Dans le cadre de la célébration du 34e anniversaire du Printemps berbère, une conférence-débat a été organisée, avant-hier, au niveau de la maison de la culture Ali Zamoum de Bouira, à l’initiative de l’association « Mouloud Feraoun ». Un invité de marque et non moins acteur clef des événements du 20 avril 80, en l’occurrence Mouloud Lounaouci, a retracé quelques étapes clefs du combat identitaire amazigh. Avant de renter dans le vif du sujet, le conférencier a replongé dans le contexte politique d’après guerre en relevant les premiers errements du discours officiel d’un des premiers dirigeants de l’Algérie indépendante, en l’occurrence Ben Bella. Pour M. Lounaouci, la première injustice a été commise sous l’ère Ben Bella, qui, dès son installation, a délibérément occulté la dimension amazighe du discours officiel. « Dès son intronisation, Ben Bella a annoncé la couleur. Il procédera immédiatement à la dissolution de la chaire du berbère, institué sous le colonialisme français en 1890 », a-t-il souligné. S’en suivra après une répression féroce des militants de la cause Amazighe et de la démocratie sous l’ère Boumediene. Une ère qui a, selon le conférencier, vu l’arrestation des premiers militants et activistes berbères. « Les poseurs de bombes étaient les premiers à faire les frais de cette politique répressive du pouvoir de l’époque. Leur acte était plutôt symbolique, en revanche les sanctions étaient trop sévères », a tenu à témoigner Mouloud Lounaouci. Ceci dit, le conférencier a noté que « les militants de l’époque avaient une marge de manœuvre et qu’au même moment, un cercle commençait à se dessiner ». M. Lounaouci se rappelait des rencontres qui se faisaient autour de Mouloud Mammeri, au niveau de la Fac Centrale d’Alger, à partir de 68. Pour lui, ce cours était toléré et c’était là une occasion pour les étudiants de se retrouver en compagnie d’un homme infatigable et plein de volonté en l’occurrence Mouloud Mammeri. Un intellectuel dont le conférencier a vanté l’abnégation et la volonté. « La force de Mammeri ce n’est pas tant ses compétences, car elles ne sont pas à démonter, mais sa volonté de fer et son courage », a souligné le conférencier. En évoquant la question Amazighe, le militant du MCB a expliqué qu’autour de celle-ci s’est construit un discours politique, à côté du discours culturel prôné par Mammeri. Et c’est comme cela que, selon lui, s’est construite chez lui et ses camarades du cercle de la Fac Centrale cette double culture de l’amazighité culturelle et politique. Toujours à la même époque, M. Lounaouci a évoqué des rencontres avec Chérif Kheddam et plusieurs acteurs du monde artistique à Alger, au niveau d’une salle mise à leur disposition par un père américain de l’église protestante. Un peu plus tard et plus exactement en 1978, les étudiants du même cercle se sont retrouvés à Tizi-Ouzou, où bon nombre d’entre eux exerçaient en tant que médecins. Et c’est ce noyau qui constituera après le mouvement d’avril 80, selon le conférencier. Sans trop s’étaler sur ces événements, Mouloud Lounaouci a fait savoir que ce mouvement axait ses revendications sur les libertés démocratiques, mais aussi sur la question du statut de Tamazight et de l’Arabe parlé. A ce propos, le conférencier a tenu à souligner que « contrairement à ce que beaucoup croient, leur mouvement n’a jamais été extrémiste ». La preuve, la première déclaration du mouvement a inclut cette dimension de l’identité algérienne qui est l’arabe dialectal dans ses revendications. Une revendication qui sera, dira-t-il, « abandonné en raison du peu d’intérêt manifesté par ses locuteurs ». Au sujet des événements d’avril 80, M. Lounouaci est revenu sur quelques détails importants, notamment en ce qui concerne les arrestations opérées par les services de sécurité mais aussi la mobilisation citoyenne qui en a suivi. Un peu plus loin, le conférencier est revenu sur son parcours à la tête de l’association « Idles », créée au lendemain de l’ouverture démocratique. Selon lui, cette association a effectué un travail remarquable sur le plan de la formation. « L’association Idles a pu former 1 800 encadreurs et comptait dans ses rangs plus de 1 200 élèves, dont 70% étaient des filles », a-t-il relevé. Sur un autre volet, et au sujet du l’institution du HCA, le conférencier a expliqué qu’il a été approché par le passé pour diriger l’organisme, chose qu’il dira refuser. « J’ai toujours pensé que cette institution est une coquille vide, et je continue encore à le penser », a-t-il tenu à rappeler. Sur le statut de Tamazight, qui est considérée dans la constitution algérienne en tant que langue nationale, Mouloud Lounaouci a qualifié cette avancée de positive, tout en plaidant, par la même occasion, pour son officialisation. Quant à sa transcription, il dira que ceci relève plutôt d’un choix idéologique. Cela étant, il laissera entendre que le caractère latin a pris de l’avance, pour la simple raison que tout le travail fait jusque-là a été fait en latin.
D. M.