Le Secrétaire général du Mouvement populaire algérien a rappelé, hier, l’impossibilité d’imposer un changement à un peuple par la rue : «Imposer le changement par la rue, imposer la démocratie par la rue ou imposer l’alternative par la rue est une aventure politique très dangereuse», a-t-il martelé sur le plateau de l’émission «Invité de la rédaction» de la radio Chaîne III.
Benyounès qui reste néanmoins convaincu que tous les citoyens algériens ont le plein droit de s’exprimer, a expliqué que «ceux qui tentent d’imposer le changement par la rue risquent d’emmener le pays vers une impasse qui serait très dangereuse et dommageable». Il parlera des expériences tunisienne, égyptienne, libyenne et syrienne qui ont mal tourné pour leurs peuples respectifs. «Nous avons tous vu ce que les rues tunisienne, égyptienne, libyenne et syrienne ont donné. Nous avons surtout vu et vécu ce que la rue algérienne avait donné durant les années 1990. Donc, nous ne voulons plus de cet aventurisme politique», a tonné le secrétaire général du MPA.
«L’élection présidentielle est capitale»
Amara Benyounès a tenu à expliquer que «la présidentielle est fondamentale et capitale, étant le nœud condylien d’un pays dont le système de gouvernance est semi-présidentiel». L’élection du 17 avril prochain est aussi capitale, pour l’invité de la Chaine III, parce qu’elle «permettra aux Algériens d’élire leur président pour les 5 ans à venir, pour l’avenir de leurs enfants et leur propre avenir». Qualifiant de «pratiques démocratiques» les débats et les contradictions de positions qui animent, ces dernières semaines, la scène politique nationale, il estime également que cela est «tout à fait normal et légitime». Le SG du MPA a tenu à rappeler que «cela devrait se faire dans le cadre du respect de la loi», même s’il reconnait que l’Algérie n’a pas encore parachevé le processus de la démocratisation. «Nous sommes dans une étape de parachèvement du processus démocratique dans lequel s’est engagée l’Algérie. A chaque étape nous faisons des efforts de démocratie, et je reconnais que nous ne sommes pas encore dans une démocratie parachevée, ni dans une démocratie parfaite». Et de s’interroger face à l’animatrice de l’émission : «existe-t-il une démocratie achevée ou parfaite dans le monde ?». A l’égard de ceux qui laissent entendre que les élections sont jouées d’avance au profit du candidat Bouteflika, Amara Benyounès a répliqué que cette rhétorique «est une expression qu’on a l’habitude d’entendre depuis l’ouverture démocratique». «Depuis 1990, à chaque échéance électorale, il y a des partis politiques, des personnalités qui décident de boycotter au motif que l’élection est jouée d’avance. Sachez que tous les partis qui appellent au boycott ont participé aux élections de 2012, qu’elles soient locales ou législatives, et je parie qu’ils participeront aux élections législatives de 2017». Amara Benyounès considère que ces positions «sont des réponses propres à chaque parti politique, en fonction de la conjoncture politique et en fonction des problèmes que ces partis affrontent». Pour l’après élection, et développant la même réponse, le premier responsable du MPA dira : «C’est une nouvelle chanson que nous allons probablement entendre après le 17 avril», en faisant référence aux recalés de la présidentielle qui vont, éventuellement, contester les résultats. «Après le 17 avril, ce sont ceux qui participent qui vont se plaindre de la fraude électorale, quoique, et je le pense franchement, il n’y a aucune élection qui soit parfaite dans n’importe quel pays au monde». Mais, reconnait-il encore : «chaque échéance électorale est émaillée de prétextes qu’on lui trouve pour ne pas y participer». L’interviewé de Souhila El-Hachemi, a également relevé «la haine de l’opposition envers Bouteflika». «Il y a une telle haine envers le candidat Bouteflika de la part de cette opposition qu’elle est prête à dire tout et son contraire, rien que pour discréditer ces élections», a-t-il dit en réponse à la question sur la revendication de l’opposition d’installer la commission indépendante de surveillance de l’élection présidentielle. De l’opposition qui ose parler au nom du peuple algérien, il dira : «il n’y a que le peuple qui peut choisir qui sera son président».
