Les limites des projets ANSEJ

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La majorité des jeunes «investisseurs» optent pour les projets de services dont l’investissement se résume souvent à un capital consommable, comme c’est le cas dans le créneau, prisé, des transports. Forcément, la création des richesses ne suivra pas.

L’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (ANSEJ) de Bouira, ne cesse de susciter l’intérêt des jeunes investisseurs. Ainsi, au cours du 1er semestre de cette année, pas moins de trois cents (300) projets ont été financés par cet organisme d’aide à l’emploi. Ce chiffre a été annoncé par le directeur par intérim de l’antenne de Bouira, M. Adel Hammal. Ce responsable a indiqué également que lesdits projets ont généré sur la même période, un total de 667 postes d’emplois dans cinq secteurs d’activités.

Les investissements « stériles » en tête

Evidemment et comme à chaque exercice, le secteur des services caracole en tête avec 163 projets. Ces derniers se résument en la location d’engins et matériels pour le bâtiment et les travaux publics et surtout les transports. En effet, les crédits ANSEJ vont majoritairement dans l’acquisition de véhicules utilitaires (J9 et J5) et autres petites fourgonnettes servant au transport urbain et interurbain. Ce type d’investissements qualifié de « stérile » par les économistes et autres spécialistes du domaine, s’est vu booster par les dispositifs avantageux de l’ANSEJ. Pour rappel, au mois d’octobre 2012, lors d’une journée d’études dédiée à l’investissement des jeunes, plusieurs experts ont relevé le manque de vision entrepreneuriale chez les jeunes. « Chez nos jeunes entrepreneurs, la création d’entreprise est une idée à défaut, ou bien faute de mieux ! Nos jeunes n’ont pas cette culture entrepreneuriale. Loin de là ils choisissent de créer une entreprise pour survivre et travailler et non pas dans le but de créer et d’innover », ont-ils regretté en citant le secteur des transports financé en grande partie par les crédits ANSEJ. Toujours, selon M. Hammal, le second secteur qui attire les jeunes entrepreneurs est celui du bâtiment et des travaux publics, avec 59 projets financés et l’industrie avec 48 projets. Cependant, ces chiffres ne reflètent qu’une partie de la réalité.  Pourquoi ? Et bien, si on se refait aux déclarations des autorités locales, à leur tête le Premier magistrat de la wilaya, M. Nacer Maaskri, le secteur du bâtiment se porte mal et pousse carrément au « pessimisme ». Il est vrai que dans la matière, les ouvriers se font très rares et souvent on « importe » de la main d’œuvre des autres wilayas. À titre d’exemple, dans quelques chantiers de la commune d’El Mokrani, des jeunes entrepreneurs ont dû mettre la clé sous le paillasson pour faute de main d’œuvre. Selon certains d’entre eux, le choix de se lancer dans le bâtiment était motivé par le fait de « combler un vide », ce qui nous ramène au choix par défaut, souligné par les experts. Selon M. Boukrif Moussa, docteur en économie et professeur à l’Université de Béjaïa, « la faillite » de l’entreprise et l’esprit d’entreprendre est causée par trois facteurs : l’absence d’études de marché le manque d’expérience et l’amateurisme qui caractérisent les jeunes entrepreneurs et enfin le manque de savoir-faire. « Ces facteurs sont des éléments clés pour l’émergence d’une réelle culture entrepreneuriale. Sans leur prise en compte, toute initiative de création d’entreprises viables, est vouée à l’échec », mettra-t-il en évidence. Le dispositif de l’ANSEJ, au-delà de sa vocation d’aide et de facilitation à l’accès à l’emploi, pourrait également, s’il n’est pas encadré devenir un outil d’échec et surtout d’endettement. Car, depuis son lancement, combien de PME/PMI ont pu émerger et se hisser au rang d’entreprises compétitives ! Cela, les statistiques ne le disent pas. Concernant le secteur des travaux publics, ces mêmes entreprises créées à partir des fonds de l’ANSEJ, ont été décriées par certains élus, lors des différentes sessions de l’APW. La raison ? Un mode de transaction qui est parfaitement légale, à savoir la sous-traitance des marchés. Pour faire « marcher » ces entreprises qualifiées d’« éprouvettes » et qui sont dans la plupart des cas de catégorie 1, c’est-à-dire, sans expérience, d’autres entreprises plus qualifiées acquièrent des projets et les sous traitent par la suite. Le résultat est connu de tous! Un travail de piètre qualité et dans le plus souvent des cas bâclés.

