ce soit dans le domaine de la musique, du théâtre, du cinéma, de la danse ou tout autre domaine artistique. L’artiste doit également faire avec les préjugés de notre société. Il y a tellement de tabous et d’archaïsmes qu’il faut une révolution dans nos mœurs et notre système de valeurs pour que la culture retrouve la place qui lui sied. On a essayé de nous  enfermer dans un carcan arabo-islamique. C’est une programmation à l’échec. 

Quels sont vos projets ? 

Pour le moment, j’ai une exposition de peintures à faire tourner. Il s’agit d’exposer des œuvres que j’avais achevées, il y a  plus de 5 ans. Mais je vais les soumettre pour la première fois au regard du public. Concernant le domaine théâtral, j’ai encore deux pièces à mettre en scène. Je suis à la recherche de comédiens qui répondent au mieux aux exigences de ces pièces. Je suis également sur un projet de cinéma/documentaire avec une association locale. C’est une expérience à laquelle je tiens beaucoup. Il est de mes principes de toujours apporter mon aide, ma contribution artistique et mon soutien aux associations culturelles de la région, qui me sollicitent. 

Un dernier mot ?

Pour finir, j’aimerais rendre hommage  à tous ces artistes et journalistes qui sont tombés sous les balles assassines pendant la décennie noire. Je pense particulièrement à Said Mekbel et Kheiredine Ameyar, qui m’ont beaucoup inspiré. 

Boualem Slimani 

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