Légitimes interrogations

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Par Amar Naït Messaoud

L’on parle à tout va d’une période de transition, comme d’une fabuleuse panacée dont on ignore le contenu et les contours. Plusieurs acteurs politiques se sont employés à ce subtil exercice, qui consiste à lancer un concept grevé par un flou artistique et à attendre la réaction de l’opinion. Sorte de ballon-sonde par lequel des personnalités politiques ou des partis voudraient se positionner en « sauveurs » de la nation. S’il y a des personnes qui auraient gagné à ne pas évoquer une telle formule de gouvernance, ce sont celles, plus d’une centaine, qui avaient postulé à la candidature et qui n’avaient pas pu récolter le nombre requis de signatures de parrainage. Car, la première « formule » à laquelle ces modestes acteurs politiques ont cru, c’est bien celle du poste de président de la République qu’ils avaient tant reluqué. Ayant vite déchanté d’avoir constaté que leur nom ne dépassait pas le cercle de la famille et des amis, ils voudraient se donner une raison de continuer d’exister et de pérorer en proposant une période de transition. Cela « sonne » apparemment bien et fait partie d’une « mode » dont on ignore cependant les tenants et les aboutissants. À l’exception du FFS, qui se distingue par un malheureux cafouillage qui a dérouté ses propres partisans, le reste des propositions de transition sont alimentées soit par un narcissisme exacerbé de leurs auteurs, soit par des agendas qui échappent même à ceux qui tiennent ce langage. Pour ceux qui font semblant d’oublier, l’Algérie est déclarée en transition depuis les événements d’octobre 1988. Après la montée des périls islamistes et l’arrêt du processus électoral, en janvier 1992, notre pays subira une autre transition avec le Haut Conseil d’État (HCE, présidence collégiale), le Conseil national de transition (CNT, sorte de parlement désigné) et les délégations exécutives  communales (DEC, qui ont remplacé les assemblées communales de l’ex-Fis). Cette période est ponctuée par l’assassinat du président, Mohamed Boudiaf, en juin 1992. Pour tenter de sortir le pays de la transition, dans un climat de quasi-guerre civile, le président Liamine Zeroual entamera ce qu’il avait appelé le « parachèvement de l’édification institutionnelle », et ce, par des élections législatives, locales et présidentielles. La venue de Bouteflika en 1999 était censée clore une longue transition passée dans le sang et sous le Plan de l’ajustement structurel du FMI. Quinze ans plus tard, et dans un contexte régional explosif, fait de transitions boiteuses et de guerres civiles, l’on vient proposer encore une autre transition, sans se poser la question de savoir pourquoi les Algériens ne portent pas le « Printemps arabe » dans leur cœur et pourquoi ils n’avaient pas cédé à la tentation, comme des moutons de Panurge, en janvier 2011, aux appels à la rébellion. C’est que les Algériens ont bu le calice jusqu’à la lie depuis octobre 1988, en passant par l’islamisme armé pendant plus dix ans, qui a fauché quelque 200 000 vies humaines, entre cadres, intellectuels, policiers, militaires et simples citoyens. Il est vrai que, sous le ciel d’Algérie, tout ne va pas bien, comme dans le meilleur des mondes. Les potentialités naturelles et intellectuelles du pays ont été anesthésiées par la rente, dont le mouvement ascensionnel remonte au début des années 1980. Industrie, agriculture, tourisme, artisanat, ont été subtilement oblitérés au profit de l’import-import qu’ont permis les recettes en hydrocarbures. École, lycée, université ont subi un dangereux nivellement par le bas. Maisons de culture, théâtres, bibliothèques, salles de cinéma, ont subi une périlleuse désertification. Au sens propre, la désertification a mis à mal l’environnement algérien, particulièrement depuis que le terrorisme et la lutte antiterroriste sont venus à bout des derniers massifs forestiers de notre pays. C’est là une conjuration létale qu’aucune transition ne peut prétendre exorciser par un coup de baguette magique, d’autant plus qu’un grand nombre des porteurs de ces propositions n’y ont eu recours qu’en désespoir de cause, après avoir épuisé les voies régulières d’accès au palais d’El Mouradia.

A.N.M.

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