La formation comme unique solution 

L’agriculture ainsi que l’artisanat, sont les « parents pauvres » du dispositif de l’ANSEJ, avec respectivement 26 et 04 projets seulement ! Pourtant, avec une superficie de 4 456,26 km² dont 64% sont à vocation agricole, Bouira est, pour reprendre l’expression fétiche des autorités « une wilaya agricole par excellence ». Cependant, les investissements dans le domaine se comptent sur les doigts d’une main. Ce constat rejoint celui fait par des experts dans le domaine des investissements. Ainsi, ces derniers reprochent aux jeunes d’investir dans des créneaux « sans lendemains et qui ne créent aucune richesses ». Les chiffres fournis par M. Hammal confirment cette tendance. Il est vrai que les jeunes entrepreneurs et investisseurs « fuient » le secteur de l’agriculture comme la peste, et se tournent essentiellement vers les services. Pis encore, certains jeunes entrepreneurs délaissent des terres arables au profit d’une petite fourgonnette à sept places. Pour inciter les jeunes à investir dans l’agriculture et l’artisanat, le gouvernement a orienté sa stratégie vers la formation professionnelle et la revalorisation des métiers de la terre et la manufacture. « Aujourd’hui, toutes les activités financées dans le cadre des dispositifs (Ansej et Cnac) d’aide à la création d’entreprises par les jeunes bénéficient des mêmes avantages fiscaux et parafiscaux. Cela doit changer. Ceux qui créeront des entreprises dans des secteurs où il y a un déficit, seront avantagés », a affirmé récemment, le gouvernement. L’Université quant à elle, joue un grand rôle dans cette politique de « recadrage». Ainsi, nos facultés doivent, selon les propos de M. Boukrif, « investir d’avantage dans la promotion et l’enseignement des techniques de managements et  inculquer aux étudiants qui sont de potentiels entrepreneurs, l’esprit de compétitivité et surtout les méthodes à suivre pour réussir un projet ». À ce sujet, le 29 mai dernier, une convention a été signée entre l’université Akli Mohand Oulhadj et l’ANSEJ, ayant pour objet la promotion de la culture entrepreneuriale au sein de l’Université. Également, mettre en œuvre un programme de formation au profit des étudiants et étudiantes qui leur permettra de disposer de qualifications professionnelles en vue de la création et de la gestion d’entreprise. Pour sa part, l’agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes à l’échelle locale et selon sa chargée de la communication, Melle Farida Si Nasser, a organisé des journées de formation et de sensibilisation auprès des APC et des autres CFPA et annexes. Ces journées ont porté essentiellement, sur le développement des activités réalisables, selon les spécificités de chaque commune. Toutefois, sur les 45 communes de la wilaya de Bouira, 37 ont bénéficié de projets de l’ANSEJ. Les huit communes déshéritées sont : El Mokrani, Hadjra Zerga, Boukram, Ridane, Taguedit, El Hakimia, Bordj Okhris et El Hachimia. L’année dernière, sur les 45 communes de la wilaya, 41 avaient bénéficié de projets de l’ANSEJ. Les quatre communes non couvertes étaient celles de Hadjra Zerga, Zbarbar, Taguedit et Mesdour. Les promoteurs issus de ces localités préfèrent implanter leur projet aux chefs-lieux de daïra pour des raisons, disent-ils, de sécurité et de pérennité. On apprend par ailleurs, que depuis, le 01 janvier 2013, 498 dossiers ont été déposés auprès de cette antenne.

Ramdane. B.

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