L'heure a-t-elle sonné pour le courage politique?

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Une étude, en voie de maturation au niveau du ministère des Finances, tracera les grandes lignes permettant de redéfinir la politique sociale de l’État dans son volet de soutien des prix, et ce, pour un meilleur ciblage. Ce qui n’était que débat à peine effleuré ou propositions rejetées, un moment, d’un revers de main, est en train d’être sérieusement envisagé par les pouvoirs publics. Comment peut-on s’attaquer à un tel « tabou » en pleine effervescence politique? Comment risquer de s’exposer au jugement d' »impopularité » dans une période cruciale de la vie politique nationale? Les autorités politiques du pays ne pouvaient rester indéfiniment sourdes aux appels, venant d’économistes, d’experts, de patrons, et même de certains ministres, par lesquels l’attention des décideurs est attirée pour rationaliser les dépenses budgétaires et redéfinir la politique sociale de l’État, particulièrement la part des transferts sociaux allant directement aux soutiens des prix de certains produits. Ceux qui s’opposent à la généralisation des subventions de l’État ne sont pas tous des ultralibéraux. Les constats et déclarations officielles datent du milieu des années 2000, lorsque Abdellatif Benachenhou occupait la poste de ministre des Finances. Ce dernier avait dénoncé publiquement le soutien généralisé des prix, sans distinction des conditions sociales des bénéficiaires. L’ancien secrétaire d’État chargé de la statistique, Sid Ali Boukrami, soutenait, en février 2011, au lendemain des émeutes de  » l’huile et du sucre » : « Bien qu’exceptionnellement importants, l’impact des transferts est peu perceptible au niveau de la population (…) Il faut réfléchir sur les modalités d’un meilleur ciblage de ces transferts, il n’est peut-être pas juste que tout le monde puisse bénéficier de certaines subventions, quelle que soit sa situation financière ». À la même période, le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, trouvait « anormal le fait que tout le monde bénéficie des mêmes subventions des prix de certains produits de base ». Les subventions accordées aux carburants, à l’électricité à l’eau potable, au pain, au lait&hellip,; profitent aussi bien aux pauvres et aux chômeurs, qu’aux grands milliardaires, en passant par les classes moyennes. Arithmétiquement, il est connu que lorsqu’un facteur est commun à toute la population, son effet est neutralisé. Pire, dans la situation algérienne, ce facteur qui, initialement, est destiné à alléger les conditions de vie de certaines catégories de la population, a fini par servir d’arme massive pour détruire l’économie nationale. Ce qui se passe à nos frontières Est et Ouest, en matière de contrebande et de fuite de carburants est édifiant à plus d’un titre. Si le produit était cédé par le pompiste à son juste prix, sans subvention, le contrebandier de la frontière réfléchirait à deux fois avant de se donner la peine de remplir ses jerrycans et prendre la destination de pistes dangereuses de la frontière. Car, à quel prix revendrait son produit ? Cela nous rappelle la politique de subvention massive qui avait bénéficié à tous les produits alimentaires d’importation pendant les années quatre-vingt du siècle dernier. Les camions, chargés de lait en poudre, de sucre, de café ou d’huile, sillonnaient toutes les frontières algériennes, au point de se rendre au Mali et au Niger. Cela instaura dans nos fameux Souk-El-Fellah l’économie de la pénurie, qui a accouché d’un immense réseau de corruption, allant de l’agent de sécurité du supermarché étatique jusqu’au directeur. Les subventions des produits alimentaires ont également généré une mentalité de gaspillage. Les chiffres du gaspillage du pain donnent le tournis. On n’a même pas besoin de chiffres. Il n’y a qu’à fouiller dans les poubelles pour en prendre conscience. Les poubelles détiennent sans doute là l’un des plus grands secrets de la famille algérienne. De même, au cours des dernières réflexions ayant porté sur les embouteillages ayant affecté les grandes villes du pays, et même les villes de dimension moyenne, les langues, au niveau officiel, ont commencé à se délier, pour dire combien le bas prix des carburants a contribué à l’engorgement des boulevards et des quartiers. On peut le remarquer sur les routes et les autoroutes, des centaines de voitures n’ont de « passager » que le chauffeur. Avec 200 DA de fuel, un jeune aura la possibilité de « flâner » du matin jusqu’au soir avec sa bagnole, en gênant ceux qui se déplacent pour des besoins spécifiques et impérieux. À cela se greffe, bien évidemment, le phénomène de sur pollution des villes. L’État, parallèlement à un éventuel réajustement des prix des carburants, est tenu de favoriser aussi le transport public sous toutes ses formules (bus, tramway, métro, train de banlieue,…). Le groupe de réflexion sur la réforme des subventions accordées aux produits de première nécessité est présidé par le docteur Abdelhak Lamiri, expert en management. Il est question de procéder à un meilleure ciblage des populations bénéficiaires, et ce, par l’établissement d’une carte de  »nécessiteux » ou d’ « indigent ».

Amar Naït Messaoud

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