M. Ahmed Aït Bachir (MAK) “La Kabylie a besoin de tous ses enfants”

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La Dépêche de Kabylie : D’emblée quel diagnostic politique, peut-t-on faire en Kabylie ?l A. Aït Bachir : Le diagnostic politique de la Kabylie, n’est jamais un fait statique, il relève d’une entité dynamique permanente, où l’on retrouve des partis politiques, des personnalités indépendantes, des mouvements de la société civile, le mouvement associatif, les institutions. Tous ces acteurs sont soumis à des moments précis de l’histoire, à des dialectiques d’alliances dictées par des convergences d’intérêt immédiats et stratégique. Les deux partis traditionnels, n’ont jamais synchronisé leurs horloges, dans le sens de faire la même lecture des enjeux, des besoins, des urgences de la Kabylie. Lorsque l’un boycotte, l’autre participe, et vice versa. Les positionnements sont loin d’obéir à une logique objective de la demande politique recommandée par un programme ficelé et étoffé au bénéfice de la région. Ces alternances, à chaque rendez-vous électoral, renvoient à l’injonction politique, loin de toute prise en compte de l’intérêt de la région. En ce sens, la population a été pendant longtemps dupée, le leurre politique est abusivement pratiqué. C’est de cette déception de masse, de désillusion, que la société est restée pendant un temps hermétique au discours politique, plongée dans une crise d’encadrement et se cherche une issue à l’impasse ; la colère grandissante, l’exclusion rongeait des bataillons de jeunes, le chômage, la perte des repères, le désarroi généralisé, font que la région couvait une explosion sociale. Les évènements du Printemps noir ne peuvent s’expliquer par des raisons strictement subjectives. Des conditions objectives ont fait que la saturation est atteinte. Le mouvement associatif, et les voix de certaines personnalités politiques marginalisées, avaient plus de crédit que les partis politiques indexés de faiseurs de bonheur qu’à eux-mêmes. Les passages successifs et alternés au niveau des assemblées locales renseignent sur leur intention à servir la collectivité.

Les partis politiques, la société civile, le tissu associatif, des personnalités, devraient être associés à la réflexion. C’est cette synergie sur laquelle il faudra compter et d’où la solution pourrait être possible.

La dynamique citoyenne de 2001 est une démonstration d‘une société apte à se prendre en charge et à poser ses problèmes, sans tutorat politique. A ce jour, la Kabylie est toujours dans cette ambiance politique, avec l’arrivée de nouveaux acteurs sur la scène et chacun est porteur d’une approche, d’une vision, d’un programme, qu’on prétend être plus porteur, pour un sursaut de la région vers des lendemains meilleurs. Le MAK en est l’une des nouvelles voix et l’autonomie qu’il propose forme la nouvelle voix à prendre pour que la crise s’estompe. C’est vous dire que la Kabylie recèle un personnel politique très diversifié, où la pratique démocratique rencontre des difficultés, mais la tradition s’installe. Les ressorts existent pour rebondir, la région ne peut se targuer d’une démission, car consciente que le suicide politique est un acte contre nature, et ne viendrait jamais d’une région, qui s’est historiquement professionnalisée dans les faits et la vie politique.La Kabylie signe des évolutions, des ruptures, des trêves, sa marche a toujours inspiré, car elle est pourvoyeuse de données et de matière, utiles à faire des lectures du futur. La Kabylie, stable ou normalisée, effervescente ou bouillonnante, a besoin d’un personnel politique, dont le seul cahier des charges est de lui travailler sa destiné avec ses conjonctures spécifiques, mission que se donne le MAK et d’autres autonomistes pour avoir bien compris son profond mal suite à un précis diagnostic.

