Le Haut Commissariat à l’Amazighité, en collaboration avec l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, de Paris, organise, depuis hier, au niveau du petit théâtre de la Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, deux journées d’étude dédiées au «patrimoine villageois amazigh».
Durant ces deux journées d’étude, les conviés tenteront de comprendre les diverses attitudes locales vis-à-vis du patrimoine villageois, dans le contexte actuel d’unification et de centralisation des savoirs et des cultures, par l’unification des modes de socialisation et de formations nationale et internationale. L’ouverture, hier, de ces journées, dont les invités venus des quatre coins du pays sont nombreux, a été faite par M. Youcef Merahi, SG du HCA, M. Djilali Doumni, chef de daïra de Tizi-Ouzou, et un représentant de la wilaya de Tizi-Ouzou. Après la cérémonie d’ouverture, il fut procédé à la présentation des travaux prévus durant ces deux jours par M. Boudjema Aziri, sous directeur au HCA, et M. Kamel Chachoua, chercheur au CNRPAH. « Le village kabyle est le même que jadis et nous espérons qu’il le restera. Ceci dit, il y a une certaine évolution des mentalités », dira Youcef Merahi, dans son allocution. Il précisera également que l’enseignement de la langue amazighe est toujours dans sa phase expérimentale sans que cette expérience ne soit soumise à un audit. « Une expérience doit avoir un début et une fin. Pour que nous puissions garder le meilleur et faire en sorte que ça évolue », a-t-il dit. Pour sa part, le chef de daïra de Tizi-Ouzou insistera sur la nécessité de « préserver l’architecture de la maison et des villages kabyles qui est, selon lui, une richesse inestimable ». Un programme riche et varié a été concocté pour l’occasion, notamment des communications, une dizaine, suivies de débats, de projections de films documentaires et une table ronde autour des travaux de mémoires de fin d’étude sur le patrimoine villageois amazigh, qui sera animée par Azzedine Kinzi, enseignant au département de langue et culture amazighes à l’université de Tizi-Ouzou. Dans son allocution intitulée « patrimoine amazigh dans le champ anthropologique à l’université : le cas d’un master en anthropologie culturelle et du patrimoine amazigh à l’université de Tizi-Ouzou », M. Kinzi a expliqué la nécessité de la mise sur pied d’une nouvelle formation, « un master en anthropologie du patrimoine amazigh », en l’occurrence, pour l’année universitaire en cours, au département de langue et culture amazighes de l’université de Tizi-Ouzou.
Pour sa part, le chef de daïra de Tizi-Ouzou insistera sur “la nécessité de préserver l’architecture de la maison et des villages kabyles” qui est, selon lui, une richesse inestimable .
« Cette formation est inédite dans le champ universitaire algérien. Nous avons la chance d’avoir un département dédié à la langue et à la culture amazighes qui, ces dernières années, ne cesse de progresser et de s’ouvrir à d’autres spécialités. Le but de cette nouvelle formation est d’introduire le domaine du patrimoine à l’université », indiquera notre interlocuteur, en ajoutant : « Nous avons également pensé à créer un doctorat dans la même spécialité». Pour sa part, Brahim Salhi, de l’université de Tizi-Ouzou, expliquera, à travers sa communication intitulée « patrimonialité entre utopie et réalité », que l’exercice de mémoire contre l’oubli est essentiel. Néanmoins, il ajoutera qu’il n y croit pas trop, car il faut réfléchir à ce que cet exercice ne soit pas folklorique. « Depuis l’indépendance, nous avons eu un modèle matériel modernisé. Nous avons donc adopté un modèle qui ne nous est pas approprié. Il faut penser à faire quelque chose si nous voulons inscrire ce patrimoine dans l’innovation. Il y a un devoir de mémoire ». Farid Assiakh, de l’université de sociologie de Béjaïa, quant à lui, traitera le thème de « Tadjmaat », dans sa conférence intitulée « les institutions villageoises kabyles, entre rupture et continuité ». Il expliquera que l’instance principale, voir exclusive dans le village kabyle, était Tadjmaat ou l’assemblée du village. Durant l’occupation française, ajoutera-t-il, le village kabyle a été confronté à de nouveaux modes d’organisation et Tadjmaat va voir certaines de ses prérogatives lui échapper et devenir l’apanage d’institutions. « Après l’indépendance, cette situation va s’accentuer d’avantage. L’Etat algérien naissant ne laissa qu’une petite brèche aux institutions traditionnelles » dira le conférencier, Par la suite, c’était autour de Rachid Oulebsir, ancien journaliste et écrivain, essayiste et chercheur en patrimoine culturel immatériel de la Kabylie, de présenter sa communication intitulée « pratiques oléicoles et savoir faire des producteurs d’huile d’olive dans la vallée de la Soummam ». Durant l’après-midi, une autre série de communications tout aussi intéressantes et importantes a été présentée, suivie de la projection du film documentaire « mémoire en chantier », de Catherine Gauthier. Pour aujourd’hui, le petit théâtre de la Maison de la culture abritera une communication de Mustapha Tidjet de l’université de Béjaia, suivie d’une table ronde autour du patrimoine villageois et la projection d’un film documentaire sur la réhabilitation des maisons traditionnelles dans le village de Djebla à Béni Ksila.
Samira Bouabdellah