Confusion autour de la propriété des terres

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Voulant obtenir des certificats de possession, plusieurs habitants du village Colonel Amirouche (Ex-Riquet) avaient essuyé un refus catégorique des services de la mairie d’Akbou.

La raison : les terrains qu’ils occupent, qui s’étendent sur une superficie de quelques 75 hectares, à l’entrée Ouest d’Akbou, appartiendraient aux domaines. Suite à ce refus, des actions de protestation ont eu lieu dont celle du mois de juillet dernier avec la fermeture du siège de la daïra. Les villageois n’ont depuis cessé de réclamer «la régularisation des parcelles de terrain pour au moins bénéficier des aides publiques entrant dans le cadre du FONAL», disent-ils. «À un moment donné on nous délivrait des certificats de possessions sans contraintes. Mais ce n’est plus le cas. L’APC refuse désormais de nous délivrer le fameux document, depuis que les Domaines d’Akbou ont réclamé la propriété du terrain», a-t-on appris de M. Said Tifraouine, enseignant et notable dudit village. «C’est une situation qui perdure depuis des années. Une partie du village a été cadastrée. Mais depuis, aucune autre opération n’est effectuée. Plusieurs citoyens sont pénalisés et ne peuvent entamer des constructions», ajoutera un autre notable. Manifestant leur «indignation» et s’estimant «lésés», ces villageois, dont la majorité sont des paysans, s’interrogent : «Si le cadastre a affirmé que les terrains en question sont titrés et sont des biens de l’Etat, pourquoi aucune mise en demeure n’a été établie jusque-là ?». Les habitants de ce village qui ont déjà construit et investi sur la route nationale 26 des sommes faramineuses disent ne plus savoir à quel saint se vouer. Selon leurs affirmations, ils n’ont jamais, ni été inquiétés, ni reçu des mises en demeure par les services des domaines depuis 1966 à ce jour. Ces habitants ont en effet, durant des années, eu leurs CP (Certificat de Possession) et leurs permis de construire. Pour illustrer ce changement de politique, il y a le cas de ce jeune père de famille à qui les Domaines ont refusé de délivrer un CP alors que son père en a obtenu un ! Le wali de Béjaïa a été interpellé par le vice-P/APC, M. Mohand Arezki Iskounène, lors d’une réunion ayant eu lieu le 04 novembre dernier avec les élus d’Akbou, sur la situation précaire qui perdure dans ce village. « Le terrain revendiqué dépend du lot N° 196 du lotissement d’Akbou suivant le Sénatus Consult établi par les Français. Et cela, en vertu de l’ordonnance N° 66/102 du 21 mai 1966. En conséquence, il se trouve donc exclu du champ d’application du décret 91/254 du 27/07/1991, portant établissement de certificat de possession et tu ne peux l’obtenir sur demande». Il s’agit là d’un extrait d’une réponse faite, le mois de juillet dernier, par l’APC s’appuyant sur une enquête menée par les domaines d’Akbou, sur tous les demandeurs de CP du village colonel Amirouche dont nous détenons une copie. Le refus de délivrer le fameux sésame est effectif, d’après de nombreux témoignages, depuis 2010, date de l’octroie d’aide à la construction d’habitat rural, (FONAL). Et comme la majorité des plans sont établis par le géomètre expert foncier, maître Mouloud Hidja, nous nous sommes rapprochés de lui. Il a tenu à nous apporter des explications sur la nature du terrain et « les anomalies » qui auraient été faites par les services des domaines.

Un expert géomètre contredit les domaines

«En premier lieu, le Sénatus Consult a été établi en 1889, donc, depuis 124 ans par l’armée française», dira-t-il. Selon lui, les plans ont été établis sous un levé topographique rapide au profit de sa stratégie de guerre et militaire. Avant l’occupation, toutes les terres étaient des propriétés privées car les Kabyles étaient des paysans. «Alors, pourquoi avoir attendu 2013 pour apprendre aux centaines d’habitants du village que leurs terrains ne leur appartiennent pas ?», s’interroge l’expert. Notre interlocuteur s’est appuyé sur ces plans datant de la période coloniale, «Sénatus Consult» qui ont été fait depuis 1863. Certains plans sont, selon lui, «caducs». Puisque, explique-t-il, dans le cas du village Colonel Amirouche et ses environs, le Sénatus Consult a un décalage qui regroupe les îlots 190 à 199, par rapport à la route portée sur le plan en 1889, un décalage de près de 114 mètres par rapport à la RN26 actuelle. «Comme l’erreur est hors tolérance, donc, le dit plan est caduc», estime-t-il. Une carte d’état major est, d’ailleurs, établie par le ministère de la Défense (Institut national de cartographie) avec une légende plus détaillée et plus précise par rapport à celle du Sénatus.

Anomalies du cadastre ?

«Depuis 1992, date du passage du cadastre (ouverture des opérations de cadastre rural d’Akbou), aucune mise en demeure n’a été adressée aux concernés, c’est-à-dire, les gens qui occupent les lieux», explique notre interlocuteur. Les services du cadastre, dira-t-il, ont recensé la région comme «zone non cadastrée» dans la section 15. Car, elle a été classée comme zone urbaine, vu le nombre conséquent d’habitations. Or, de part et d’autre de celle-ci, ils ont cadastré toutes les zones rurales, donc, c’est un bien qui appartient à tout le monde. L’expert indique que la nature du terrain n’est pas définie. Le cadastre est censé recenser les biens de l’Etat en premier lieu, par exemple, le Piton d’Akbou (Ilot N° 137, Section 09, bien de l’Etat), comme c’est le cas, aussi, des châteaux d’eau, des routes, EAC, EAI…numérotés et répertories avec leur surface par les mêmes services tout en établissant des livrets fonciers au nom de l’Etat (communal, domanial…)», explique-t-il. L’opération cadastrale effectuée dans la région prit fin, selon notre interlocuteur, en 1999. «Cette opération est couronnée d’une commission composée de toutes les institutions étatiques (la justice représentée par le président du foncier, les domaines, l’hydraulique, un géomètre et un notaire». Leur but est de traiter et résoudre toutes réclamations et anomalies rencontrées lors des opérations du cadastre qui sont exposées, soit par des particuliers où par des représentants des institutions. Dans ce chapitre, les services des Domaines auraient commis de grosses erreurs ! En effet, ces derniers, selon notre interlocuteur, «n’ont émis aucune réclamation ni opposition pour revendiquer cet îlot N°196, qui est d’une superficie importante (75 hectares minimum), dans les années 2000».

Menad Chalal

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