Les préalables de la bonne gouvernance

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Par Amar Naït Messaoud

Par-delà la présidentielle du 17 avril 2014, pour laquelle se sont multipliés les candidats à la candidature, jusqu’à la fantaisie, voire la farce, les questions de fond qui avaient commencé à voir le jour la veille des législatives du 10 mai 2012 ont été rapidement oubliées ou reléguées aux calendes grecques par ce qui est supposé être la classe politique algérienne. Ici, on fait clairement référence à la thématique de la nature du pouvoir qui a alimenté pendant plusieurs mois, le landerneau du microcosme politique algérien. Autrement dit, le président qui sera élu le 17 avril prochain sera le président de quelle Algérie ? Car, dans le discours qu’il a prononcé le 15 avril 2011, en pleine effervescence de ce qui est appelé Printemps arabe, le Président Bouteflika avait promis des réformes politiques qui allaient dans le sens de la démocratisation de la société et des institutions, et qui visaient, dans la pratique, à remodeler l’équilibre des pouvoirs au sein des institutions de la République. Constitution, loi électorale, code communal, code de la wilaya, révision de la loi sur les associations, loi sur l’audiovisuel, autant d’outils législatifs vus comme moyens d’ « amélioration et de renforcement des bases juridiques de l’exercice démocratique et de l’expression de la volonté populaire, de manière à répondre aux aspirations [du peuple] à une représentation de qualité au sein des assemblées élues ». Il s’agit également, d’après le président de la République, de « préserver l’équilibre des pouvoirs […] et de renforcer la démocratie représentative dans notre pays ». En 2012, un débat, animé plutôt par les médias et accessoirement par quelques hommes politique, a pu faire émerger les préoccupations de la manière dont est vue et considérée la nature du pouvoir politique dans notre pays, et particulièrement la fonction présidentielle. L’Algérie doit-elle continuer à assumer la prévalence de l’instance présidentielle sur la fonction législative, autrement un régime présidentialiste, ou gagnera-t-elle à opter pour un régime parlementaire ? Le juste milieu, c’est-à-dire un régime semi-présidentiel, est aussi une option que l’on retrouve dans plusieurs pays. La question a singulièrement intéressé la mouvance islamiste à la veille des élections législatives, ayant presque l’assurance de décrocher la majorité parlementaire. Cette mouvance, en voulant anticiper sur les événements, et tenant aussi à saisir l’opportunité du projet de révision constitutionnelle, a crié sur tous les toits que l’Algérie avait besoin d’un régime parlementaire. Elle se voyait déjà aux commandes de l’État, de fait que cette typologie d’organisation institutionnelle commande de donner toutes les prérogatives au Chef du gouvernement nommé au sein du parti majoritaire au Parlement. Le président de la République occuperait une fonction presque « honorifique ». Tous les moyens sont bons pour les islamistes pour qu’ils prennent leur revanche sur la République. Mais, il se trouve que les législatives ont constitué pour eux une très mauvaise « surprise », en leur conférant la portion congrue, celle qu’ils représentent réellement dans la société. Une société qui a largement évolué par rapport au début des années 1990; travaillée par les épreuves et l’adversité et sachant à la fin reconnaître les siens.  Il est vrai que le débat lui-même, qui porte sur la meilleure manière d’équilibrer les pouvoirs et de rentabiliser le jeu institutionnel au profit de la société et de la démocratisation du pays, est toujours le bienvenu. Mieux, il s’impose, particulièrement dans le cadre de la révision constitutionnelle qui interviendra normalement après les élections présidentielles.  Une chose est sûre: l’hypertrophie de la fonction présidentielle, jointe à la centralisation excessive des institutions et du processus de prise de décision, dessert le pays plus qu’elle ne le sert. Il s’ensuit que la réhabilitation de la fonction législative est un objectif noble, particulièrement pour un pays aux dimensions de l’Algérie (surface, population et position géostratégique).  La bonne gouvernance ne devrait pas se limiter à la lutte contre la bureaucratie, aussi importante que soit cette opération, ni à la rationalisation des dépenses budgétaires. C’est un tout insécable, qui prend naissance dans ce fameux principe de la séparation des pouvoirs, établi par la théorie politique dès le 18e siècle; pouvoirs dont le bon « dosage » constitue un pas vers le cap démocratique.

A.N.M.

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