Les appréhensions de l’Opep

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Comme attendu par les observateurs du marché pétrolier, l’Opep a décidé de maintenir son niveau actuel de production, à hauteur, depuis juillet dernier, de 28 millions barils jour (mbj). L’Organisation a actuellement le vent en poupe : elle produit au maximum de ses capacités dans un contexte marqué par les plus hauts prix du brut, qui tournent actuellement autour des 60 dollars le baril. Cependant, l’inquiétude se profile à l’horizon : la montée en puissance de certains pays asiatiques. La manne, qui continue depuis deux ans, n’a été possible que grâce à l’essor des pays émergents, Chine en tête. L’envolée de quelque 15% de sa demande de pétrole en 2004 avait laissé pantois tous les analystes. Les producteurs redoutent un atterrissage brutal de la croissance chinoise (la croissance du géant asiatique galope à quelque 9% par an), qui entraînerait toute l’Asie émergente dans sa chute. L’Opep se montre d’autant plus nerveuse sur ce point qu’elle en a douloureusement fait l’expérience lors de la crise asiatique de 1998, qui avait fait dégringoler les cours à moins de 10 dollars le baril. Mais elle a pris la précaution de laisser la porte ouverte à une baisse de production au printemps et programmé une réunion supplémentaire le 31 janvier pour faire le point sur les perspectives au deuxième trimestre, période jugée plus problématique.Pour l’heure, les ministres des pays membres se sont tous déclarés très satisfaits des conditions du marché, qui leur permettent de produire quasiment à leur plus haut niveau depuis 25 ans, à des cours qui ont dépassé les 50 dollars une bonne partie de l’année pour culminer le 30 août au niveau historique de 70,85 dollars à New York. Aujourd’hui, dans le secteur pétrolier, la question de la consommation de pétrole de la Chine, et dans une moindre mesure de l’Inde, est sur toutes les lèvres. Côté consommateurs, la Chine est perçue comme un prédateur qui tente de s’approprier le plus de ressources énergétiques possibles, y compris dans des pays au ban de la communauté internationale, et qui fait grimper les cours lorsqu’elle déclare vouloir se doter de réserves stratégiques de brut. Les ministres de l’Opep ne laissent jamais passer une occasion de le rappeler. « Nous devrions tirer les leçons du passé, de (la période) 1997-99, et surveiller attentivement le marché », a déclaré le ministre qatarien de l’Energie, Abdallah Ben Hamad al-Attiyah. Le cartel cherche visiblement à se garder de toute mauvaise surprise à l’approche du deuxième trimestre, période traditionnellement délicate à gérer, car la fin de l’hiver dans l’hémisphère nord le conduit en général à adapter sa production à la baisse. Même l’Opep avait été prise au dépourvu aux printemps 2004 et 2005, a reconnu lundi son président, le ministre koweïtien de l’Energie, cheikh Ahmad al-Fahd al-Sabah. En 2004, les cours avaient grimpé contre toute attente au 2e trimestre, en faisant « une année unique » en son genre, et en 2005, le cartel a dû augmenter sa production lors de cette période au lieu de la réduire, tant la demande était forte, a-t-il remarqué. Robert Mabro, directeur de l’Oxford Institute for Energy Studies, remarque que la crainte d’un deuxième trimestre « terrible » est « restée dans les esprits » pour des raisons historiques liées aux techniques de raffinage, lesquelles ont beaucoup évolué depuis. Mais il juge désormais exagérée la préoccupation de l’Opep. Pour lui, le cartel serait plus avisé de s’inquiéter de la santé de l’économie américaine, susceptible de plomber celle de toute la planète.

AFP et R.N

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