Quand les chemins semblent ne mener nulle part, qui d’autre que ce poète peut nous éclairer la voie ?
Incontestablement, Lounis Aït Menguellet a su réconcilier les mélomanes et amateurs de la chanson à texte avec la chanson kabyle, à travers son dernier opus ‘’Isefra’’. Des poèmes, révélant une partie de ses tréfonds, nous sont offerts sans pudeur. Pour la première fois, Lounis, d’habitude si réservé se livre sans faux fuyants à son public. On découvre ainsi un poète inquiet mais surtout inquiétant. Au fil des chansons, magnifiquement interprétées, on découvre un homme soucieux de vérité et d’absolu. Sans concession aucune, ni à l’esthétique du verbe ni à la profondeur des sujets, Lounis nous mène vers ces abysses humains faits de contradictions. C’est ainsi que dans sa chanson ‘’walagh’’ (J’ai vu), il nous fait une démonstration de ce qu’est la vie dans toute sa plénitude, mais aussi dans sa décrépitude. On est vite happé par cette évidence que l’homme par désespoir peut rire de son malheur comme il peut par un excès de joie pleurer de son bonheur. On découvre aussi que c’est toujours tard que l’homme compose avec l’amour absolu et que la fraternité n’est pas marchandise qui se vend facilement au rayon des valeurs. Lounis nous apprend avec des mots simples que l’amour de la femme et son respect sont sacrés et que contrairement à la règle, qu’on veut établie, c’est toujours elle la gardienne des valeurs et que même si on croit la protéger au fait c’est nous qui sommes sous sa protection. Lounis, toujours visionnaire, nous rappelle avec bonheur que la grandeur n’est pas dans les cris vains, les marches stériles, les atermoiements inutiles, puisque le savoir à lui seul ne peut assurer à son bonhomme l’élévation. Il paraphrase ainsi la célèbre strophe de l’autre chanteur subversif des années 1960, Ahmed Saber, quand il disait dans sa célèbre chanson El Ouaktiya : «la noblesse est l’apanage des hommes qui ont la noblesse de l’âme». Dans la chanson ‘’Ageffur’’ (la pluie), Lounis nous met face à nous-mêmes à travers un miroir qui désenchante sans pour autant nous plonger dans le fatalisme mortel et l’inertie paralysante. C’est quand les choses sont à leur place que les versets d’espoir sont porteurs, semble nous dire le poète. Mais les chemins des visionnaire est fait de veilles et de remises en cause des vérités consacrées. Dans son texte ‘’Aawaz’’ (la veillée), le tisseur des vers nous mène dans les labyrinthes de la pensée la plus pure et nous fait une démonstration magistrale que le verbe kabyle peut épouser les pensées les plus mystiques, les plus élaborées. Le temps étant fuyant le poème nous invite à une halte, pour replonger dans ce monde des sentiments, jamais vains, de l’amour pour la femme, cette étoile éternelle qui nous guide vers la vérité de notre ‘’Moi’’, toujours à l’affut de la compassion et de la douceur. Dans ses ‘’Isefra’’, on découvre un homme lucide, qui, même si quelque part il sait que tout un cycle de lutte, d’espoirs et de revendications est révolu, il n’en demeure pas moins que le meilleur est toujours à venir, puisque même si la porte par laquelle entre l’inspiration semble fermée, la volonté du poète peut toujours l’ouvrir, n’en déplaise au sort et au destin.
Aït Slimane Amazigh