Le gouvernement et les délégués des archs sont à un stade avancé dans le dialogue pour régler la crise de Kabylie. Comment le MAK apprécie et évalue cela se sachant non impliqué, au même titre que d’autres structures ?l Le dialogue dans son essence est une vertu que nous encourageons, duquel on ne peut s’en défaire. Cerner les contours, avoir le détail sur les tenants et les aboutissants, sont des aspects nécessaires, qu’il faut impérativement maîtriser pour se prononcer. Par dialogue, nous entendons un échange entre deux parties protagonistes, et que les fonctions de demandeurs et de fournisseurs seront actionnées. En fait, il s’agira de négociations à lancer, et il est à se demander pourquoi cela se fait maintenant et pas plus tôt. L’ouverture des négociations entre les délégués des archs et le gouvernement, intervient à un moment précis, dans une conjoncture assez particulière. Ces négociations ne peuvent être comprises en dehors de l’ambiance générale du pays et d’un calendrier politique des gouvernements. Le pouvoir en place est sur le point de ficeler le document de la réconciliation nationale, dont l’axe fondamental serait l’amnistie générale et à ce niveau, nous sommes en droit de nourrir un doute sur les intentions et sur la portée de l’entreprise de dialogue. S’agit-il d’une vente concomitante à travers laquelle la Kabylie servirait d’exemple de domestication et d’alignement. Le dialogue s’il venait à couronner des succès de l’ensemble des sacrifices de la région, nous ne pouvons qu’applaudir. L’appréhension que se fait le MAK sur la question réside dans la gestion démagogique et populiste de la crise de Kabylie, avec en prime, l’implication de ceux censés et prétendus, être les représentants de la région, alors que la Kabylie est plus large que cela, plus diverse qu’on le pense. Les partis politiques, la société civile, le tissu associatif, des personnalités, devraient être associés à la réflexion. C’est cette synergie sur laquelle il faudra compter et d’où la solution pourrait être possible.

Justement, la révocation des indus élus est entérinée. Le RND et le FLN appellent à la démission de leurs élus en Kabylie, et le FFS s’y oppose. Qu’en pense le MAK ?l Il y’a nécessité d’abord de faire le point sur l’état des lieux des assemblées locales et wilayales en Kabylie. Pour la wilaya de Tizi Ouzou (ce qui est valable pour toutes les autres wilayas touchées par les évènements de Kabylie), sur 67 communes, seulement 30 disposent de maires et les autres sont gérées par des administrateurs. A présent, certaines municipalités sont totalement délaissées, là n’est pas la question, mais il faut dire “indus élus” ou “élus légitimes”. Nos communes souffrent le martyre et qu’aucune volonté ne peut répondre aux besoins de développement de ces contrées. En matière d’électrification et d’alimentation en eau potable d’assainissement de routes, de logements de santé d’éducation et de culture et le budget alloué sont tellement dérisoires. Les codes communaux et wilayas sont obsolètes, sans la moindre emprise sur le réel. Ces décisions sont centralisées, ce n’est qu’à la condition d’une profonde réforme de l’Etat, dans son option décentralisatrice que l’espoir serait permis. En ce sens, que le parlement local, le gouvernement local consacreront une autonomie décisionnelle et politique pour le bien-être de la région. Sinon, nous nous demandons ce qui changera, si on destitue celles actuelles ou les maintenir.

Il ne faut pas perdre de vue que la Kabylie s’est faite une identité frondeuse depuis très longtemps, dont la cause est le déni identitaire qui a fait d’elle une région à spécificités marquantes.

