La problématique de l’introduction à grande échelle de Tamazight dans les médias, notamment télévisés, radiophoniques et presse à papier, a été relativement éludée, hier, lors du colloque international portant sur «Médias, communication, langues et langages : où en est Tamazight ?», organisé par le HCA dans la ville d’Azazga. Quoi que la promotion de l’amazighité en Algérie enregistre des avancées moins rassurantes, étant rétives et saccadées, l’événement d’Azazga, inauguré hier et s’étalant jusqu’à demain, devra apporter quelques réponses aux questions, scientifiques, politiques et sociales, que les universitaires maghrébins y exposeront. Bien que «l’ambition première (de ce colloque) est de captiver l’attention de (nos) partenaires institutionnels, afin qu’ils adhèrent à la concrétisation de moult objectifs auxquels le Haut commissariat à l’amazighité s’est astreint de répondre», selon l’allocution d’ouverture d’El Hachemi Assad, secrétaire général du HCA, la question nodale que ce dernier aura ainsi posé est : «Comment aller de l’avant et permettre une introduction élargie de Tamazight dans l’ensemble des instruments institutionnels, tels que les radios régionales et les organes de presse édités sur fonds publics», soit les médias publics. La réponse aux préoccupations du HCA semble avoir été apportée, en partie, par Abderrezak Dourari, directeur du Centre national pédagogique et linguistique pour l’enseignement de Tamazight. Pour cet universitaire, « Tamazight, depuis son élévation au rang de langue nationale, ne cesse de se heurter à deux contraintes principales». Il s’agit, selon le Pr Dourari, de ce qu’il qualifié de « contrainte externe», eu égard au statut juridique de cette langue «qui devrait lui ouvrir un nombre de marchés, contraste très fort avec son statut réel, qui est social, où l’administration multiplie les difficultés à sa bonne réception sociétale». L’universitaire, citant la seconde contrainte qu’il qualifié «d’interne», n’a pas fait dans la dentelle pour évoquer « la non prise en charge de sa normalisation par des institutions spécialisées » source de «création d’une hypertrophie néologique (c’est-à-dire, l’exagération dans les processus de formation de nouvelles unités lexicales, ndlr), qui, à son tour, engendre un rejet dans la société lié à son enseignement et à sa diffusion». Le constat est, on ne peut plus réel, a ainsi voulu mettre en évidence le Pr Dourari qui regrette que «ce paradoxe statutaire est, en fait, causé par des politiques, linguistique, éducative et culturelle, qui demeurent inspirées par une perception monolingue du champ social algérien».
Les enjeux des médias ou la source d’inquiétude des universitaires
Le cinéaste et universitaire d’Oran, Mohamed Bensalah, croit, lui, que « les questions relatives aux mutations du paysage audiovisuel sont partout à l’ordre du jour». Abordant ainsi l’aspect et la responsabilité des médias de masse du service public, Bensalah, ayant présenté sa communication sous le thème de «nouvelles donne, nouveaux enjeux, nouvelles inquiétudes», s’est permis de poser une question qui parait aussi lancinante qu’utile. Pour ce cinéaste, «la première question qui se pose est celle de savoir si on a bien tenu compte, lors du vote de la loi relative à la libéralisation du secteur audiovisuel, de la spécificité de cette activité aussi bien au niveau des règles ayant trait à son exercice, que celles ayant trait à l’aspect institutionnel de la régulation du secteur ?». Avant lui, le Dr Mouloud Lounaouci, dans sa communication portant sur «langue, médias et politique : un triptyque inextricable», a tenté de placer la langue amazighe au centre de sa réflexion qu’il a essentiellement portée sur «la place de cette langue dans les médias», et dans un autre aspect, il évoque le pouvoir que confère les moyens d’information à ceux qui les détiennent. «La communication (…) a un rôle de pédagogie sociale, quand elle n’est pas pervertie pour devenir un instrument de régression», note le Dr Lounaouci qui a également tenu de rappeler une évidence crainte, à tort ou à raison, par les législateurs, entre autres, sans qu’il ne fasse néanmoins référence à cela, au sujet de la perversion, supposée ou réelle, des moyens d’information. « Les supports de communication que sont les médias, peuvent, s’ils sont détenus par des mains malveillantes, devenir de puissants outils d’aliénation ou d’instruments de propagation d’idéologie extrémiste», a souligné le conférencier qui esquisse, dés lors, ce qu’il pense être « l’acharnement des pouvoirs à garder le monopole sur les médias». La deuxième problématique posée par Mohamed Bensalah pourra, peut-être, apporter quelques éléments de réponses à ce que le Dr Lounaouci a fait remarquer. C’est ainsi que l’âme de ce colloque commence à raviver, car les communications des uns et des autres, bien qu’elles abordent des aspects différents, convergent toute sur la nécessité d’un débat autour de la question centrale posée par le HCA lors de ce colloque. «Tenant compte de l’Etat tutélaire baignant dans une culture patrimoniale, peut-on affirmer que le nouvel espace médiatique en gestation peut être circonscrit et décrit séparément du champ politique ? », s’est interrogé encore M. Bensalah. Celui-ci ajoutera, pour rester dans l’esprit du colloque, qu’il est utile que «nous nous proposions d’analyser les enjeux principaux reliés au développement du secteur». Et d’alerter sur «la composition de l’instance administrative indépendante, tel qu’annoncée par la loi. Cette dernière est susceptible d’affecter les idéaux, les valeurs et les pratiques des acteurs impliqués».
M.A.T.