JSK, le porte-flambeau du combat

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En cette occasion de la célébration du trente quatrième anniversaire du Printemps berbère d’avril 80, ont ne peut s’empêcher d’évoquer le combat, mené des années durant sans le vouloir, par la JSK. Un club qui a constitué le porte-drapeau de la cause berbère dans notre pays. En effet, durant les années où la question amazighe était un tabou, constituant un danger pour tous ceux qui la revendiquaient, les fervents de la JSK avaient trouvé le cadre idéal pour réclamer la reconnaissance de leur langue. Un combat dont les dirigeants, staffs techniques et médical, et joueurs qui ont défilé au sein du club, se sont sentis impliqués, faisant face à une rude bataille à chacune des sorties de l’équipe, qui jouait seule contre tous. Devenue l’équipe à battre, et devant la haine qu’elle subissait et qui devenait de plus en plus grande, la JSK a fait de la revendication identitaire un élément de motivation qui fera d’elle un véritable rouleau compresseur, raflant les titres mis en jeu, notamment durant les années 80 où elle écrasait tout sur son chemin. Une domination qui s’était élargie au plan continental où la JSK était devenue l’un des ambassadeurs les plus valeureux du pays, au point de sauver la face du football national.  Aujourd’hui, force est de reconnaitre que la JSK n’est pas seulement un club de football et un palmarès, mais c’est aussi l’une des tribunes les plus efficaces du combat pour la cause identitaire et la langue amazighe, qui a fini par être reconnue officiellement. Une reconnaissance dont la JSK a largement contribué. L’année 1977, où la JSK avait remporté son premier doublé était l’une des années fortes de la revendication berbère, notamment lors de la finale de la coupe d’Algérie qui avait opposé la JSK et le NAHD, au temple du 5 juillet. Ce jour-là ils étaient des milliers de supporters à se déplacer à la capitale pour suivre le match, mais aussi pour crier, haut et fort, leur amazighité dans un stade plein à craquer et sous les yeux du défunt président Houari Boumediene. Avant le début de la rencontre, en plus de plusieurs banderoles en caractères Tifinagh, exhibées pour la première fois publiquement, les “Anwa wigui dh’Imazighen », commençaient à résonner de partout, au point de laisser  ahuris les hôtes de la tribune officielle, qui ne s’attendaient pas une telle sortie. Durant tout le match, et pendant la cérémonie de remise de la coupe au capitaine Iboud et à ses coéquipiers par feu Houari Boumediene, les milliers de supporters kabyles présents au stade  n’avaient pas cessé leurs chants identitaires. Un défi qui ne s’était pas arrêté là puisqu’en quittant le stade, comme un seul homme, ils étaient des milliers à sillonner les ruelles, allant du stade 5 juillet aux différentes placettes d’Alger  (1er mai, place des Martyrs, Port Saïd) en scandant « Anwa wigui, dh’Imazighen », « anaraz wala naknu ». Un itinéraire tout au long duquel les youyous fusaient de partout. Loin de se contenter de ce pari gagné les  supporters, qui n’avaient jamais connu une telle symbiose, avaient tenu à prolonger la fête  avec la même ferveur, et pendant 48 heures, en occupant les placettes les plus prisées de la capitale. Ça a été une première, dans les annales des supporters de la JSK, qui se déplaçaient auparavant sans faire trop de bruit, n’osant que peu hausser le ton dans les stades de football  hors de la Kabylie. En effet, avant cette année, il était difficile pour les amoureux du club de se regrouper, et encore moins de se montrer, sans se faire tabasser. La sanction n’avait pas tardé à tomber, les pouvoirs publics de l’époque, dans l’optique de faire disparaître le sigle JSK, qui dérangeait, avaient décidé dans cadre de la reforme sportive, de changer l’appellation des associations sportives. C’est ainsi que la JSK devenait JET. Un changement qui portait sur deux mots (SK), contrairement aux autres clubs, dont une seule lettre avait été changée.  Il n’en demeure pas moins que cette décision politique n’a pas influé sur les fervents du club kabyle, qui ont vite trouvé un subterfuge en scandant « Jugurtha Existe Toujours ! », en lieu et place de « Je Suis Kabyle ». La revendication de Tamazight prenait, alors, de plus en plus d’ampleur, et personne ne pouvait stopper l’effervescence qui s’était emparée de tout le peuple kabyle. Puis, vint le printemps berbère, qui n’était qu’une suite logique de cette montée au créneau d’une population avide de reconquérir son amazighité. Un combat qui s’était élargi à certains artistes, qui se sont mis de la partie, notamment le regretté Lounès Matoub, qui mènera une lutte acharnée pour la cause, jusqu’à son assassinat un certain 25 juin 1998. Durant les années 1980, la JSK continuait à constituer l’un des porte-voix les plus porteurs de la revendication berbère, que ce soit à l’échelle nationale que continental. Les sacres de la JSK en coupe d’Afrique des clubs champions, en 1981 et 1990, et en coupe des vainqueurs de coupe, en 1995, les nombreux titres de champions d’Algérie et les trophées de coupe d’Algérie, remportés durant les années 1980 et 1990, avaient été utilisés par les supporters pour en faire du club le plus titré du pays une tribune de revendication de leur identité et de leur langue maternelle. Une revendication sans relâche dont le combat a fini par triompher en partie  avec la  reconnaissance de Tamazight en tant que langue nationale. L’histoire de la JSK et celle du combat identitaire et linguistique sont intimement liées. Des liens qui exigeraient des ouvrages entiers pour en narrer les péripéties, depuis 1946, année de naissance de ce club, créé justement pour permettre, en ce temps de colonisation, à la population autochtone de s’émanciper et d’imposer son identité piétinée par l’occupant de jadis.

S. K

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