Si Brahim a traîné dans les hôpitaux algériens et étrangers pendant plus de 25 ans sans qu’aucun médecin ne puisse le soulager de son mal. Alité depuis 6 ans, le patient avait marre d’attendre un salut, de plus en plus improbable. Pour lui, la vie ne signifiait plus grand chose. La mort l’attendait à chaque crise, à chaque hospitalisation, à chaque minute. Mais son destin en a décidé autrement. Une rencontre providentielle avec un éminent chirurgien de Tizi Ouzou, le fera renaître une deuxième fois. grâce à un formidable élan de solidarité, Si Brahim sera hospitalisé, 8 jours durant, dans une clinique privée à Tizi Ouzou, où il sera opéré avec grand succès, c’est la première fois qu’une telle intervention est pratiquée en Algérie. Quand on lui a rendu visite dans sa chambre à la clinique des Oliviers, Si Brahim écoulait son dernier jour d’hospitalisation. L’émotion qu’il dégageait est impossible à reproduire même sur un tas de feuilles blanches. Toutefois, nous avons aisément constaté que les traits de son visage, émaciés et tirés par tant d’années de maladie, contrastaient violemment avec ses yeux pétillants, brillants de mille feux, comme ceux d’un bébé qui vient de voir le jour. Si Brahim était fatigué mais refusait de l’admettre. Il s’obstinait à ne laisser paraître aucun signe de lassitude. Il parlait d’une voix vive, sans interruption aucune. Plus que quiconque, Si Brahim savait qu’il venait d’être sauvé. Il en est heureux, reconnaissant et plein de gratitude.
L’incroyable aventureQuand il a commencé à nous parler, le patient fut trahi par l’émotion et la précipitation. Comme s’il voulait tout dire, tout extérioriser en une seule et unique formulation. Il lui a fallu plusieurs minutes pour se ressaisir. Il s’assoit correctement, prend une immense bouffée d’air puis se met enfin à relater son invraisemblable périple. Sa maladie, il la connaît parfaitement : Il dit que c’est une maladie orpheline (très rare) que les scientifiques appellent communément le syndrome de Milleroy, où éléphant. Il s’agit d’un grossissement démesuré (œdéme) d’une partie du corps. Pour lui, c’est toute la partie intime qui était touchée, ce qui a provoqué la formation d’une grosse poche kystique pesant… 18 kg. Avec un tel poids entre les jambes, le patient “était incapable d’opérer le moindre geste ; il n’était même pas en mesure de se tenir debout. Sa vie quotidienne était un terrible cauchemar. En plus de l’obésité et de l’immobilité, Si Brahim devait encore subir les pathologies associés à cette redoutable maladie puisqu’il est également atteint d’hypertension et d’asthme. Pourtant, cela fait plus de 25 ans qu’il lutte pour sa survie en vain. Une succession de diagnostics erronés, effectués vers la fin des années 70, ont compliqué son cas. A cette époque, la maladie était mal traitée et mal suivie. Les hôpitaux de Mustapha Bacha, Parnet et celui de Kouba se sont montré incapables de lui prodiguer le moindre soin, encore moins de freiner le développement de l’œdéme. Toutefois une première lueur d’espoir est enfin apparu en 1980 quand Si Brahim à pu obtenir un transfert vers l’hôpital de Bordeaux en France. Sur place, des analyses plus poussées et plus approfondies ont permis d’établir le diagnostic exact : Il s’agit de la maladie de Milleroy. Cette première avancée eu pour effet de relancer l’espoir. Si Brahim continua de se battre. En 1984, il sera retransféré vers un autre hôpital français (St Joseph) pour une éventuelle intervention chirurgicale. En dernière minute, les médecins ont décidé d’écarter cette option et ont préféré procéder à une préssothérapie mécanique sur tout le corps du patient. les résultats obtenus étaient intéressants mais, hélas, insuffisants pour se débarrasser définitivement du redoutable syndrome de Milleroy.Le retour vers l’Algérie s’effectuera dans de la douleur et la déception. La maladie s’aggravait de jour en jour et plusieurs hôpitaux refusent de le prendre en charge. Si Brahim était au bord du gouffre. Son sort semblait définitivement scellé. Il va errer d’hôpital en hôpital pendant… 20 ans.
Le tournantPourtant, en été dernier, tout bascula d’une manière spectaculaire. Alité au service dermatologie de l’hôpital Mustapha, M. Boulbadaoui fera une rencontre qui changera le cours de sa vie. Un chirurgien de Tizi Ouzou, Kamel Daoudi en l’occurrence, rend visite à un malade qui partage la même chambre que Si Brahim. le chirurgien, scandalisé par la situation du patient afficha un intérêt immédiat pour son cas. Il se saisi d’un exemplaire du dossier médical et échange ses coordonnées avec le malade. Alors que ce dernier écoulait des jours peu joyeux à l’hôpital, le D. Daoudi, lui, s’est sérieusement penché sur ce cas. pendant plus de deux mois il entreprend des recherches minutieuses sur cette terrible maladie. Au final, le chirurgien est convaincu : l’espoir de soulager le patient de son mal est intact. Il y a, certes, quelques risques à prendre mais du point de vue médical, les chances de guérison sont très élevées. le 28 novembre dernier, le chirurgien appelle le patient chez lui. Un rendez-vous est fixé pour le samedi 31. Si Brahim, accompagnée de son fils, sera admis sur le champ à la clinique des Oliviers à Tizi Ouzou. Le chirurgien lui annonce qu’il va l’opérer dès le lendemain dimanche. le patient nous avouera, après coup, qu’il ne croyait pas vraiment à cette option. Les nombreuses déceptions qu’il a dû encaisser durant ses longues années de maladie l’ont rendu très circonspect. Cela ne l’a pas empêché de se décider. L’intervention durera près de 11 heures de temps, puis… le miracle a eu lieu. l’opération est un succès total. Si Brahim s’est définitivement débarrassé de cette énorme poche de 18 kg. Après 8 jours d’hospitalisation, il s’est remis à tenir debout à chausser des pantoufles, à faire sa toilette et à… revivre. Des petits gestes quotidiens qui lui ont tant manqué et qu’il n’a pas pu faire pendant sept ans. Si Brahim, toujours aussi ému, dira qu’il changeait volontiers sa date de naissance pour s’inscrire au 4 décembre 2005. Avec dans des larmes contenues, il n’a pas hésité à appeler le D. Daoudi “mon deuxième père”, et “mon sauveur après mon créateur”. Après l’avoir chaleureusement remercié, il a tenu à rendre hommage à tout le staff médical de la clinique qui, dans un formidable élan de solidarité, lui a réuni une belle somme d’argent pour un nouveau départ. Inutile de souligner que la prise en charge du patient à la clinique était gratuite, Tizi a su donner, Tizi a su guérir, Bravo messieurs !
A. B.