Les céréales souffrent d'un déficit hydrique

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Depuis la mi-avril dernier, les agriculteurs du sud de la wilaya de Bouira commencent à montrer des signes d’inquiétude quant à la persistance du beau temps, équivalent pour eux à un début de déficit en eau, particulièrement pour les céréales conduites en sec. En effet, malgré la pluviométrie consistante enregistrée pendant les mois de janvier et février, une partie du tapis vert des céréales des communes agropastorales de Dirah, Maâmora, Ridane, Taguedite et Hadjra Zerga est en train de virer prématurément à l’ocre. Un agriculteur de l’ancien Souk El Djemaâ (Maâmora) n’a pas caché son appréhension devant la tendance qui se dessine. « Le ciel s’est asséché depuis plus d’un mois. Même lorsqu’il avait plu en février, ce n’était pas grand-chose par rapport aux communes du nord de la wilaya. Les ruisseaux se sont taris depuis trois ou quatre semaines. Il y a quatre ans, on a entendu parler d’un projet de retenue collinaire sur l’Oued El Malah, au lieu-dit Bordj Ben Senoussi. Depuis, aucune information n’est venue confirmer ou infirmer un tel projet. Une retenue d’eau réglerait pas mal de problèmes ici. Personnellement, je ne ferais plus de céréales. Avec un demi-hectare en irrigué votre revenu est plus assuré qu’avec 40 ha de céréales en sec. Regardez! Le peu d’eau qui est tombée en février coule encore en mince filet dans ce ruisseau d’Oued El Malah. Je pense qu’il faut relancer sérieusement ce projet. Sans doute, c’est là notre salut ». Le projet dont il est question, situé en plein EAC (exploitation agricole collective) a été rejeté pour des raisons de faisabilité par un bureau d’études, en avançant des raisons d’étanchéité.  Les parcelles situées encore plus au sud, aux limites de la commune de Cheniguel (wilaya de Médéa) sont en encore plus affectées. Un habitant de la bourgade de Zeboudja fait l’éloge de l’olivier. « Il faut que la ceinture verte de l’olivier initiée en 2010 continue. Il n’y a que l’arboriculture qui peut sauver la région. La pluviométrie ici est trop faible, et il n’y a aucun ouvrage hydraulique pour réaliser des périmètres irrigués. Vous souvenez-vous de la sécheresse de 2002? Eh bien ici, la graine n’a pas germé du tout. On a été touché dans ce que nous avions de plus précieux, le cheptel ovin. On avait bradé nos agneaux et nos brebis à vil prix. Il est vrai que cette année il a plu en automne et un peu en février. Mais le déficit commence maintenant à être sérieusement ressenti ». Les quelques oliviers que Mohamed a plantés sur ce versant sud du mont Sakhra, il les irrigue avec une eau chargée de souffre tirée à partir d’un puits. Les cuvettes des arbres ont pris une couleur jaunâtre.  La même inquiétude est partagée par les céréaliculteurs de cette bande pré-steppique, et même un peu plus au nord, dans les communes de Bordj Khriss, El Hakimia et Dechmia. La wilaya de Bouira étant un territoire connu pour sa vocation céréalière (près de 82 000 hectares sont emblavés chaque année), le risque lié à la conduite en sec d’une telle culture est toujours présent, particulièrement dans le contexte de ce qui est appelé aujourd’hui le changement climatique. Après les pluies torrentielles de septembre-octobre, qui ne sont aucunement utiles pour l’agriculture, les périodes déterminantes pour la germination et la levée des plants de céréales (à savoir novembre, puis avril-mai) sont les plus sujettes à fluctuation. L’année passée, la wilaya de Bouira avait récolté officiellement 2 115 700 quintaux de céréales, toutes catégories confondues (blé dur, blé tendre, orge et céréales fourragères). Ce chiffre avait été remis en cause par certaines sources, du fait que les CCLS (coopératives des céréales et légumes secs) n’auraient réceptionné que 604 510 quintaux. Une polémique s’était alors enclenchée, laissant place à des explications peu convaincantes.  Cependant, cette vocation, présentée un moment comme étant l’unique perspective, commence à être battue en brèche par d’autres cultures, telles que la pomme de terre et l’oléiculture. Mieux encore, de nouveaux horizons s’ouvrent avec le nouveau périmètre irrigué d’El Esnam-M’Chedallah (5 600 ha), dont les travaux ont été entamés en 2012. L’exploitation des équipements d’irrigation est prévue pour l’automne 2014. Avec l’ancien périmètre des Aribs (2 200 ha dans les communes d’Aïn Bessem, Bir Ghbalou et Raouraoua), le nouveau périmètre de la haute Soummam est de nature à conférer un autre destin à l’agriculture dans la région, la soustrayant ainsi à la fatalité des perturbations pluviométriques. Car, même si, sur l’ensemble de l’année, le bilan hydrique ne fait état que de la sécheresse, la mauvaise répartition des pluies dans le temps affecte parfois gravement les céréales, lorsque le déficit est enregistré dans les moments cruciaux du développement et de la maturation de la plante. 

N.M. Taous

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