«Nous ne voulons plus de l’aventurisme politique»
Si les expériences des rues des pays touchés par ce qui est appelé «le printemps arabe » restent, pour Benyounès, désastreuses pour leurs peuples, il remettra l’Algérie dans le contexte douloureux des années de plomb «que le peuple algérien n’est plus prêt à revivre». «Nous avons vu ce que la rue algérienne avait donné durant les années 1990, nous ne voulons plus de cet aventurisme politique. Alors, le changement ne viendra que par les urnes», a-t-il encore tonné. Et de dire que «ceux qui travaillent pour un changement par la rue se trompent car ce changement ne travaillera jamais pour l’intérêt de notre pays». Le chef du MPA dit «comprendre parfaitement ce que c’est que d’être dans l’opposition», étant donné que lui-même en a fait l’expérience : «90% de mon temps je l’ai passé dans l’opposition, et je reste toujours un démocrate convaincu». Et de rappeler aussi que «il y a des lois dans le pays et personne ne peut se targuer d’être au dessus d’elles». Pour Amara Benyounès, il y a trois temps en démocratie : celui du débat libre, transparent et contradictoire «et c’est ce qui se passe en ce moment jusqu’à la fin de la campagne électorale», puis celui de la décision «où le peuple algérien prendra sa décision via les urnes pour décider qui sera son président le 17 avril prochain», et enfin, «l’étape du respect de cette décision par tout le monde». A propos de l’arrêt du processus électoral, tel que réclamé par certaines parties, Amara Benyounès a eu une réponse toute sèche, simple et lourde de sens : «N’est pas Nezzar qui veut ». Puis, le membre de la coalition soutenant la candidature de Bouteflika expliquera que « l’arrêt du processus électoral est un terme qui a son pesant». Et de rappeler sa position concernant celui de 1991 : «J’étais pour l’arrêt du processus électoral en 1991, parce que nous étions sur la voie d’enterrer l’Algérie, Etat et Nation. Mais comparer la situation de 2014 à celle de 1991 est très largement exagéré.» «L’armée n’interviendra pas», dira encore Benyounès dans un ton ferme et sûr, et d’enchaîner : «Certains gens se trompent d’époque et de pays. Cette question est révolue et terminée. Même l’Union africaine n’accepte plus les présidents issus des coups d’Etat militaires». «Ceux qui s’attendent à un coup d’Etat en Algérie, se trompent.». «Oui, je ferais campagne pour notre candidat, mais je ferai très attention à ne pas utiliser les moyens de l’Etat, car je le ferai en tant que secrétaire général du MPA et non pas en ma qualité de ministre», dira-t-il tout en soutenant qu’il ne quitterait pas le gouvernement à l’occasion de cette campagne en faveur de Bouteflika. Répondant à la question sur sa position vis-à-vis du mouvement «Barakat», le SG du MPA parut très sûr de lui en affirmant que «tous les Algériens ont le droit de s’organiser comme ils veulent et de revendiquer ce dont ils ont envie. Qu’ils s’opposent à un quatrième mandat de Bouteflika est leur droit absolu. Sauf que je ne suis pas d’accord avec la manière avec laquelle ils s’expriment, car ils refusent à un citoyen remplissant tous ses droits constitutionnels de se présenter (…) Aujourd’hui ils s’opposent à ce qu’un candidat rempile pour un 4e mandat, demain, ils vont interdire à un candidat d’entamer sa première mandature, voilà ce qui pose problème pour ce Mouvement.» Plus loin, Amara Benyounès a exprimé son étonnement de «voir des gens qui étaient au sein du pouvoir, il y a deux ans, s’exprimer sur les plateaux de télévision, ou sur les colonnes des journaux pour dire tout le mal sur ce système et son gouvernement !». «Je suis vraiment étonné que des gens répudiés par le pouvoir après y avoir passé une vingtaine d’années le critiquent et brillent par des analyses qu’ils n’ont jamais osé émettre avant qu’ils ne soient rejetés !», a-t-il encore dit. Au sujet de la menace de plainte émise à son encontre par le président du parti «Al Adala», Benyounès a d’abord tenu à replacer ses propos «mal interprétés» dans leur vrai contexte : «c’est une expression populaire usitée d’Est en Ouest», dira-t-il, expliquant qu’il a lui-même l’habitude de la prononcer à la fin de tous ses discours depuis une dizaine d’années. Quant à la personne voulant porter plainte contre lui, Benyounès n’a même pas daigné citer son nom se contenant de trancher d’une manière plus subtile : «le jour où cette personne sera d’accord avec moi, je me méfierais, mais tant qu’elle n’est pas d’accord avec moi, je suis convaincu que je suis dans le bon sens politique».
M.A.T.

