La caroube a perdu ses lettres de noblesse

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Le fruit du caroubier, qui a pendant des siècles sauvé bien des régions de la famine et fut pendant longtemps la seule ressource de grands nombres de familles, est complètement délaissé. 

On ne se donne même plus la peine de le récolter. Les caroubiers sont abandonnés aux ronces qui les ont envahis. Seuls quelques adolescents, bien inspirés, cueillent encore ce fruit pour gagner un peu d’argent de poche. Rencontré dans un village de la côte Ouest de Béjaïa, avec dans une main un panier contenant des sacs en toile de jute et dans l’autre une longue perche, Abdelkader, élève de 4ème AM, nous en dit un peu plus : « Je sais que je devrais être en classe, puisque la rentrée a eu lieu depuis plusieurs jours, mais je ne rejoindrai les bancs de mon CEM qu’au début de la semaine prochaine. Les premiers jours de la rentrée sont généralement consacrés aux formalités des inscriptions et des prises de contact entre professeurs. Moi, je préfère les consacrer au ramassage de caroubes, histoire de me faire un peu d’argent et payer au moins les affaires scolaires ». Au village, personne ne se donne la peine de récolter les fruits, et Abdelkader en dispose à sa guise. Il trie les fèves pleines de grains. Il ne s’intéresse qu’aux arbres qui se trouvent au bord de la route, plus accessibles. Avec sa gaule, il fait tomber les caroubes de l’arbre. La forme en V de la terminaison de sa gaule sert à faire tomber les fruits en les attaquant au pédoncule. Une fois les gousses par terre, il n’y a qu’à en remplir les sacs. Ces sacs, Abdelkader se contente de les laisser au pied de l’arbre, le camion du collecteur viendra les prendre. En une journée bien pleine, Abdelkader peut récolter jusqu’à deux quintaux. A un prix moyen de 2000 DA le quintal, le travail est plutôt rentable pour notre collégien. Dans le temps, quand les caroubiers étaient plantés, greffés et soignés, le rendement de chaque arbre était bien supérieur. La pulpe du fruit était succulente et juteuse. Quand ces arbres étaient bien soignés, il arrivait qu’un filet de miel coule du fruit lorsqu’on le cassait en deux. A cette époque-là qui n’est pas si lointaine que ça d’ailleurs, les caroubiers étaient récoltés même lorsqu’ils étaient loin du village, de la route, poussant sur des terrains abruptes ou au fond d’un ravin. Toute la famille s’y mettait et les sacs étaient transportés à dos d’âne jusqu’à la maison. Les caroubes s’entassaient dans les cours, et de toutes les maisons du village exhalait l’odeur suave et nourrissante des caroubes qui caractérisait la saison. Avec la vente des caroubes, toutes les dettes contractées durant l’année étaient épongées et il restait assez d’argent les grandes dépenses, comme acheter du bétail et marier un fils.

                   

B. Mouhoub

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