«Le long courrier, notre nouveau challenge»

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La Dépêche de Kabylie : Vous avez annoncé votre partenariat avec le groupe chinois HNA, dernièrement, qu’est-ce qui a été fait, depuis ?

Méziane Idjerouidène : Nous avons effectivement annoncé il y a un peu plus d’un an, plus exactement en octobre 2012, l’ouverture du capital d’Aigle Azur à un groupe d’envergure, qu’est le groupe chinois HNA. Cette ouverture concerne le long courrier, et plus précisément la destination Chine. De plus, comme confirmé il y a quelques semaines, ce sera effectif à compter du 28 juin prochain. C’est à partir de cette date que nous procéderons à nos premiers vols au départ d’Orly pour la Chine donc. C’est une première et une nouveauté avec une fréquence de trois vols par semaine, en Airbus A350/200.

Quelle a été la motivation qui a donné naissance à une telle initiative ?

Il y a plusieurs raisons qui nous ont amenés à nous développer dans ce sens. La première est le constat fait de la situation actuelle. Il faut dire que nous sommes une compagnie qui s’est développée, notamment depuis sa reprise par le groupe Gofast, sur un réseau appelé court et moyen courrier, sur lequel la concurrence est de plus en plus rude, au niveau européen, voir sur tout le bassin méditerranéen. Nous sommes en concurrence frontale avec des compagnies low cost, pour qui cette zone géographique est devenue le terrain de jeu et avec lesquels nous ne pouvons pas nous battre. Car nous avons des coûts de production et une productivité malheureusement inférieure à celles de ces compagnie sur le moyen et long terme, ce qui fait que nous ne pouvons pas, non plus, nous développer sur le court et moyen courrier. Le seul salut pour une entreprise comme la notre est de développer l’activité que nous appelons long-courrier. C’est-à-dire d’élargir notre rayon d’action, et ça passe naturellement par des marchés en développement. Nous n’allons pas aller sur des marchés où il n’y a pas de clients. Pour nous, deux zones géographiques sont à la fois naturelles et extrêmement importantes pour l’avenir. D’une part, on continuera à développer nos activités pour l’Afrique de l’ouest, car ça fait parti des gènes et de l’ADN de la compagnie qui a investi les marchés à forte affluence  immigrée en France, donc essentiellement pour les pays d’Afrique de l’ouest. D’autre part, la Chine. Je pense, d’ailleurs, que je n’ai pas besoin d’expliquer l’importance du marché chinois. Il y a plusieurs paramètres qui font que nous nous intéressions à ce marché notamment l’existence d’une communauté importante d’origine chinoise établie en France. Aujourd’hui, le marché et la compétition entre la France et la Chine font que les compagnies chinoises dominent ce secteur en France. Notre souhait est de développer le pavillon français et de grappier des parts de marché sur un produit alternatif, puisque nous serons la première et la seule entreprise à opérer au départ d’Orly, qui est un aéroport très important, surtout que le sud parisien est encore plus près de la zone où est implantée la communauté chinoise. Ainsi, nous estimons que nous avons notre part à avoir sur ce marché et un rôle à jouer dans les échanges entre la France et la Chine. Après, il ne faut pas perdre de vue cette immigration importante, notamment de travailleurs en Afrique du nord et de l’ouest, qui, aujourd’hui, ne transite pas par la France. Notre objectif est donc de les faire transiter par Paris et de maîtriser toute la chaîne, d’Afrique vers la Chine via Paris.

Vous ne pensez-vous pas que vous avez pris un risque en vous associant à un géant en matière de transport aérien ?

Vous savez, il faut savoir prendre des risques dans la vie. Au contraire, nous voyons les choses de façon positive, et c’est une opportunité. C’est même une chance exceptionnelle. Comme je l’ai dit, notre développement ne pourra se faire que sur le long courrier. Il faut savoir que le long courrier ne veut pas dire uniquement que les avions sont plus gros. C’est également des règles, des modes de fonctionnement et une réglementation spécifique qui diffère sur un certain nombre de points de l’activité court et moyen courrier. Donc, c’est quasiment une entreprise dans l’entreprise, et cela ne se fait pas du jour au lendemain. Le partage d’expériences est fondamental. L’investissement est énorme, en comparaison de l’activité court et moyen courrier et nous ne pouvons pas assumer ce risque seuls. Il fallait donc partager ce risque et pas avec n’importe qui, bien sur. L’objectif était de procéder par un partenariat stratégique. C’est-à-dire avec une grosse entreprise qui a de l’expérience dans le secteur. Aujourd’hui, le groupe HNA, c’est plusieurs compagnies aériennes, des filiales du groupe, avec une flotte de plus de 300 avions et un réseau d’une extrême densité en Chine et dans toute l’Asie, qui vont nous permettre de connecter et d’amener le client plus près de sa destination finale.

En parlant de flotte, Aigle Azur a toujours privilégié la location de longue durée, ne pensez-vous pas qu’il est temps d’acquérir des appareils propres à la compagnie ?

Depuis quelques années, Aigle Azur détient un certain nombre d’appareils. Au fait, notre flotte est une mixture de propriété et de location à moyen et long terme. Nous n’avons rien inventé ce sont des pratiques de gestion de flotte universelles qui veulent qu’il y ait une partie en actif, pour la compagnie, et une autre partie en flexibilité qui permet, aussi, de s’ajuster en fonction des évolutions.

