Depuis plus d’une année, des centaines de candidats au permis de conduire, encadrés par une trentaine d’auto-écoles, suivent leur formation dans des conditions des plus difficiles au niveau de la commune d’Akbou, et ce, pour de multiples raisons.
En fait, il n’y a pas que l’état du tout nouveau circuit sis au niveau du marché de fruits et légumes à Bouizène, qui pose problème. Devant la multiplication du nombre de ces écoles, notamment via le dispositif ANSEJ, des accusations de «corruption», contre certains moniteurs «indélicats», sont évoquées par plusieurs candidats. «Elles seraient devenues, au fil du temps, une source de gain facile. Les agissements de certains examinateurs et d’autres moniteurs sont un risque constant sur l’avenir de ce créneau qui va en s’aggravant, sans que les autorités n’arrivent à stopper ce fléau d’un nouveau genre», témoigne un candidat au permis de conduire. De ce fait, leur responsabilité quant aux accidents de la route qui ne cessent malheureusement de s’accroître, sachant que ces candidats seront dans quelques mois des conducteurs, est entière. «Le permis de conduire se vend», a d’ailleurs fini par avouer récemment le président de la Fédération nationale des auto-écoles, lors d’un point de presse organisé récemment à Oran.
Le circuit de la peur !
Après son aménagement, c’est le marché de gros de fruits et légumes qui fait, depuis un certain temps, office de circuit. Un endroit, certes spacieux, selon certains gérants d’auto-écoles, qui répond favorablement aux normes internationales en terme, notamment de superficie autorisée qui est de 8 000m². Néanmoins, il est dépourvu de la moindre commodité. Une véritable décharge publique à ciel ouvert se trouve à proximité du circuit. Des bouteilles de bière jonchent les trottoirs, une odeur nauséabonde picote les narines, les sanitaires installés par les services de l’APC ne sont ni assainis, ni épurés et aucun abris-bus ni clôture des lieux n’existe ni est envisagé. En hiver comme en été les apprenants au volant sont livrés à Dame nature. Idem pour la sécurité. De nombreuses candidates font un parcours de combattant pour y arriver. «Lorsque je me déplace ici à Bouizène, j’ai souvent la peur au ventre tellement l’endroit est déserté», témoigne Samia, une jeune candidate au permis de conduire, rencontrée sur les lieux mercredi dernier. Pour les filles candidates, rejoindre Bouizène, c’est faire un parcours de combattant ! «Certaines auto-écoles prennent en charge le déplacement des candidates depuis leurs sièges», a fait savoir un des gérants. «Par précaution, on insiste à ce que les filles candidates inscrites au sein de notre établissement soient transportées par nos soins jusqu’au circuit», soutient Fayçal, un gérant d’une auto-école. Hélas, ce n’est pas le cas pour tous les autres établissements. D’ailleurs, les services de la municipalité ont pris l’initiative de réquisitionner un bus communal pour assurer le déplacement des candidats, du moins, le jour de l’examen. L’APC d’Akbou est, faute d’un bon plan d’aménagement du circuit, pointée du doigt sur la situation « précaire » qui caractérise cette activité. Le vice P/APC, M. Mohand Arezki Iskounène, reconnaît la passibilité de la commune devant les conditions auxquelles sont livrés des centaines de candidats. «Il existe tout un projet d’aménagement de ce circuit. Néanmoins, il est dans un état de visionnement et d’approbation. Le problème du blocage influe sur les situations des projets de la commune. Et nous en sommes là. En témoignent les conditions dans lesquelles exercent ces écoles», ajoute-t-il.
«Connivence entre des moniteurs et certains examinateurs»
Les candidats déplorent aussi le manque d’éthique chez certains moniteurs qu’ils accusent de «corruption». Des candidats aux épreuves pour l’obtention du document rose, à savoir, le code, le créneau et la circulation, avancent que des moniteurs percevraient des pots-de-vin pour faire gagner des candidats. «C’est Hamid ! Avec cet ingénieur, on va tous avoir notre test», laisse tomber un des candidats.
Un moniteur réplique : «À ma connaissance, il n’a jamais fait perdre aucun candidat !». Cet examinateur est accrédité ces jours-ci, par sa tutelle pour examiner des dizaines de candidats. Il existe, selon des indiscrétions, uniquement une dizaine d’ingénieurs pour examiner des milliers de candidats, à travers toute la willaya de Béjaïa. «C’est un manque flagrant. Durant le jour de l’examen, une centaine de candidats passe leurs examens sous la houlette d’un seul examinateur», a-t-on appris de Fayçal, gérant d’une auto-école. Un autre nous a révélé que pratiquement tous les ingénieurs prétendent à un «pot-de-vin» pour faire gagner tous les candidats. «Parfois, l’examinateur nous demande jusqu’à 4 000DA pour chaque candidat», lâche un moniteur qui a requis l’anonymat. Quant au candidat Salim, il a payé selon ses aveux, 25 000 DA soit le prix forfaitaire, frais d’examens compris, que coûte le permis de conduire. «Je m’attendais à une avalanche de questions sur le code de la route, néanmoins, à ma surprise, la séance n’a duré que 05 secondes !» s’étonnera-t-il. En fait, l’ingénieur ne lui aurait montré «à la va vite» que deux petits panneaux à identifier!
Plusieurs autres candidats décrivent également le même scénario. Ces derniers dont la plupart déclarent «ignorer» le code de la route, révèlent aussi, dans certains cas, avoir payé une «tchipa» pour obtenir leur permis le plus vite possible. Le «dispatching» de l’ensemble de la corporation est sujet à critique, notamment à Akbou! Il est d’ailleurs, à se demander où est passé le centre national des permis de conduire (CENAPEC), installé l’année passé par le ministère de tutelle? Ce centre national devrait avoir pour missions d’encadrer l’enseignement de la conduite automobile, son suivi et son perfectionnement. Il y est surtout question du contrôle des auto-écoles, de leur supervision et de la formation des examinateurs. Selon nos sources, il existe pas moins de 6 500 auto-écoles à l’échelle nationale pour uniquement près de 400 examinateurs.
M. Ch.