Par Amar Naït Messaoud
L’on parle de plus en plus, et sous toutes les latitudes, de la nécessité de spécialisation au sein de la presse. La multiplication des thématiques, l’enchevêtrement des événements, la complexification des champs traditionnels embrassés par les médias, charrient dans leur inexorable parcours un regard nouveau, lucide, placé sous le bon angle et armé de maximum d’esprit d’analyse et de synthèse. L’environnement, la culture, l’économie, l’activité politique, tendent à se tailler des espaces réguliers traités par des professionnels en la matière. L’expérience algérienne de la presse indépendante s’étale sur vingt-quatre ans, et elle a évolué dans des conditions difficiles, dont plus d’une décennie de terrorisme qui a fait ses victimes au sein de la corporation des journalistes. De ce fait, le jugement qui sera porté sur une telle merveilleuse aventure intellectuelle ne devrait pas être empreint de sévérité lorsqu’on aborde le professionnalisme dans la presse. Le déficit de formation universitaire, le fait que la compétitivité n’est pas le résultat de la qualité du produit, mais plutôt le résultat d’accès à la publicité le recul du lectorat, et d’autres aléas encore ont retardé les ambitions de spécialisation, lesquelles n’ont pas été perdues de vue par les premiers journalistes qui se sont lancés, en 1990, dans la presse indépendante après un long parcours dans la presse publique. Le résultat de ce background de plus de deux décennies n’est pas négligeable. Il fait partie du processus de démocratisation de la société et des institutions, un processus laborieux, mais certain. Il a été retardé par les pesanteurs et les stigmates de la pensée unique, laquelle a fait des petits au sein même du pluralisme politique. Après avoir atteint presque une centaine de titres, en français et en arabe, et devant les nouveaux défis induits par l’information électronique quasi instantanée, la presse écrite est appelée à se mettre à niveau et à remettre en cause certaines pratiques traditionnelles. Et la spécialisation des hommes de presse est l’une de ces innovations qui attendent d’être gagnées. La spécialisation permet une meilleure maîtrise du sujet par celui qui l’aborde, une présentation bien cernée et un travail de vulgarisation moins aléatoire. Il permet également au lecteur d’être bien informé et d’être mis au parfum des détails et subtilités du sujet. Cette façon de travailler donne la possibilité au rédacteur de pouvoir se constituer une banque de données exploitable au profit du journal dans lequel il travaille. La spécialisation est aujourd’hui une des armes les plus efficaces contre la menace portée par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ces dernières seront alors appelées à être judicieusement exploitées au profit d’une presse performante, professionnelle, qui aura fait le choix d’une spécialisation graduelle mais assurée. « La spécialisation de la presse s’avère nécessaire, eu égard à son importance dans la consécration du professionnalisme », a déclaré Mme Salima Othmane, vice-présidente de l’Assemblée populaire nationale, chargée de l’information, la formation et la culture, à l’occasion du début, dimanche dernier, de la session de formation, au siège de l’APN, assurée pendant une semaine aux journalistes algériens relevant des secteurs public et privé et versés dans la couverture de l’activité parlementaire. C’est la troisième session du genre, organisée en collaboration avec le ministère de la Communication et le ministère des Relations avec le Parlement. Il s’agit, dans ce cas précis, de mettre les journalistes dans le bain de l’activité parlementaire et de renforcer leurs connaissances dans le domaine législatif, généralement peu maîtrisé au sein des rédactions. Le thème retenu pour la présente session est « Le journaliste à l’aube de l’internet ». Cela montre toute l’importance accordée à ce défi majeur de spécialisation, un des facteurs-clef à même de contribuer à la pérennité de la presse écrite. Il s’agit dans ces ateliers d’étudier le processus d’élaboration des lois (itinéraire du ministère à l’hémicycle de l’APN et du Conseil de la nation, en passant par le secrétariat général du gouvernement et le Conseil des ministres), la diplomatie parlementaire (commission des Affaires étrangères, union des parlements de plusieurs pays) et l’itinéraire procédural d’élaboration de la loi de finances. Les nouveaux besoins de la société et de l’économie du pays ne tarderont pas à faire valoir la nécessité de spécialisation de la presse dans la majorité des domaines qu’elle aura à aborder: santé environnement, sport, culture, économie, spectacles,…etc. Il faudrait « tenir compte des besoins des secteurs utilisateurs, d’une part, épouser les tendances modernes de la formation spécialisée en audiovisuel et dans les nouvelles technologies dans les pays développées, d’autre part », selon Brahim Brahimi, directeur de l’École supérieure de journalisme.
A. N. M.
