«Mon vœux est de repartir sur place un jour»

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La Dépêche de Kabylie : M. Akrour, tout d’abord quelques mots sur ces assises que tient votre organisation qui reste méconnue à Tizi-Ouzou ?

M. Amar Akrour : Pour notre association, les premières assises ont été tenues en date du 1et 2 mars 2001 à l’hôtel « Le Beloua » de Tizi-Ouzou, selon la loi 91/31 relative aux associations.  Maintenant qu’une nouvelle réglementation est intervenue, à savoir La loi 12/06. Nous nous sommes réunis donc à nouveau pour nous mettre en conformité avec la nouvelle législation. C’est une démarche à laquelle nous nous soumettons pour prétendre à une reconnaissance officielle de notre association.

 

Parlez-nous de cette guerre à laquelle vous avez pris part en tant qu’officier et qui est méconnue des Algériens. Il se dit que la majorité des soldats qui ont participé à cette guerre est issue de la Kabylie. C’est vrai ?

Justement, l’un des objectifs de notre organisation est, outre la défense des intérêts moraux et matériels des combattants, la contribution à l’écriture sereine et objective de l’histoire des guerres qui ont eu lieu entre 1967 et I975. Pas uniquement des guerres de 1967 à 1973.

Pourquoi une telle période  «1967 à 1975 » ?

L’armée algérienne n’avait pas quitté le sol égyptien, malgré la défaite de 1967. Elle avait participé dans ce qu’on appelait « La guerre d’usure », le long du canal de Suez, faisant face à l’armée israélienne. Permettez-moi de vous renvoyer, pour plus de détails, aux mémoires de l’ex-général Khaled Nezzar qui commandait la deuxième brigade motorisée, intitulé « Sur le front égyptien »

Où étiez-vous au début de la guerre d’Octobre ?

En ce début du mois d’octobre 1973, j’étais affecté à la 8ème brigade blindée (la 8ème BB) qui se trouvait à Teleghma (Mila) après ma sortie de l’école des officiers de Cherchell avec le grade d’aspirant.

 

Les égyptiens sont entrés en guerre le 6 octobre 1973. Quand la 8ème BB avait-elle pris le départ puisqu’on ne parle que d’elle dans cette guerre ?

La 8ème BB s’était mise en route dans la nuit du 6 au 7 octobre.  Je me souviens de mon étonnement en écoutant, aux environs de minuit, la radio Monté Carlo qui annonçait que « La 8èm brigade blindée, fer de lance de l’armée algérienne, faisait mouvement vers le Moyen-Orient », alors que je pensais qu’elle s’effectuait dans le secret. Nous avions eu tous une permission au mois de septembre pour voir nos familles et leur dire que nous allions en Egypte. Je me souviens surtout de ma mère qui pleurait alors que mon père ne cessait de la rassurer en lui disant que lui même avait participé à la deuxième guerre mondiale et qu’il en était revenu vivant. Rien qu’à me remémorer ces moments là mes larmes m’envahissent.

 

Le Président Boumediene et les chefs militaires étaient alors au courant du déclenchement de cette guerre vu qu’on vous a préparés à l’avance ?

Sûrement. Il ne faut pas oublier que le général Saadeddine Chazli, dans ses mémoires, avaient parlé de ses entretiens avec le président Boumediene au cours desquels il avait évoqué les moyens humains et matériels que l’Algérie comptait mettre dans cette guerre. C’est pour cela que le jour «J», les unités algériennes étaient prêtes et avaient fait mouvement vers l’Egypte en utilisant tous les moyens de transport. Il faut également souligner que c’était vraiment une prouesse jamais égalée, sans compter sur le génie et le savoir faire de M. Abdelmalek Guenaizia qui avait pu déplacer, au moins, 5 000 hommes avec tout son armada sur une aussi longue distance qui est de 4 000kms, pour arriver à bon port sans aucun problème.

 

Quel était votre état d’esprit au moment du départ ?

C’est l’état d’esprit de tous les jeunes. Nous avions entre 23 et 25 ans. Nous étions insouciants, fiers de servir l’Algérie, la cause arabe et de libérer la Palestine. Avant de passer à autre chose, je dois signaler qu’il n’y avait pas que la 8ème BB qui a participé. Beaucoup d’autres unités avaient été placées sous le commandement de Abdelmalek Guenaizia alors que Mohamed Touil, alors capitaine était chef d’état-major.

Comment s’est effectué le déplacement ?

Après avoir traversé la Tunisie par le Sud, nous sommes arrivés dans la banlieue de Tripoli, la capitale de la Libye où nous fumes très bien accueilli par nos frères libyens qui avaient mis à notre disposition la caserne de Tajoura. Je me souviens que malgré la fatigue, j’avais disputé avec le commandant Abdeslam Djalloud, le compagnon de Mouammar EL Kadhafi, qui avait tenu à nous recevoir en personne sous les recommandations de ce dernier. De Tripoli, j’avais rallié Benghazi d’où je fus embarqué sur un grand paquebot civil qui portait le nom de « Misr », affrété par l’armée. Outre les différents documents, j’avais embarqué des munitions pour les chars. J’avais effectué la traversée de Benghazi au port d’Alexandrie où nous fûmes chaleureusement accueillis avant de rejoindre les abords du Caire où était prévu notre rassemblement avant de rejoindre le front.

 

Comment aviez-vous  été dirigés sur le front ?

Après l’arrivée de nos troupes et de nos engins, nous fûmes intégrés dans la 4ème division blindée de la troisième armée égyptienne qui avait subi d’énormes pertes humaines que matériel, dans le Sinaï, sous les ordres du général Abdelaziz Kabil.

Où aviez-vous pris position ?

Nous tenions le front situé sur le grand lac qui va de la ville de Suez à la ville d’Ismaïlia. Nous avions également à protéger la fameuse tente où s’étaient déroulées les négociations entre les égyptiens et les israéliens sous les auspices de l’ONU pour mettre fin à la guerre.

 

Sur le plan individuel quelle était votre mission exactement sur le front ?

J’étais à l’état-major. J’étais surtout chargé de la liaison et de la traduction (arabe /Français). Je peux dire que j’étais pas mal loti d’autant plus que j’avais surtout la possibilité d’effectuer des déplacements au Caire et un peu partout.

 

Vous aviez des permissions ?

Bien sûr, j’avais profité pour faire du tourisme malgré tout. J’ai profité pour voir les pyramides, les quartiers pauvres et riches du Caire, goûter la fameuse Taamia réservée aux plus démunis …

 

Gardez-vous une certaine nostalgie de cette période passée au front égyptien ?

Bien sûr, mon souhait est de repartir pour visiter, notamment la tombe du général Saadeddine Chazli, un des héros de cette guerre.

 

Est-ce qu’il y a d’autres anciens combattants qui étaient avec vous sur le front ?

Il y avait, avec moi, M. Abdelkader Hamadache, officier dans les blindés, qui a été nommé sénateur ; M. Amarat  Ali et des dizaines d’autres kabyles, toujours en vie.

Un mot pour conclure…

Un grand merci pour notre journal « La Dépêche de Kabylie »qui contribue ainsi à l’écriture de cette histoire.  

Essaid  Mouas

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