Vous restez toujours fidèle à Airbus…

Bien évidement. Aujourd’hui, nous n’avons pas la taille critique qui justifiera de basculer ou  mixer. Nous avons vécu cette époque, puisque, je le rappelle, quand nous avions repris la compagnie, nous étions sur la flotte Boeing 737, et nous avons migré d’un constructeur à un autre. Nous avons eu une flotte mixte, deux années et demie durant, et je peux vous garantir que nous ne souhaitons pas rééditer ce mode de gestion de flotte. Parce que c’est extrêmement compliqué d’avoir, à notre taille j’entends, des flottes de constructeurs différents.

Vous avez lancé de nouvelles lignes, récemment, avez-vous atteint les objectifs tracés côté rendements ?

Pour ce qui est de la Russie, cela fait près d’un an que nous l’avons ouvert. C’est un marché nouveau et nous opérons en vols quotidiens. Paris – Moscou est un investissement extrêmement lourd et il faut plusieurs années pour le rentabiliser. Les premiers résultats sont encourageants mais nous n’avons pas encore atteints nos objectifs.

Il y a une forte communauté algérienne au Canada, avez-vous pensé à concrétiser quelque chose dans ce sens ?

Nous avons annoncé avant l’été dernier, que nous avons signé un accord de partenariat commercial avec la compagnie Corsaire (France) qui opère depuis Orly, justement sur Montréal. Nous avons débuté depuis plusieurs mois déjà et ça fonctionne assez bien.

Donc, avec Aigle Azur, le client peut aller jusqu’à Montréal ?

Pas exactement. Au fait, c’est un partenariat commercial qui fait qu’on pourrait voyager avec un seul billet, mais avec deux compagnies opérantes. Vous pouvez acheter un seul billet, de bout en bout, et le trajet Alger – France, se fera avec Aigle Azur, et celui France – Montréal avec la compagnie Corsaire, et vice-versa.

Qu’en est-il des offres promotionnelles sur la ligne Paris – Alger ?

Je ne sais pas si je dois dire heureusement ou malheureusement, pour ce qui est des promotions, pas seulement sur les lignes entre Alger et la France. Je crois que tout le monde s’est habitué à ce qu’il y ait, depuis quelques années, des promotions qui concernent quasiment tous les vols. Mais je le répète une fois de plus, pour pouvoir en bénéficier, il faut le prendre le plutôt possible. Il ne faut pas attendre le dernier moment pour bénéficier d’une promotion.

L’arrivée d’une nouvelle compagnie sur la desserte ne vous a-t-elle pas gênés ?

Ça, c’est la loi du marché.

Quelles sont les autres activités du groupe Gofast ?

GoFast est la maison mère d’Aigle Azur. Notre corps de métier historique est le transport de marchandises. Puis, plus largement, toute la logistique, l’organisation et la gestion de projets industriels. C’est une activité que nous appelons Be to Be, qui ne s’adresse pas directement au grand public. Ce qui fait que, naturellement, la marque GoFast n’a pas pour vocation à communiquer à grande échelle, à la différence avec une entreprise comme Aigle Azur qui vise directement le public. Au fait, GoFast a différentes activités au sens large. Nous avons également une branche d’agences de voyages en France et en Algérie. Je vous citerai, pour exemple, que c’est GoFast qui a transporté et acheminé les rames du tramway et du métro d’Alger. Concernant les autres activités, il y a les voyages. D’ailleurs, toute l’organisation du voyage, que ce soit pour des particuliers ou des entreprises, est une activité importante pour nous et, de la même manière, elle est présente en France et en Algérie. Nous avons également une activité d’hélicoptères au sein du groupe, depuis quelques années, basée à l’héliport de Paris, qui opère par des vols à la demande, notamment pour des prises de vue et le tourisme.

Quels sont les grands projets de GoFast ?

Le cœur du métier de GoFast est le transport. Notre objectif, donc, est de développer tout ce qui concerne, de près ou de loin, la branche et l’activité des transports, aussi bien pour les personnes que pour les marchandises. Et cela s’adresse, évidemment, pour un marché historique qui est l’Algérie. Mais nous travaillons également sur d’autres pays. En matière de développement des activités au sein du groupe, nous l’avons annoncé le 1er juillet dernier, nous avons une filiale dans la maintenance aéronautique et nous avons mis en place une « joint-venture » avec Esser technique, qui est un atelier de maintenance Suisse et une ancienne filiale de Suisse-Air, avec qui nous avons mis en place le plus grand atelier pour l’assistance et la maintenance en ligne de compagnies aériennes tierces, en France, qui est basée à Orly, mais qui opère également à Lyon et Marseille, entre autres, et pour différentes compagnies, notamment Aigle Azur. C’est une activité que nous développons depuis plusieurs années, mais qui a pris une autre dimension, ces derniers mois.

Pour conclure cet entretien, revenons à Aigle Azur. 

Vous êtes satisfait des chiffres réalisés cette année ?

Nous avons transporté pour l’exercice clos au 31 mars 2013, environ 2 millions de passagers. Nous avons enregistrés un taux de croissance de près de 3%, par rapport à l’année dernière, soit.

Samira Bouabdellah

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