Les stagiaires fuient les métiers «pénibles»

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Pour répondre favorablement et d’une manière efficiente à la demande du marché du travail, que ce soit en qualité de main d’œuvre ou en effectif, le secteur de la formation professionnelle de Béjaïa a encore beaucoup de défis à relever.

Le problème qui se pose avec acuité est la désertion des ateliers d’apprentissage par les jeunes, qui, au fil des ans, se font de plus en plus rares. Pour 9 000 places pédagogiques disponibles, ce ne sont, cette année, que 7 000 candidats qui s’y sont inscrits. Depuis quelques années, les rentrées dans le secteur se font « péniblement», avec des effectifs timides, juste de quoi maintenir les centres de formation en activité. Malheureusement, ce n’est pas la vocation première de ce secteur, pourtant « important », auquel est dévolue le non moins négligeable rôle de former et de garantir une main d’œuvre qualifiée et disponible pour d’autres secteurs. 

Cherche maçons désespérément

Les différentes campagnes de communication menées jusqu’ici par la direction de la formation professionnelle, afin d’attirer des candidats potentiels qui voudraient s’initier à un métier, ne se sont pas avérées persuasives. La dernière en date est le premier « Salon local pour le développement des métiers du bâtiment », organisé au niveau de la Maison de la Culture du 20 au 22 du mois en cours. Ce salon était le point de départ de la visite du ministre de la Formation professionnelle, la semaine dernière, dans la wilaya de Béjaïa. En présence des directeurs des CFPA, le ministre a insisté sur « la nécessité d’assurer la relève dans ce secteur névralgique », dont les différents acteurs se disputent le peu d’effectif disponible.  Pourquoi n’avoir dédié ce salon que pour le secteur du bâtiment ? La réponse est simple, « c’est le secteur qui souffre le plus du manque de main d’œuvre », étant en plein boum, surtout avec le lancement, en 2009, du programme de construction de « un million de logements » à travers le territoire national. «La formation professionnelle est un avenir certain car le pays a besoin de professionnels en métiers qualifiants. Nous sommes même en manque en la matière, notamment dans le secteur du bâtiment où la main d’œuvre qualifiée se fait rare voire même inexistante parfois en certains endroits ». Ce sont les déclarations faites par le wali, dans son allocution donnée à l’occasion de la rentrée 2014 de la formation professionnelle, au niveau du nouveau INSFP de Sidi Aïch. Des chantiers poussent comme des champignons, sans commune mesure avec la main d’œuvre disponible. Les maçons et autres spécialistes des métiers de la construction se cherchent à la loupe. En milieu urbain, là où il y a une forte concentration de promotions immobilières, mais aussi au niveau des zones rurales avec le programme de l’habitat rural, la demande concernant les métiers du bâtiment monte en flèche. Chose à laquelle les centres de formation ne peuvent faire face. Parmi les quelque 7000 nouveaux stagiaires, on ne compte pas plus de 500 d’entre eux qui sont affectés vers cette spécialité tant demandée. Même au niveau des CFPA les plus fréquentés, à l’instar du centre Lek’hel, au chef lieu, qui a fait l’objet de la dernière visite du ministre, la maçonnerie figure parmi les spécialités les plus indésirables. Les candidats évoquent son caractère éreintant. « Je ne me vois pas maçon vu que c’est un métier très pénible et dangereux », confesse un stagiaire du centre Younes Lek’hel, qui préfère s’inscrire en tapisserie. Certains centres de formation sis à la périphérie sont carrément désertés par les candidats, surtout en ce qui concerne les filières telles que la maçonnerie et la plomberie. Le CFPA de Seddouk, à titre d’exemple, ne compte que six stagiaires en maçonnerie et autant en plomberie. C’est peu pour une région où les permis de construire, dans le cadre de l’aide à l’habitat rural, se délivrent par centaines. De ce fait, pour attirer des candidats et leur faire changer de regard sur ces métiers, certaines conditions, en cours et après la période d’apprentissage, doivent être revues.

Pour une formation à la carte

Former à la carte est l’une des suggestions du ministre de la Formation professionnelle, lors de sa visite à Béjaïa. « C’est une mesure, en cours d’étude au Conseil des ministres. Cela implique une étroite collaboration entre le secteur de la formation professionnelle et les autres secteurs, dont le bâtiment », a-t-il dit. Les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, doivent, non seulement participer à l’apprentissage, mais plus encore, il leur serait imposé de recruter au moins une partie de l’effectif formé. Cette formule, une fois mise en œuvre, va fonctionner selon les besoins exprimés par les entreprises. Il s’agit de faire d’une pierre plusieurs coups, mais avant tout, d’après le ministre, « il faut rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande dans le marché du travail ». Cela permettrait aussi de gagner en quantité et beaucoup en qualité par la mise en œuvre, d’une part, de plus de moyens pour les besoins de l’apprentissage, et de l’autre, profiter de l’expérience du terrain une fois que les entreprises deviennent plus accessibles. Pour ce faire, c’est tout un cadre juridique qui doit être mis en place « pour permettre aux entreprises cette liberté d’agir », d’après le ministre. 

M.H. Khodja

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