Que la fête soit !

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Par Amar Naït Messaoud

La célébration, aujourd’hui, de la fête de l’Achoura en Kabylie nous replonge nécessairement dans l’une des traditions les plus ancrées dans la mémoire populaire de la région et l’une des célébrations les plus vivaces dans un grand nombre de cantons de la montagne. L’on sait que les explications inhérentes à une telle ferveur sont loin de s’épuiser, allant d’une présumée tradition chiite, à un événement qui lui est bien antérieur, la sortie réussie du prophète Moïse (sidna Moussa) de l’Egypte. Peu importe l‘origine d’un rite qui a pris les couleurs culturelles et festives d’une région qui en a fait une occasion de faire valoir des actes de solidarité avec les pauvres, de hisser les gestes et les chants locaux au rang de valeurs de ralliement, permettant aux familles et aux amis de se retrouver le temps de partager une piste de danse face aux idhabbalen et de prendre un repas collectif aux saveurs de couscous, de pois chiche et de viande. Sur les deux versants du Djurdjura, sur les monts des Bibans et des Babors, on continue à célébrer, dans les chaumières, sur les places publiques et chez les saints tutélaires, cette fête ancestrale. Timechret (sacrifice de veaux), couscous collectifs, fête de village avec le groupe des tambourinaires, actes de solidarités avec les nécessiteux et les malades chroniques, sont autant de faits qui caractérisent, aujourd’hui encore, la fête de l’Achoura dans certaines régions à l’image des Iwakourène, dans la commune de M’Chedallah. Comités de villages et associations sociales et culturelles rivalisent d’ingéniosité et de générosité pour marquer l’événement. Autour d’un mausolée, comme Jeddi Menguellet à Aïn El Hammam, et sur les places publiques de villages, comme à Raffour, village d’Iwakourène, se regroupent, dans une communion rarement égalée, femmes, hommes, enfants, vieux et jeunes. Ils ne sont pas tous du village. Ils viennent de différents horizons, des quatre coins de la Kabylie. Du temps où il n’y avait pas de moyens de transport, les habitants des Ath Irathène et des Iboudrarène se rendaient à Jeddi Menguellet, qui à pied, qui sur une monture, pour participer à la fête et à la joie. Aujourd’hui, les routes et pistes attenantes aux lieux de la célébration ne peuvent pas contenir tous les véhicules des visiteurs.  Dans la localité des Iwakourène, les bêtes immolées, généralement des veaux, sont achetés par le moyen des cotisations des villageois, engrangées dans une caisse bien gérée. Une fois que les bêtes sont égorgées, la viande est distribuée par foyers selon le nombre de personnes qu’ils comptent. Il y a lieu de préciser que les familles nécessiteuses ne sont pas concernées par la cotisation. Mais, elles prennent leurs parts de viande comme tout le monde. Les personnes qui passent par là venant rendre visite à un ami ou une famille, sont également comptés parmi les destinataires d’une part de viande.  La grandiose offrande est accompagnée de prières et de vœux. On souhaite santé et bonheur à tout le monde. Les gens se retrouvent, se réconcilient.  Dans un grand nombre de villages kabyles, Taâchourt présente un caractère festif et de rapprochement entre les gens, plus que les autres fêtes religieuses (les deux aïds et le mouloud). Elle est transmise dans ces formes et dans ces couleurs à travers les âges. Alors, que la fête soit!

A. N. M.

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