Dès lors que la machine génératrice des blocages garde et rend performant toujours ces forces le FLN le RND qui appellent à la destitution, et le FFS qui s’y oppose et d’autres qui se taisent et restent dans leur rôle de prédateurs fondamentalement, la Kabylie ne tirera aucun dividende de toutes ces situations, même contradictoires soient-elles. Les différences sont dans la forme, mais non dans le fond, entre toutes ces formations politiques concernant la question des assemblées en Kabylie. Le Chef du gouvernement qui vient de faire tomber la sentence pour des élections partielles en Kabylie place le personnel politique dans un inconfort total. Ni le RCD, ni le FFS, ne peuvent se targuer d’une implication dans la bataille électorale dans l’aisance. Pour le premier, le rejet du dialogue a été son credo au point de vilipender les délégués dialoguistes et d’en créer une structure parallèle, alors que les partielles en question sont le résultat des négociations entre le chef du gouvernement et ceux-là mêmes traités de tous les noms. Le boycott des locales et des législatives par ce parti n’a pas empêché son leader de se présenter à présidentielle. Pour ce qui est du FFS, il est à se demander comment pourra-t-il affronter les populations et demander un plébiscite alors qu’hier, il fallait indexer dangereusement d’allié au pouvoir en cautionnant le vote du 10 octobre 2002. De plus, dès lors qu’il refuse la destitution des actuelles assemblées, il lui sera inconvenant politiquement de se représenter à un scrutin qu’il donne d’ores et déjà comme aboutissement- d’un coup d‘Etat -. peut être pour la première fois en Kabylie on assistera à un rapprochement de positions entre ces deux partis pour faire cause commune, du fait de la perte d’ancrages respectifs dans la région. La Kabylie a en mémoire ceux qui ont eu de la constance dans les positions. Le MAK qui a rejeté toutes les échéances colle à la profonde conviction des populations qui cherchent une destinée autre que celle imposée.

Comment le MAK envisage l’avenir politique de la région en passe de régler la crise ?l Le règlement de la crise de Kabylie,devrait contenir une approche assez consistante sur le destin évolutif des Kabyles dans une Kabylie affranchie de l’ostracisme des forces de la régression et des conservateurs. C’est dans ce sillage que l’avenir politique, de la Kabylie pourrait être pensé et envisagé. La réforme de l’Etat, qui, nous sommes convaincus qu’elle est une évidence se ferait, bon gré mal gré, dans une échéance à moyen ou à long termes. Les premiers germes du débat sur la position sont semés par le MAK qui ne cesse pas d’en faire les éclairages nécessaires par l’apport de la réflexion d’universitaires qui se planchent sur cette option autonomiste. L’autonomie est devenue une exigence des temps modernes à l’air de la globalisation et de la mondialisation, on ne peut considérer apporter des solutions, conceptualisées à la hâte, à des problèmes de fonds posés des décennies durant. Il ne faut pas perdre de vue que la Kabylie s’est faite une identité frondeuse depuis très longtemps, dont la cause est le déni identitaire qui a fait d’elle une région à spécificités marquantes. L’avenir politique de la Kabylie s’articule autour d‘une prise en main de sa destinée politique économique, culturelle, par l’établissement d’une nouvelle approche institutionnelle où elle se dotera d’un parlement local, d’un gouvernement local, d’une politique de l’éducation à la convenance de ses citoyens, que cela s’appelle système fédéral ou autonomie ou autre la chose importe peu, mais le défi à réussir réside dans la construction de la perspective historique de la Kabylie, dans le cadre d’une Algérie moderne, républicaine, et décentralisée.

On a remarqué que le MAK est absent sur le terrain politique, alors qu’il a lancé un projet politique tout nouveau et qui mérite une prise en charge et pédagogie. Cette absence, par quoi s’explique-elle ?l Il ne s’agit nullement d’un effacement de la scène politique et que rien ne pourrait justifier. Je ne sais pas si vous avez à l’esprit, c’est que l’ensemble de la classe politique est tétanisé à l’exception de certains partis. Pour ce qui est du MAK, notre activité est toujours en vigueur, soit en Algérie ou ailleurs. Ferhat Mhenni ? Notre porte-parole ne cesse d’animer des conférences et meetings et a réussi plusieurs passages et émissions à travers plusieurs télévisions et radios. Je vous Fais une révélation : les militants du MAK à leur tête Ferhat Mhenni, font face à d’énormes pressions allant jusqu’à la menace de mort par voie du net ou bien du courrier. Cela ne nous a guère empêchés de réaliser des activités publiques (conférences rencontres, marches, séminaires, université d’été et regroupements). Pour le projet que nous défendons, toute notre activité peut s’avérer insuffisante, mais une chose est sûre, on n’a pas déserté le terrain ; que nous cherchons à conquérir doucement, pacifiquement, car le chemin est long et sinueux pour nous.

Interview réalisé par Khaled Zahem

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