Un phénomène qui prend de l’ampleur

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La mendicité à Tizi-Ouzou a atteint, ces derniers mois, des proportions alarmantes. En effet, elle ne cesse de prendre de l’ampleur, notamment au chef-lieu de la wilaya.

Ces mendiants se disent victimes de la pauvreté qui gangrène la société algérienne, ainsi que d’un tas d’autres fléaux, notamment le chômage, la cherté de la vie et les problèmes conjugaux, qui poussent certains à quitter leur demeure et à élire domicile dans la rue. D’âges et de sexes différents, ils sont à chaque coin de rue de la ville. Suite à une virée à travers les différentes artères de la ville, nous avons constaté que ces mendiants squattent tous les lieux. Un grand nombre parmi eux sont des invalides ou des malades mentaux, mais d’autres sont en bonne santé. Chacun a un coin qu’il occupe quotidiennement. Ils s’éclipsent à la tombée de la nuit, pour revenir le lendemain matin, toujours à la même place. Ils occupent les alentours des marchés, des banques, des bureaux de poste, des magasins, des gares routières et des mosquées. La plupart viennent des alentours de Tizi-Ouzou, là où l’habitat précaire est dominant.Près de la mosquée «El-Atik», le tableau est désolant. Nombreuses sont les femmes qui viennent, en compagnie d’enfants en bas âge, tendre la main aux passants et aux automobilistes. Idem pour ce qui est des personnes âgées et des jeunes. Ces dernières années, les jeunes femmes qui mendient sont de plus en plus nombreuses. Selon une source sécuritaire, elles sont, en majorité issues de différentes wilayas du pays, notamment de l’ouest. Les enfants en bas âge, quant à eux, sont également nombreux à faire la manche. Même décors aux environs du square «1er novembre 1954», sis au centre-ville. À la nouvelle-ville, c’est également le même constat. Une jeune femme assise sur un bout de carton, la trentaine à peu près et surnommée Amina, venue de l’Ouest du pays, est adossée au mur d’un immeuble au quartier dit «la Tour». Quand nous l’avons approchée, elle a refusé de nous parler. Mais par la suite, tête baissée, elle dira qu’elle s’est enfuie de chez elle à cause de la maltraitance de son beau père. «Une fois que ma mère s’est remariée, son mari a commencé à me mal traiter. Par la suite, il a essayé d’abuser de moi. C’est ce qui m’a fait fuir. Avant d’arriver à Tizi-Ouzou. Je suis passée par plusieurs autres wilayas… Croyez moi, la rue ne vous fait pas de cadeaux. Elle est sans pitié», a-t-elle dit en poursuivant : «A Tizi-Ouzou, c’est chacun son secteur. En ce qui me concerne, j’occupe une place à la nouvelle-ville. Parfois, je mendie du côté de la mosquée, les vendredis généralement. D’autres fois, je vais à la Tour. Car c’est un coin qui fourmille de monde quotidiennement». Un groupe de mendiantes accompagnées de «leurs» enfants, ont catégoriquement refusé de nous parler. L’une d’elles ira jusqu’à nous lancer d’un air méchant : «Avec la misère et les soucis auxquelles nous faisons face quotidiennement, vous venez nous harceler avec vos questions. C’est tout ce qui nous manque !». Melissa, une résidente du boulevard Stiti, racontera, quant à elle, qu’une «vielle dame, la soixantaine environ, vient tous les soirs aux environs de 18h, faire la manche dans notre quartier. Elle prend place à une dizaine de mètres des magasins et des supérettes du coin, et en profite pour demander quelques pièces aux citoyens et aux familles qui viennent y faire leurs courses. De plus, elle reste là jusqu’aux environs de 21h. Elle traque tous les passants».

Des enfants exploités !

Par ailleurs, ce qui est le plus déplorable, ces dernières années, est sans doute l’exploitation des enfants, à l’image de ces petites filles croisées au niveau de la grande rue ou près de la mosquée et du tribunal de Tizi-Ouzou. Elles squattent les trottoirs en compagnie de leurs mères et petits frères, et font tout pour profiter de la générosité et de la sensibilité des gens. Elles vont jusqu’à s’accrocher aux bras et aux manches de ces derniers pour une pièce. Mais à force d’être harcelés, les gens affichent, parfois, de l’agacement. À chaque coin de rue, ce sont les mêmes phrases que vous entendez, «achetez moi une baguette de pain et un sachet de lait, pour nourrir mes enfants, pour l’amour de Dieu !»… Certains exhibent des ordonnances médicales pour demander aux passants de leur donner de l’argent afin d’acheter des médicaments. Comme c’est le cas d’un homme, qui mendie pratiquement tous les jours au niveau de l’avenue Abane Ramdane. En effet, il exhibe son pied ulcéré et dépose une ordonnance à ses côtés. «Au début, les passants avaient pitié de lui. Mais il faut dire que les gens ne sont pas aussi dupes. Car utiliser la même ordonnance, pratiquement tous les jours, est un peu suspect. De plus, la mendicité est devenue un commerce fructueux, ces dernières années», expliquera un commerçant de la ville. Mais ceux qui nous étonnent le plus, ce sont les jeunes, femmes ou hommes, qui viennent vous demandez de l’argent pour qu’ils puissent prendre le transport, prétextant qu’ils habitent loin et qu’ils n’ont pas un centime pour rentrer chez eux. Samia, une femme au foyer, dira : «Un jour, une mendiante qui tenait dans ses bras un bébé d’à peine 6 ou 7 mois, m’a expliqué que son bébé était atteint d’une maladie grave. Elle m’a même montré une ordonnance. Elle m’a donc demandé de lui donner de quoi acheter les médicaments. Alors, je lui ai demandée de prendre l’ordonnance et de me suivre à une pharmacie. Mais elle a refusé en insistant pour que je lui donne l’argent. C’est à ce moment là que j’ai compris que la mendicité est devenue un nouveau business pour certaines personnes qui ne sont pas vraiment dans le besoin». Par ailleurs, les Tizi-Ouziens s’interrogent quant à «l’absence des autorités concernées, qui encouragent, par leur laxisme, ce fléau à devenir une profession pour certains». Quant aux citoyens interrogés à ce sujet, ils ont, pour la plupart, qualifié ces gens de «mendiants professionnels, qui profitent de la générosité et de la naïveté des gens». Karim, un commerçant au boulevard Krim Belkacem, indiquera : «Des mendiants viennent, souvent les soirs, pour échanger leurs pièces de monnaies contre des billets. Leurs recettes journalières varie entre 2000 et 3000 DA, voir parfois 4000 DA». Notre interlocuteur ajoutera : «Les gens qui sont vraiment dans le besoin ne tendent pas la main». Pour sa part, Hamid, un citoyen, pointe du doigt les autorités locales. «Face à ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur, les autorités locales restent de marbre. C’est vraiment malheureux. Ces mendiants se retrouvent livrés à eux-mêmes. De plus, cette situation s’est aggravée à cause du mutisme et de l’indifférence des autorités locales», a-t-il conclu.

Samira Bouabdellah

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