Par Amar Naït Messaoud
L’Algérie aborde la 3G de la téléphonie mobile avec un grand retard par rapport à des pays africains moins nantis, en même temps qu’elle découvre l’ampleur de la tâche qui reste à faire, dans le vaste domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) afin de pouvoir se mettre au diapason de pays ayant à peu près le même poids politique et économique que le nôtre. La délivrance, à partir de cette semaine, de l’acte de naissance numéro 12, dans toutes les communes d’Algérie, alors qu’il était confiné auparavant dans les communes de naissance, est considérée comme une prouesse technologique de haute voltige. Certes, les citoyens verront s’alléger, pour eux, les procédures et déplacements pour l’établissement d’un dossier administratif, mais l’on ne doit pas s’arrêter en si bon chemin, sachant que l’ogre de la bureaucratie a usé les énergies, dissuadé des investisseurs, alimenté la corruption et pris une part importante dans la “rébellion” sociale qui se manifeste par des barricades et des émeutes. Cela fait presque quatorze ans que l’Algérie investit dans les infrastructures et les équipements publics. Le montant avoisine les 600 milliards de dollars. Si les routes, autoroutes, barrages hydrauliques, lycées, bibliothèques, centres culturels et hôpitaux sont nécessaires, ils ont besoin, pour leur bon fonctionnement, de la mise à niveau des systèmes d’information qui les régissant. Il se trouve que l’Algérie est l’un des derniers pays au monde en matière d’accès à Internet et à ses différentes utilisations. Le classement opéré à l’échelle de tous les pays du monde, en 2012, par la compagnie NetIndex, portant sur l’importance du débit Internet dans le monde, classe l’Algérie à la 176e place, avec un flux de 0,95 Mbps. La Tunisie et le Maroc sont mieux lotis. Sur le plan du taux de pénétration de l’Internet dans les foyers, les administrations et les entreprises, l’Algérie n’est qu’à 13,6 %, selon le classement réalisé la même année par le site Online de la société américaine Nielsen, alors que l’Égypte est à 21,2 %, le Maroc à 33 % et la Tunisie à 34 %. L’engouement des Algériens pour la 3G, effective dans certaines parties du territoire national, notamment les chefs-lieux de wilaya, s’explique par la soif d’accéder, au-delà de la communication téléphonique, aux spectacles, aux échanges audio et vidéo, d’autant plus que le milieu culturel ambiant, supposé être animé par l’activité cinématographique, le théâtre, les conférences… etc., se caractérise par une inquiétante sécheresse. Mais il se trouve que cette forme de “compensation” a ses revers de médailles, notamment le prix. En effet, hormis l’alléchante offre d’achat de la puce ou de la clef USB, la consommation n’est pas à la portée de toutes les bourses, tout en sachant que les communes et daïras éloignées du chef-lieu de wilaya ne sont pas encore couvertes par les trois opérateurs. Reste le réseau filaire fixe, qui demeure limité par le raccordement à la fibre optique. Des villages et des bourgades entières en sont dépourvus au moment où Algérie Télécom s’apprête à introduire la 4G pour le réseau résidentiel (fixe). Mais c’est surtout en tant qu’outil de croissance économique que la communication Internet a marqué le pas en Algérie. Les entreprises et les administrations ne sont pas encore parvenues à en faire un outil ordinaire de gestion courante, générant naturellement des charges vénales qu’il y a lieu d’introduire dans la comptabilité. Le commerce électronique est encore une vue de l’esprit, au moment où dans les pays industrialisés et les pays émergents, ce créneau constitue une priorité des techniciens, des patrons et des pouvoirs publics. C’est un outil qui encourage la consommation et qui génère de la croissance au niveau des entreprises, tout en diminuant la mobilité des personnes, donc les embouteillages sur les routes et devant les magasins. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont aussi introduit de nouvelles méthodes de travail dans les entreprises poussant la flexibilité à ses extrêmes. Il en est ainsi du télétravail, qui devient de plus en plus un moyen de libérer des espaces dans l’entreprise et d’arranger, en même temps, les travailleurs, et surtout les travailleuses, qui ont aussi des tâches ménagères et domestiques à accomplir. Cela donne une autre configuration du travail, de l’ergonomie et des relations de travail. Une sorte de mini révolution comme en a connu l’humanité à l’avènement de l’automation et de la robotique. Pour intégrer de telles questions, l’Algérie ne manque pas de fonds; elle manque d’économie structurée, fondée sur la notion d’entreprise. L’esprit de rente a fait des dégâts dans notre pays au point où la grande majorité des nouveaux cadres formés par l’université ne voient de salut que dans la fonction publique, qui plus est, en tant que travailleurs pré emploi. Mais la fonction publique, saturée de ses deux millions de fonctionnaires auxquels seront ajoutés 140 000 postes d’ici début mars prochain, est dans notre pays, le secteur qui donne le contre-exemple dans l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le projet « e- gouvernance » (gouvernance électronique), initié depuis 2009, traîne encore dans les bureaux de l’administration. Le salut passera inévitablement par la réhabilitation de l’entreprise algérienne, dans le cadre de la diversification maximale de l’économie algérienne en dehors de la sphère des hydrocarbures.
A. N. M.