L’histoire du jet d’eau en tant que motif ornemental, véritable ravissement des sens se confond avec celle de l’humanité et des premières cités où il était de bon ton d’agrémenter le cadre de vie des souverains d’abord et des citoyens ensuite par l’érection de ces merveilleux mécanismes, l’eau projetée par sa seule force s’élève, défie un temps les lois de la pesanteur avant de s’écraser dans un bassin ou le fond d’une vasque.Le jet d’eau est l’expression achevée de la maîtrise humaine sur l’eau, avec l’aqueduc, les citernes romaines, les foggaras. L’art du jet d’eau, c’en est un, véritablement, sublimé par les Andalous a, dans sa magnificence, investi cours et patios, jardins et places publics, sans oublier les palais de Grenade, Cordoue, Seville, Alger, Tunis et ceux de la sublime porte. Versailles, ce sera pour plus tard ! Ce témoin d’un raffinement exceptionnel vient aussi rappeler à l’homme, dans un élan narcissique son œuvre, la grande œuvre : la domestication d’une des principales forces de la nature, d’un élément fondamental à la vie, de la vie elle-même. A Bgayet, il y a autant de jets d’eau que de bassins vides et tristes où se reflètent désolation et vacuité. Certains, faute de mieux, se sont mus en mini décharges. Ces pis-aller, il faut bien se résoudre à l’admettre, sont le résultat d’une culture pour le moins déplorable qui relègue tout ce qui est beau au rang de vétille aussi inutile que dispendieuse. La panne n’affecte pas un, mais tous les jets d’eau de la cité Hammadite, ceux des grands carrefours et ceux des placettes. Et cela dure depuis des mois ! Précision de taille : les bassins de l’université A. Mira et de la cour de Bgayet, eux, fonctionnent à la manière d’une horloge helvète !A travers cette histoire de jets d’eau en panne sèche, toute la problématique de l’entretien du patrimoine par la municipalité qui se pose, car il est bien admis que le tout n’est pas de concevoir et d’édifier des infrastructures, vite délaissées au premier accroc et dont on se demande ce qui peut bien se cacher dernière ce gâchis, qui s’apparente à de l’argent public jeté par les fenêtres. Faudrait-il encore maîtriser suffisamment l’art de l’entretien et de la maintenance, et surtout le vouloir ?
M.R.
