Ahmed Haddad, le dernier forgeron des Ath Abbas !

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Triste est le sort réservé aux métiers artisanaux dans le pays. Ils se meurent dans l’indifférence, sans qu’aucune relève ne soit assurée pour leur pérennité ! Parmi ces métiers, qui ont traversé les âges, il y a celui du forgeron. Les temps modernes ont eu raison de ce métier millénaire. Dans beaucoup de localités de la région des Ath Abbas, qui englobe 3 communes, à savoir Boudjellil, Aït R’zine et Ighil Ali, l’on n’entend plus le bruit du marteau, qui bat le fer ou l’acier, chauffés à blanc, sur l’enclume ou encore le crépitement des pièces forgées entrées en contact avec l’eau, afin d’être refroidies. Toutes ces « notes » ont cessé d’être émises…ou presque! Oui, presque ! Puisque le son des différents outils continue à résonner dans les oreilles d’Ahmed Haddad, le dernier forgeron des Ath Abbas ! Notre interlocuteur le confirme : «Oui, je suis le dernier forgeron de la région des Ath Abbas ! Je suis le seul qui est encore en activité… ! Je ne travaille pas tout le temps, parce que je n’ai pas beaucoup de commandes ! De temps en temps, des personnes, âgées pour la plupart, viennent à l’atelier pour que je leurs répare un outil, sinon je suis ici, les matinées pour vendre les outils que j’ai confectionnés moi-même ! ». Nous avons trouvé ce brave forgeron à Chréa, la place publique située en plein centre du chef-lieu communal d’Aït R’zine. Ahmed étale, à même le sol, tous les outils qu’il a produits en plus de quelques autres produits de quincaillerie. Assis, l’air mélancolique, notre forgeron espère vendre quelque chose. La plupart des passants sont indifférents. « Je vois beaucoup de dédain dans le regard des gens ! Ils ne portent aucune considération à mon métier ! », se désole-t-il. Au fait, Ahmed n’est pas seulement forgeron, il est également maréchal-ferrant. Il continue, comme jadis, à ferrer les sabots de quelques baudets et bovins, qui sont utilisés, de nos jours, dans les travaux champêtres en zones montagneuses. Il fabrique, également, des portails, des barreaudages et bien d’autres ferronneries, dans lesquelles il excelle comme il témoignera : « J’ai confectionné un portail à un particulier avec un système de sécurité à tel point que les voleurs qui ont attaqué sa demeure ont été contraints de démolir un mur pour accéder à l’intérieur ! Ils n’ont pas pu ouvrir la porte ! », dit-il fièrement.

*Le dernier « souverain » de la « dynastie » Haddad

Cet artisan, à voir ce qu’il a produit, est un véritable artiste, qui cumule plus de 50 ans d’expérience. « C’est mon père qui m’a appris ce métier ! Nous sommes forgerons de père en fils dans la famille, depuis des siècles. Mes aïeux confectionnaient des épées, des lances et les pointes de flèches ! ». Aujourd’hui, Ahmed est le dernier « sultan » d’une « dynastie » de forgerons à continuer à forger encore dans son atelier, sis sur les hauteurs de l’ancien village d’Aït R’zine. Ses enfants ne veulent pas reprendre le flambeau, car « ce métier ne fait plus vivre de notre époque », nous dira notre interlocuteur. Dda Ahmed n’est, apparemment, pas content de cette situation. Il considère que la disparition des métiers artisanaux est injuste. «Si les autorités pouvaient m’aider, au moins, à monter un atelier, pour que je puisse apprendre aux jeunes les métiers du forgeron et du maréchal-ferrant, qui ont presque disparu !» Souhaite-t-il. Dans la foulée, Ahmed déplore la cherté du charbon qui vaut actuellement 10 000 da/quintal ! « Cela me décourage beaucoup. Mais j’utilise le bois comme pis-aller ! Le fer et l’acier ne sont pas en reste, puisqu’ils demeurent inaccessibles au forgeron. Je me vois obligé de ramasser des pièces de métal usagées pour les différents travaux », dit-il. Les travaux de ce forgeron sont multiples : il confectionne des marteaux, des bêches, des lames pour araires traditionnels, des haches, des arrache-clous, des râteaux, …et la liste n’est pas exhaustive. C’est une véritable machine artisanale ! Ces outils qu’il crée n’ont absolument rien à envier à ceux fabriqués par la machine. La seule différence réside seulement dans l’esthétique! Beaucoup de ces outils sont importés au prix fort d’Italie, de Chine, d’Allemagne pour ne citer que ces pays, alors que nos forgerons les confectionnent avec l’art et la manière ! « Pourquoi importe-t-on des outils que nous pouvons fabriquer ici ? C’est l’importation qui a tué notre métier ! », conclura notre interlocuteur.

Syphax Y.

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