Une vie d’engagements

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La patrie a recouvré sa souveraineté grâce aux sacrifices d’hommes et de femmes qui se sont engagés pleinement dans un parcours qu’ils auront choisi pour défendre et revendiquer leurs idéaux.

Ces personnes, ces révolutionnaires de la première heure ont à jamais marqué l’Histoire et leur combat a permis à l’Algérie d’être libre et indépendante.Slimane Amirat, un homme au parcours exceptionnel, s’est illustré par son héroïsme tout au long de son tumultueux combat lors de la guerre de libération nationale. Et jusqu’à son dernier souffle, sa patrie aura fait vibrer son cœur meurtri par des années d’engagements fidèles pour son Algérie. Ayant rejoint en 1955 les rangs de l’ALN alors qu’il était âgé de 26 ans, le jeune et dynamique Slimane Amirat sera vite repéré par Abderrahmane Mira qui, déjà voyait en lui un homme de terrain remarquable. Il sera sollicité afin de sensibiliser l’immigration algérienne établie dans l’Hexagone. Ainsi, dès mars 1955, les hautes instances du FLN jetteront leur dévolu sur Slimane pour installer et diriger les groupes de choc d’Ile-de-France pour combattre les Messalistes du MNA et contrecarrer leurs desseins. Il s’attaquera en premier lieu au bastion du MNA dans les 18èmeet 19ème arrondissements de Paris, confortant ainsi la position du FLN. Il s’attèlera ensuite à la préparation et à l’organisation de la grève des 08 jours pour soutenir la cause algérienne devant l’ONU. Il exécutera brillamment ses missions jusqu’en 1958, avant d’être appréhendé puis incarcéré à Constantine et à El Djorf à M’sila. C’est dans ce camp, racontera son codétenu et néanmoins ami d’enfance, Kab Achour, que Slimane s’est distingué en organisant un vaste mouvement de désobéissance. Il refusera de saluer le drapeau français, acte auquel tous les détenus étaient soumis. Ses geôliers indignés et voulant mater cette contestation naissante le jetteront en pâture aux chiens affamés qui déchiquèteront ses habits. Cela ne le fera pas fléchir puisqu’il refusera toujours de saluer le drapeau tricolore de l’armée coloniale, ce qui mettra fin au rituel du salut du drapeau français dans ce camp. Ayant osé tenir tête à l’occupant, il sera battu sans merci par ses tortionnaires. Cependant, le jeune Slimane, qui n’aura rien perdu de son activisme durant sa détention à M’sila, organisera les prisonniers en collectant plus de 400 000 francs par mois en plus des médicaments qu’il fera passer à l’extérieur du camp au profit de l’ALN. Durant cette période, sa volonté et son courage avaient naturellement pris le pas sur la fatigue. Libéré de prison à la fin de l’année 1959, Slimane Amirat rejoindra la France, muni de faux papiers pour reprendre la direction du groupe armé de la région parisienne. Il organisera un combat sans relâche, en ripostant aux harkis ayant pour mission d’anéantir la Fédération de France du FLN. Deux ans plus tard, en 1961, un activiste faisant partie de son groupe sera capturé. Sous la torture, il dénoncera Slimane Amirat, qui sera immédiatement arrêté par les services de la DST. Il connaitra par la suite la torture des geôles françaises.

Avec Boudiaf, Aït Ahmed,…

Il osera même déposer plainte contre ses bourreaux. Après une instruction de plus de 05 mois, il sera transféré dans les camps de Mourmelon-Vadenay dans la Marne et celui de Larzac, commune de La Cavalerie dans l’Aveyron, jusqu’au cessez-le-feu. Il sera libéré grâce à une manifestation estudiantine d’Algériens et de Français à Paris. De retour en Algérie, Slimane sera désigné responsable des groupes armés à Bouzareah et El Biar où il affrontera l’OAS jusqu’au conflit des wilayas. Suite à la prise de pouvoir par le groupe d’Oujda et Ben Bella, il sera enrôlé dans les forces de police à Tlemcen puis à Alger. Il ne perdra jamais contact avec Krim Belkacem, Mohand Oulhadj, Mohamed Boudiaf, Aït Ahmed et d’autres qui tenteront de créer l’UDRS au cours de cette période. Condamné à mort par contumace dans le procès avec Aït Ahmed et Chaâbani, Slimane Amirat, qui s’est retrouvé au FFS, connaîtra l’exil jusqu’en juin 1965. Au lendemain du 19 juin 1965 et après le coup d’Etat militaire, le courant ne passe plus entre Slimane et le nouveau régime. Il refusera systématiquement toutes les propositions qui lui seront faites alors que Hocine Aït Ahmed croupit toujours en prison. Slimane, fidèle à ses principes, n’apprécie pas que le Conseil de la Révolution emprisonne autant de militaires et de nationalistes. Alors qu’il dirige une agence d’assurances jusqu’en 1967, Slimane Amirat s’alliera avec Krim Belkacem et d’autres militants de la cause nationale en participant à la création d’un nouveau mouvement d’opposition, le MDRA, qui verra le jour le 18 octobre 1967. La réponse violente et déterminée du pouvoir ne se fera pas attendre face à ce qui est considéré comme un complot contre-révolutionnaire. Appréhendé le 02 juillet 1968, Slimane sera détenu en secret pendant plus de neuf mois.

