Par Amar Naït Messaoud
Dans ses séquences les plus pertinentes, y compris par l’aspect et la vision critiques, le débat dont a fait l’objet le projet du nouveau plan quinquennal 2015-2019 au niveau de l’Assemblée populaire nationale, tout au long de la semaine passée, a sans doute résumé pendant quelques jours, ce que la presse, les réunions de wilayas, les visites ministérielles et les analyses des experts, ont pu dire au sujet de la conception et du mode de mise en œuvre des plans de développement dans notre pays. Absence d’un calendrier précis, flou artistique sur les objectifs pratiques, perspective peu claire pour l’économie d’entreprise, déficit de coordination intersectorielle et d’autres travers encore, ont été relevés par les députés de l’APN. Le premier à reconnaître des insuffisances dans le plan et à solliciter l’ « indulgence » des députés, est le Premier ministre, lui-même, Abdelmalek Sellal. Il se trouve que ces insuffisances ne sont pas nouvelles. Elles ont déjà grevé les trois premiers plans quinquennaux. Le dernier d’entre eux, celui couvrant la période 2010-2014, tout en s’acheminant vers la consommation totale du délai qui lui est imparti, traîne encore des retards de réalisation. Des centaines de projets entiers ne sont pas encore lancés, à six mois de la clôture du plan. Ce n’est là un secret pour personne. Le Premier ministre commença à montrer son inquiétude à ce sujet dès sa prise de fonction en septembre 2012. Les visites qu’il a effectuées dans toutes les wilayas du pays lui ont permis de prendre conscience des difficultés posées par la mise en œuvre des projets depuis la notification de leur inscription jusqu’à leur réception définitive, en passant pas les procédures de passation de marché (élaboration du cahier de charges, avis d’appel d’offres, contractualisation, notification de l’ordre de service de lancement de travaux). En d’autres termes, aucune phase de la mise en œuvre du projet n’est dénuée de lourdeurs administratives, d’insuffisances techniques et d’autres aléas qui font traîner le lancement des travaux. Sur la base de ces éléments d’information, et certainement aussi en prenant connaissance des problèmes spécifiques mis en relief par les bureaux d’études et autres parties impliquées dans les projets, les députés ont transféré leurs appréhensions sur le nouveau plan qui leur a été soumis au cours de la semaine passée. De son côté Abdelmalek Sellal a partagé un certain nombre de constats et d’appréhensions, en promettant que le gouvernement fera tout pour les atténuer avec les moyens dont dispose le pays. Il fait état, ainsi, de la faiblesse criarde de l’outil national de réalisation, à savoir les entreprises, particulièrement dans le domaine de la construction et des travaux publics. Mais, ce n’est pas une nouveauté le constat a été dressé en 2005 déjà par l’ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou. Tout le processus de réalisation des grands projets, à l’image de l’autoroute Est-Ouest, des barrages hydrauliques, des grands ensembles de logements, a mis à nu une faiblesse qui continue à grever l’économie nationale. La politique de la promotion de l’entreprise est, sans aucun doute, le talon d’Achille de toute la construction économique entamée depuis le début des années 2000. La volonté politique, exprimée à maintes occasions à ce sujet par les autorités du pays et les gestionnaires de l’économie nationale, s’est vu opposer des comportements rentiers dans le reste de la hiérarchie administrative et dans la sphère des rentiers rangés dans l’économie informelle. Les résistances aux changements sont réelles et elles sont incrustées dans le corps de l’administration et des acteurs des milieux d’intérêt qui ne voient aucun intérêt à ce que l’économie algérienne se redresse et quitte son grave statu quo de rente au profit de la dynamique de production. Même si la faiblesse de l’outil national de réalisation est relevée comme étant un aléa majeur dans la mise en œuvre du nouveau plan quinquennal, l’autre facteur de poids est sans doute l’outil national d’études. Les bureaux d’études algériens, dont l’écho avait dépassé un certain moment les limites du territoire national, ont subi un reflux historique, aussi bien sur le plan du nombre que sur celui de la qualité. Les bureaux études publics ont subi le sort de toutes les entreprises publiques qui, au milieu des années 1990, étaient contraintes de mettre la clef sous le paillasson, suite au régime d’austérité du Plan d’ajustement structurel (PAS) imposé alors par le FMI à l’Algérie. Avec la reprise de la bonne santé financière de notre pays, dès le début des années 2000, aucun effort particulier n’a été fait pour réhabiliter ces bureaux d’études. Pour certains projets entrant dans le cadre des trois plans quinquennaux passés, certains bureaux d’études algériens ont versé dans la sous-traitance pour le compte de bureaux étrangers ayant décroché des marchés algériens. Ce n’est que quelques années plus tard que les Algériens se sont rendus compte de certains cas d’études médiocres, voire même d’arnaques, dont les auteurs sont des bureaux étrangers. C’est là la teneur même d’une directive du président de la République transmise aux membres du gouvernement et aux walis, en janvier 2010. Le président préconise de recourir à l’expertise algérienne, sauf dans les cas les plus complexes. Il y a lieu de signaler que la facture d’importation d’études et d’expertises avait atteint 12 milliards de dollars par an, pour les projets réalisés entre 2005 et 2010. Instruit par de telles leçons, comment le gouvernement compte-t-il prendre le gouvernail du nouveau plan 2015-2019?
A.N.M
