Depuis la semaine passée, le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales a initié des séminaires régionaux portant sur des sessions de formation dans le domaine des marchés publics au profit des agents et cadres des Assemblées populaire communales et des daïras. L’on apprend que cette formation rentre dans le cadre du programme de formation global décidé au profit de tous les agents et personnels du ministère de l’Intérieur chargés de la gestion des marchés (élaboration des cahiers de charges, formalités de publicité procédures de contractualisation, rédaction des contrats,…). C’est ce qui, en termes du métier, est appelé les « procédures de passation de marchés » (PPM). L’on fait remarquer que, outre la publication du code des marchés publics et de ses amendements ultérieurs dans le journal officiel, actuellement accessible sur le site du secrétariat général du gouvernement, des documents de vulgarisation sont généralement élaborés par des spécialistes pour rendre plus accessible la législation des marchés publics. Cela est d’autant plus nécessaire que cette législation ne se limite pas au code des marchés. Elle touche des textes plus anciens, qui complètent ce dernier et qui sont toujours en vigueur, à l’image du CCAG (cahier des clauses administratives générales de 1964), la loi sur la comptabilité publique, les textes sur les équipements publics. Dans ce sens, la Caisse de garantie des marchés publics (CGMP) a même organisé des séminaires pédagogiques dans plusieurs wilayas dont le contenu a embrassé même des articles du code pénal et de la loi sur la concurrence, de façon à mieux mettre dans le bain les agents et cadres de l’État appelés à gérer les marchés publics à plusieurs niveaux. En l’espace de dix ans (2002-2012), la règlementation algérienne inhérente aux marchés publics a été amendée cinq fois. Le code des marchés de juillet 2002 a été finalement abrogé et remplacé par un autre texte en octobre 2010. Ce dernier subira, à son tour, deux autres amendements; le premier a trait à l’intégration des micro-entreprises dans l’accès à la commande publique à hauteur de 20 % du programme ayant fait l’objet de consultation (avec un seuil de 7 millions de dinars par entreprise), et le second se rapporte aux entreprises publiques qui sont déclarées désormais non soumises au code des marchés publics. Elles sont censées faire produire, par leurs organes sociaux, une règlementation spécifique qui réponde aux principes de la transparence et de la libre concurrence. Les changements et amendements qui affectent la législation des marchés publics ne sont pas faits pour rassurer les intervenants nationaux dans ce secteur, ni encore moins les partenaires étrangers de l’Algérie. Imparablement, les marchés publics constituent le premier vivier des actes de corruption en Algérie. Comment peut-il en être autrement dans un pays où la dépense publique, soit près de 600 milliards de dollars entre 1999 et 2014, alimente le moteur essentiel de la croissance? L’accès à la commande publique constitue de ce fait un enjeu de taille, aussi bien pour les entreprises algériennes que pour les partenaires étrangers. Que cela concerne la réalisation de travaux, l’acquisition de fournitures ou la réalisation de prestations (études, expertises,…), les volumes financiers ne cessent de nourrir les convoitises les plus folles. C’est ce qu’a tenu à expliquer en 2009 l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, en disant « les institutions publiques n’ont jamais eu à gérer autant d’argent que lors des derniers plans quinquennaux de développement ». Cet argent a été géré évidemment par le moyen des marchés publics. Le mal de la corruption issue de la procédure de passation de marchés n’a pas concerné exclusivement les gros marchés, tel que rapporté régulièrement par la presse, mais il a aussi affecté les collectivités locales, particulièrement dans le segment des plans communaux de développement (PCD). Mais, cela a aussi entaché les menus services sociaux, tels que le couffin de Ramadan, la prime scolaire, le filet social,…etc.
Les limites de la déclaration de probité
Indubitablement, les mécanismes de prévention et de lutte contre la corruption doivent être renforcés, y compris par une législation bien adaptée aux marchés publics. Ce n’est pas une simple déclaration de probité comme cela est prévu dans la législation y afférente, qui pourra assumer cette noble mission. Que dit la déclaration de probité insérée dans l’offre technique faite par l’entreprise-soumissionnaire? Cette dernière déclare, dans cet imprimé à remplir, « ne recourir à aucun acte ou manœuvre dans le but de faciliter ou de privilégier le traitement de son offre au détriment de la concurrence loyale ». Comme il s’engage également « à ne pas s’adonner à des actes ou à des manœuvres tendant à promettre d’offrir ou d’accorder à un agent public, directement ou indirectement, soit pour lui-même ou pour une autre entité une rémunération ou un avantage de quelque nature que ce soit, à l’occasion de la préparation, de la négociation, de la conclusion ou de l’exécution d’un marché public ». Cela paraît largement insuffisant pour contrer les manœuvres dont il est question. Outre les violations préméditées des procédures de passation de marchés publics pour des fins intéressées, il demeure un autre problème dans le processus de contractualisation, à savoir la non maîtrise de certains segments, d’autant plus que la législation en la matière n’a pas cessé d’évoluer. S’ajoutent à cela certains flous juridiques qui requièrent des éclairages bien renseignés. Le cas d’espèce se pose par exemple pour ceux qu’on appelle communément les « casseurs de prix », donnant une offre sous-évaluée par rapport à l’importance du projet, juste pour rafler le marché puis grignotant sur la qualité et même la quantité des travaux pour pouvoir s’en sortir à bon compte. Pour faire face à ce genre de situations, il importe de prouver légalement la sous-évaluation de l’offre par une expertise comptable ou par un autre procédé qui fait autorité. Il en est de même pour les retards de chantier et l’application des peines y afférentes, les réserves sur la qualité des travaux, les mises en demeure, la réception provisoire, le délai de garantie, la réception définitive et une éventuelle résiliation de marché. C’est pourquoi, des journées d’études et des ateliers de travail en direction des agents publics versés dans la rédaction et la gestion des marchés publics sont toujours les bienvenus.
Amar Naït Messaoud