Au 4e sous-sol de la célèbre “santa Cruz”

Il sera une fois de plus jugé puis condamné à la peine capitale par la cour révolutionnaire d’Oran. Enfermé au quatrième sous-sol de la prison militaire d’Oran, la tristement célèbre “Santa Cruz’’ quatre ans et demi durant, ses amis et ses proches lui demanderont de formuler sa demande de grâce à Boumediene. Chose qu’il refusa toujours, tout en réclamant ses droits de prisonnier politique ou l’application pure et simple de sa peine, c’est-à-dire, son exécution ! Après plusieurs grèves de la faim qui ont failli lui coûter la vie, il sera évacué dans un état comateux à l’hôpital universitaire d’Oran. De là il sera ensuite transféré à la prison de Berrouaghia où il restera en détention pendant deux années avant d’être de nouveau transféré cette fois-ci à El Harrach, un autre pénitencier qu’il quittera au bout de six mois. Slimane Amirat sera finalement libéré le 23 juin 1975, soit une semaine après le décès de son père. Toujours étroitement surveillé même après sa sortie de prison, il mènera alors, lui-même, le combat pour la libération de ses propres amis demeurés dans les geôles. Il obtiendra leurs libérations et continuera son combat sous une forme semi-clandestine jusqu’en 1989, année au cours de laquelle sont apparus le multipartisme et le pluralisme politique. Officiellement agréé en janvier 1990, le MDRA est alors découvert par toute une jeunesse ayant soif de militantisme. Ultime étape de la vie politique et publique de Slimane Amirat, l’agrément de son parti permettra à tout le peuple algérien de saisir véritablement la dimension de celui qui fut un jour accusé et traité de contre-révolutionnaire et d’agent à la solde du sionisme international. En 1991, Amirat Slimane demandera à ce que la date du 19 juin soit décrétée fête nationale et jour férié un vœu pieux pour cette homme qui n’a jamais cherché la gloire ou une quelconque reconnaissance. Slimane Amirat a lutté corps et âme pour libérer la nation du joug colonial. Jusqu’à son dernier souffle, il a mené une résistance autant psychique que physique. D’ailleurs, Slimane AMIRAT œuvrant exclusivement dans l’intérêt exclusif de l’Algérie ne ménagera aucun effort en devenant un acteur politique important et modérateur sur la scène nationale. Tout le monde se souvient du débat télévisé où face à lui se trouvait un certain Abassi Madani, numéro 1 de l’ex-FIS, à qui il avait révélé certaines vérités sans s’embarrasser outre mesure des conséquences et du danger de ce que l’intégrisme islamiste pouvait engendrer sur sa personne.

L’expérience MDRA

Slimane Amirat avait su se faire une place de choix dans le cœur et dans l’esprit de chaque Algérien, c’était un homme qui, par ses valeurs morales et ses principes était estimé. Aujourd’hui les Algériens gardent de lui cette fameuse phrase, restée gravée à jamais au Panthéon de l’Histoire, illustrant le grand Amour qu’il avait pour son pays et qui lui donnera cette dimension du Grand homme qu’il était : «A choisir entre l’Algérie et la démocratie, je choisirais l’Algérie». Sa stature, sa droiture, son honnêteté et sa ferveur dans la défense de ses idées pour placer “l’Algérie au-dessus de tout et avant tout” manque toujours autant aux Algériens. Cet illustre patriote s’est éteint à l’âge de 63 ans, emporté par une crise cardiaque un certain 01 juillet 1992, au moment où il venait se recueillir devant le cercueil du défunt président de la République Mohamed Boudiaf, son compagnon de toujours. Aujourd’hui, vingt-quatre années après sa tragique disparition, l’évocation du nom de Slimane AMIRAT inspire toujours le respect et suscite l’admiration de tous envers un homme qui a su se dresser et se battre pour la liberté devant les horreurs de la barbarie coloniale et devant l’offense faite à l’Algérie envahie par la France.

Bachouche Idir

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