Par Amar Naït Messaoud
Après le scrutin présidentiel du 17 avril dernier, une forme de vacuité sidérale a succédé à la fièvre politique. Que se passe-t-il dans le camp de ceux qui ont vainement formé le dessein d’accéder à la magistrature suprême du pays? L’intérêt constaté pour la « chose » politique au cours de ces derniers mois est nécessairement lié au contexte des élections présidentielles qui a réveillé des partis et des personnalités presque en « chômage » depuis plusieurs années. En tout cas, ce réveil brutal est loin d’être le signe d’une quelconque avancée de la conscience politique, laquelle se serait précipitamment mise en branle et aurait gagné des structures-baudruches plongées dans une profonde hibernation. La campagne pour les présidentielles avait aiguillonné bien des appétits et suscité des ambitions démesurées. Sans coup férir, l’on avait atteint le nombre d’une centaine de candidats à la candidature. La rentrée en trombe des vieilles ou nouvelles formations politiques, à partir de mars 2014, prolongée par des interventions épistolaires inattendues d’un personnel en retraite, comprenant des civiles et des ex-militaires, aura bien consommé des énergies, fait baver candidats et ouailles et fait remonter en surface, dans de vieilles coteries et dans certains hameaux, d’inutiles et anciens clivages tribaux ou corporatistes. Se sentant à l’étroit dans les anciennes formations et écrasées par l’anonymat dicté par une oisiveté volontaire, certaines « personnalités » avaient cru à leur étoile dans un embrouillamini politique qu’ils ont attisé de toutes leurs forces. Les urnes ayant donné leur verdict, les Algériens redécouvrent la vacuité du champ politique dans sa grande nudité. Les appels à des regroupements et alliances n’ont pas manqué. Mais, c’est toujours autour de la personne qui aura « pondu » le communiqué. On n’échappe pas à l’égoïsme et à l’égotisme nourris depuis des lustres par le complexe que l’on entretient vis-à-vis de son peuple. Cela confine immanquablement à une certaine arrogance qui dessert les idéaux politiques, que l’on prétend défendre, et qui maintient la culture politique dans une espèce d' »âge mineur ». Bien que personne ne gagne dans l’effilochement et la dispersion de ce qui est appelé l’opposition (un terme confus, qui manque de repères et de balises), le constat est là implacable: les intérêts des personnes priment puissamment sur les intérêts des idéaux politiques affichés. Les alliances, parfois contre nature, qui sont tentées par-ci par-là n’ont pas besoin de traîner la hantise de l’ « infiltration » pour postuler à une implosion prochaine. Le pouvoir politique, dans sa conception moderne, a hautement besoin d’un contre-pouvoir, constitué non seulement de l’opposition politique, mais également des organisations de la société civile (ligues des Droits de l’homme, organisations de la jeunesse, organisations professionnelles,…). Il en a besoin non seulement pour se forger une crédibilité à toute épreuve, mais également pour le bon fonctionnement de la société. Mais, force est de constater que ce qui aurait dû prendre le nom de « classe politique » est encore à la recherche de ses repères. Aussi bien pour les élections présidentielles que pour les élections locales et législatives, les efforts de positionnement politique des partis et des candidats indépendants correspondent souvent à des efforts de rapprochement des sources de la rente. Si les discours de campagne ne le disent pas tout à fait en ces termes, les pratiques ultérieures ont souvent confirmé les appréhensions des électeurs. Sur un autre plan, comment admettre d’une formation politique ou d’une « personnalité », entendant se donner une dimension nationale ou régionale, qu’ils cessent toute activité politique dès que les lumières des élections actuelles sont éteintes ? Cette forme de subite décrue ne peut pas échapper au jugement sévère des citoyens électeurs et jeter suspicion et déception chez ceux qui ont, peu ou prou, accompagné le projet électoral de ces entités politiques. Finalement, ces partis et personnalités n’ont-ils de convictions à défendre et de projets à faire valoir que dans l’éventualité de se trouver à la tête de l’État? Ce serait une grave entorse à la culture politique, laquelle, sous d’autres cieux, a amené des hommes et des femmes à conduire des luttes et des combats pendant plusieurs décennies, sans qu’ils aient pu accéder au pouvoir, ne serait-ce que celui des assemblées locales. Mais, ces hommes et ces femmes, de gauche ou de droite, ont marqué leur époque et apporté leur contribution à la construction démocratique et à la culture politique, y compris par la publication de livres, la tenue de séminaires de formation et l’animation de la vie associative. Jusqu’à quand les boniments de circonstance, les creux babils et les harassantes logorrhées continueront à servir de programme politique ? Immanquablement, les formations politiques algériennes ont encore du pain sur la planche pour ancrer dans la société la culture politique et les valeurs de la tolérance. Il s’agit également d’être présent à côté des populations dans leurs moments de douleur et de joie ; d’accompagner leurs actions et de canaliser leurs énergies à travers les associations et les syndicats. Il n’y a que cet effort d’immersion dans la société qui pourra redorer le blason des partis et de l’action politique.
A. N. M.