Le square Si El Haouès se meurt

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Autrefois, le square Si El Haouès était la fierté de la ville. à présent, il n'a plus rien d'un jardin public. Tout y est à l'état sauvage, et depuis longtemps. Faute d’entretien, beaucoup d'arbres et de fleurs rares se meurent.

Les oiseaux qui nichent au sommet des arbres sont salisseurs, piailleurs, querelleurs et tellement envahissants et collants qu’ils en deviennent terriblement agaçants. Mais d’abord de quel nom affubler ces petites pestes, que les autorités, dans leur quête de les chasser de la ville, où elles ont élu domicile depuis plusieurs années, ne trouvent pas la solution pour y arriver ? Aigrettes, comme on l’avait d’abord cru, avant qu’on se ravise et qu’on opte pour le terme de pique-bœuf, ou Pecos, comme les ont désignées, de façon drôle et fantaisiste, d’autres ?  Force est de revenir au premier mot, qui semble parfaitement correspondre, non seulement à la définition du Larousse, mais aussi à l’image qui l’illustre. Aujourd’hui, l’oiseau rare, devenu si commun, à force de se multiplier rapidement, a repris possession du parc Si El Haouès, après en avoir été chassé une ou deux fois. La presse, s’en mêlant et dénonçant l’environnement repoussant créé au centre-ville, les autorités s’étaient vues contraintes de recourir aux fusils de chasse pour le déloger de là où ils s’étaient nichés. Quelques belles pièces boulèrent au pied des  arbres, tuées net, mais il aurait fallu plus que quelques coups de fusils pour décourager ces échassiers, d’une ténacité extraordinaire. D’ailleurs, la presse de l’époque, pointilleuse, ne voulait absolument pas de massacre. Et les responsables, accommodants, avaient cherché et trouvé autre chose. Ceux qui ont lu « Les lettres de mon moulin » d’Alphonse Daudet, savent quelle technique employaient, autrefois, les propriétaires terriens pour chasser les invasions de sauterelles de leurs champs de blé. On tapait avec un bâton, sur des casseroles, des poêles ou des marmites  pour faire fuir ces insectes. Le procédé était, sans doute, connu du maire de la ville, puisqu’il l’a expérimenté contre ces bestioles. Cela a donné des résultats, puisque le bruit produit par les deux ou trois employés de la commune a fait son effet, et le square a retrouvé la paix et la propreté. Il devenait, à nouveau, fréquentable. Cela a donné des idées au même élu local, qui, pensant pouvoir augmenter cette fréquentation et ouvrir aux familles les portes de cet espace public, a ordonné que l’on élimine les murs de clôture. Il en a résulté une telle dégradation que le square a été boycotté définitivement par le public distingué. Profitant du calme du lieu, les aigrettes sont revenues en très grand nombre le repeupler. A la laideur qui a résulté de la démolition de la clôture, se sont ajoutées la saleté et l’odeur pestilentielle qui infectent tout le jardin et même les trottoirs des rues Larbi Ben M’Hidi et Colonel Amirouche, qui le bordent des deux côtés. Quelques promeneurs, cependant, y viennent pour lire leurs journaux ou se reposer un instant avant de repartir, car l’endroit est devenu insupportable pour tous. D’ailleurs, ce n’est pas son seul aspect repoussant. Les mauvaises herbes ont envahi les plates-bandes, les sachets et les papiers gras traînent partout. Les arbres morts n’ont pas été remplacés et certaines espèces ont disparu ou sont en train de disparaître, comme le pin. Le dernier cèdre (il y en avait quatre), a rendu l’âme, il y a deux ou trois ans. Un seul réverbère, muni de quatre branches avec une grosse lampe au bout, se dresse au centre, inutile. Inutiles aussi, le bassin à sec et le kiosque fermé depuis une décennie. Le chèvrefeuille lutte dans un coin avec le lierre, promus eux aussi à une fin inéluctable. Nous cherchons des yeux, en vain, le massif de rhododendron, qui égayait le coin d’une touche de violet tirant sur le rose… Ah, là-bas, il y a bien un bouquet de clématite, mais rachitique, et faute de soins, il se meure de cette mort à laquelle semble voué inexorablement tout le parc. Une mort lente, si on n’y prend pas garde avant. En février dernier, il a bien été question de réhabiliter le square. Un concours, ouvert aux bureaux d’étude, a bien été lancé par la wilaya. Deux d’entre ces bureaux d’étude avaient répondu à l’appel. Mais depuis, c’est le silence radio. Faut-il rappeler que le tourisme, ce n’est pas seulement la montagne, la mer ou la forêt, mais c’est aussi les villes et les villages. Et une ville et un village, c’est d’abord leurs places publiques, leurs fontaines et leurs squares. Ce qui fait, en d’autres termes, l’âme de toute agglomération digne de ce nom. Ainsi, réhabiliter ce square, dégradé en partie par la main de l’homme, y compris par les anciens responsables qui ont démoli sa clôture, c’est rendre à la ville de Bouira un élément essentiel de sa personnalité. Il y a donc nécessité urgence à réagir.

Aziz Bey

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