Hâter les réformes

Partager

Par Amar Naït Messaoud

La cérémonie de prestation de serment d’Abdelaziz Bouteflika, qui s’est déroulée hier, au-delà des formalités sur lesquelles une partie de l’opinion a fait une fixation, a été l’occasion pour le président de la République de réitérer sa volonté de poursuivre les réformes politiques, entamées au lendemain du discours du 15 avril 2011. En effet, dans un contexte régional bouillonnant, ayant abouti à la déstabilisation de plusieurs pays de l’aire géographique arabe, l’Algérie ne pourra conjurer ce « mauvais sort », pour lequel se sont conjuguées des forces internes et externes, que par la plus extrême vigilance. Et dans ce cas de figure, la vigilance est loin de se limiter au travail des forces de sécurité aux services de renseignement ou à la distribution de la rente pétrolière. Les autorités algériennes connaissent bien les limites de tels procédés, comme elles ont pris la mesure des nouvelles exigences citoyennes en matière de démocratie, de libertés publiques et de justice sociale. Les réformes politiques ne peuvent être un « don » ou un cadeau concédé par le pouvoir politique. Les lois sur l’audiovisuel et les associations sont un bel exemple de confrontations d’idées et de lutte qui n’a pas encore pris fin. Les schémas présentés par l’Exécutif, même s’ils ont eu l’aval des deux chambres du Parlement, peuvent bien être remis en cause, enrichis et soumis à un nouveau débat après la pression venant de la société et de ses élites. C’est parti de ce principe, qu’un projet de loi  ou une décision, engageant l’avenir de la Nation, ne saurait être prise par une seule partie, quand bien même elle disposerait de la majorité parlementaire. Que le président Bouteflika ait fait état de son intention de soumettre la Constitution à une révision consensuelle est une bonne chose. Cet engagement dépasse de loin la première typologie de révision où la mission fut confiée, en mars 2013, à une commission pentarchique. « C’est avec la volonté résolue de renforcer notre entente nationale et de faire franchir de nouvelles étapes qualitatives à la démocratie, que je relancerai sous peu, le chantier des réformes politiques qui aboutira à une révision constitutionnelle consensuelle (…) Les forces politiques, les principales représentations de la société civile, ainsi que les personnalités nationales seront conviées à s’associer à cette entreprise de première importance », écrit le président dans le discours écrit qui a été remis aux journalistes à l’occasion de la cérémonie de prestation de serment. Il a notamment fait référence au renforcement de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance de la justice et du rôle de l’opposition, comme il souhaite, par le moyen de la révision constitutionnelle, « garantir davantage les droits et les libertés des citoyens ».  Les grandes interrogations qui taraudent les Algériens depuis des années, et que l’opposition politique a saisies au vol pour en faire le grand livre des revendications (bureaucratie, excès de centralisation, limitation de la marge de manœuvre des opérateurs économiques,…) ont trouvé écho dans ces nouveaux engagements du président de la République pour les solutionner dans le cadre d’une « démocratie participative ».  En réalité les grands chantiers qui attendent le président de la République sont ceux qu’il a eu à affronter au cours de ses mandats précédents; cependant, il se trouve qu’il n’y a pas de baguette magique pour hâter et mettre en place les solutions pour des problèmes qui se sont accumulés pendant des décennies. La manne financière dont a bénéficié le pays depuis le début des années 2000 ne peut, à elle seule, travailler au bon fonctionnement des institutions du pays, à l’innovation et à la sécurisation économique ou à l’élévation du niveau de formation. Le passif est trop lourd en matière d’ « autonomie » économique du pays. On a trop compté sur les hydrocarbures pour pouvoir arborer du jour au lendemain des comportements de managers et de bâtisseurs. Mais, avec les limites auxquelles est parvenue la marge de manœuvre du pays dans tous les domaines, de grands risques pèseraient sur la stabilité la paix sociale et l’avenir économique si des décisions audacieuses, quittes à être sans doute « impopulaires », ne sont pas prises dans l’avenir immédiat.

A.N.M.

Partager