Par Amar Naït Messaoud
La récente visite du ministre égyptien des Affaires étrangères, Hocine Fahmi, en Algérie, a donné l’occasion aux islamistes algériens de rebondir, sortir temporairement la tête de l’eau, se rebiffer et…se substituer à l’instance diplomatique algérienne, en déclarant l’invité du pays comme persona non grata, sous le prétexte qu’il représente un gouvernement “putschiste”. Cette prise de position des islamistes algériens, partis et associations, a été anticipée par une vague de protestations et d’agit-prop à travers les réseaux sociaux (face-book, tweeter) que cette obédience politique a investis en force. Ils dénient à un représentant de la diplomatie d’un pays proche de l’Algérie par la géographie et par l’histoire, le droit de visiter notre pays. Ils ont appelé les autorités algériennes à ne pas le recevoir. Le ministre égyptien s’est entretenu avec le président de la République et avec le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Tandis que nos islamistes, à travers leurs récriminations dans la presse arabophone et sur les réseaux sociaux, se présentent en donneurs de leçons au chef de la diplomatie égyptienne, de façon à lui apprendre une facette de la réalité algérienne faite d’une mouvance qui marche à rebrousse-poil de l’histoire et qui se plait à se présenter en victime ou en “martyr” après l’arrêt du processus électoral de 1992, lui, le ministre, a écouté auprès de ses interlocuteurs officiels, l’autre leçon, celle par laquelle le pays fut sauvé d’un naufrage assuré. Cela fait exactement, jour pour jour, 22 ans. Le 11 janvier 1992, a été créé le Haut comité d’État (HCE), présidé par feu Mohamed Boudiaf, après que fut annulé le second tour des élections législatives fatales du 26 décembre 1991. Ce que, précipitamment, des voix aigries et des plumes nourries parfois d’indulgence et d’autres fois de haine viscérale de tout ce qui relève de l’authenticité algérienne, ont appelé “coup d’État” accompli par des “janviéristes», se révélera un acte salvateur de la République et de la nation, malgré ce qui s’ensuivra comme actes de terrorisme et dérives autoritaires. Qu’on le veuille ou non, le passage des Algériens par ces épreuves infernales les a armés contre toute forme de manipulation qui se rapprocherait de ce qui est appelé maladroitement le Printemps arabe. Ce dernier, après trois ans de remous et de fausse gestation, on voit bien ce qu’il représente pour les peuples qui se sont soulevés initialement pour la liberté d’expression et contre la dictature. En Tunisie, en Libye, en Syrie ou en Egypte, l’idéal de changement s’est transformé en cauchemar. En Egypte, après la révolution du 25 janvier 2011, l’aile la plus conservatrice de la société politique, représentée par les Frères musulmans, constituant une sorte de “réseau dormant” depuis leur création par Hassan El Bana dans les années 1920, a tenté de prendre sa revanche sur la société. Ayant tiré profit de l’exaspération du peuple face à la dictature de Hosni Moubarek, cette mouvance, à l’image de ce qui s’est passé en Algérie, a surdimensionné les valeurs refuges de la religion pour se donner une légitimité électorale. Cette légitimité numérique qui a porté à la magistrature suprême Mohamed Morsi est sans doute indiscutable. Mais, elle résulte du sentiment de panique qui a suivi la chute de Moubarek; en d’autres termes, elle est presque à la limite du rationnel. Pendant, une année, les islamistes ont voulu faire main basse sur toutes les institutions, à commencer par les organes de la justice qu’ils ont investis en masse. Le redressement opéré par les militaires le 3 juillet 2013 ne fut que la conséquence d’une griserie de pouvoir qui présageait le pire. Six mois après, les islamistes ont montré de quoi ils étaient capables en matière de violence politique. Les attentats contre les militaires et les policiers ont déjà fait des dizaines de morts, en plus de la prise d’otage de certaines institutions pédagogiques, à l’image de l’Université du Caire. L’Algérie qui représente un “ilot” de stabilité dans ce grand océan de la pétaudière installée par le Printemps arabe, peut certainement inspirer les Égyptiens. Mais pas dans le sens où l’entendent les islamistes algériens, signifiant au chef de la diplomatie égyptienne l’ “exemple à ne pas suivre”. Ce qui, en revanche, soulève des questions de fond dans la vie des partis en Algérie, c’est cette dangereuse tendance à se substituer aux instances officielles de l’État algérien dans ce qu’elles ont comme puissance régalienne. Les élections présidentielles d’avril 2014 ont-elles quelque chose à voir avec cette agitation tous azimuts, sachant que les islamistes, esprit de leadership oblige, y vont en rangs dispersés et sans grande conviction?
A. N. M.
