Un métier ancestral en voie de disparition

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Contre vents et marées, la fabrication artisanale de chaussures continue, malgré tout, à Ighil Ali, chef-lieu de daïra, situé à 93 km au sud-ouest de Béjaïa. Ce grand village, haut perché était connu par les métiers artisanaux qui y étaient exercés depuis des siècles, mais la majorité des artisans ont été contraints de fermer boutique, car leur profession ne les fait plus vivre. « Depuis que le commerce extérieur a été ouvert aux importateurs privés, j’ai dû mettre la clé sous le paillasson. Les chaussures que je produisais ne me faisaient plus vivre ! » Nous dit, dépité M.Laradi Cherif, ancien artisan et fabricant de chaussures artisanales. Da Cherif est âgé de 84 ans, et cumule un savoir-faire impressionnant dans la fabrication de toutes sortes de chaussures faites à la main. Claquettes, sandales, babouches, espadrilles, et bien d’autres étaient confectionnées par ses soins. Dans la famille Laradi, on était fabricant de père en fils. Un métier qui a survécu des siècles durant, avant que le produit Chinois, bas de gamme et moins coûteux, ne vienne porter l’estocade à cette famille de brillants artisans. « L’importation a tué l’artisanat. Pourquoi importe-on ce que l’on peut produire ici, chez nous, avec l’art et la manière ? » S’interroge notre interlocuteur. Ses enfants, qui ont hérité de ce métier, ont tous choisi de faire autre chose que la fabrication des chaussures, laquelle connaît une concurrence déloyale de la part des importateurs. Néanmoins, un artisan, qui a requis l’anonymat, continue à exercer ce métier, à Ighil Ali, toujours, nonobstant les difficultés auxquelles il se trouve confronté. Toutefois, cela ne l’a pas, pour autant, découragé à continuer le métier qu’il détient de ses aïeux. Nous avons fait sa connaissance dans son modeste atelier, au quartier Tazayart, le berceau des métiers artisanaux autrefois. Cet artisan, qui possède une dextérité hors du commun, est d’une affabilité légendaire! Il confectionne encore des espadrilles avec de l’empeigne en bâche bleue ou beige. Les semelles sont en vrai cuir et le tout est adhéré avec de la colle et des sutures de couture. Il confectionne aussi des claquettes et des sandales artisanales. Ses produits, on dirait qu’ils sont fabriqués dans une usine, tellement ils sont bien faits. Il a hérité ce métier de son défunt père, « qui confectionnait des merveilles ! », s’écrie un ami à lui,  présent, ce jour-là à l’atelier. «Vous savez, son père a fabriqué des Santiags (Fameuses bottes en cuir américaines, ndlr) elles furent vendues… aux USA ! », témoigne notre interlocuteur. L’artisan travaille avec une machine à coudre de marque Singer, et il dit qu’elle a « 115 ans d’âge ! ». Mon grand-père a travaillé avec cette machine. Elle n’est jamais tombée en panne. Elle est robuste ! » Nous assure-t-il. Interrogé sur les conditions dans lesquelles il travaille, le fabricant nous dira : «c’est difficile de vivre de ce métier de nos jours. L’importation tous azimuts a tué notre métier. Avant, il y avait des dizaines de fabricants et d’artisans de tous les métiers dans ce quartier de Tazayart. Il y avait des dizaines d’ateliers de toutes sortes d’artisanat. Je suis le dernier qui travaille encore. Je lance un appel à l’Etat pour qu’il puisse nous aider, en subventionnant les matières premières comme le cuir, la bâche et d’autres matières premières, afin que notre métier ne disparaisse pas. C’est tout un pan d’histoire de la région qui partirait en fumée! L’état devrait encourager les métiers de l’artisanat et aider à créer des ateliers pour perpétuer cette catégorie d’activités, former de nouveaux artisans dans notre localité! ». D’autant plus, notre artisan fabrique des espadrilles de très bonne qualité elles peuvent tenir plus d’une année, contrairement à celles qui fabriquées en Chine, avec des produits douteux. Les espadrilles et les sandales de cet artisan sont confectionnées en cuir et en bâche, lesquelles « ne causent ni allergie, ni corps au pied », affirme notre source. Toutefois, ce qui encourage ce fabricant à confectionner encore ces espadrilles, entre autres, c’est paradoxalement l’intérêt particulier des jeunes de la localité pour ce type de chaussures, lesquels en achètent à raison de 500 da l’unité. « Ce n’est pas cher, elles sont de bonne qualité solide, durable et surtout écologique et bio ! » Nous dit un jeune homme, qui a acheté une paire de ces espadrilles traditionnelles.

Syphax Y.    

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