Qui sauvera le site historique de la ville?

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La dernière foire commerciale, appelée El Kheïma, y ayant été organisée avant le mois de Ramadhan,a fait découvrir au public un site fabuleux situé au cœur de l'ancienne ville.

Il s’agit de l’ancienne garnison coloniale qui s’étend sur une quinzaine d’hectares. L’occasion de connaître ce site historique tomba à point nommé même si le choix d’un tel lieu pour organiser une foire commerciale était pour le moins saugrenu, d’autant plus que la ville dispose d’aires et d’espaces plus aérés et plus spacieux. Le site de l’ancienne garnison- d’où on contrôlait, pendant plusieurs décennies, tout l’espace des Hauts Plateaux du centre du pays, soit le rectangle M’Sila, Bordj Bou Arréridj, Ksar El Bokhari, Médéa- se révéla au public dans ce qui reste de ses constructions. Il en reste les murs construits en pierres, décrépis, des semblants d’armatures de charpentes, des couloirs et de venelles où circulait la cavalerie, ainsi que l’armurerie, des chambres de munitions et des écuries. Cet ensemble de bâtiments de soldats et d’officiers, maillé par des lignes de platanes et de micocouliers, s’adosse aux remparts de la ville dont il constitue l’encoignure. Ces remparts, érigés en 1854, dès la prise de la ville de Sour El Ghozlane par l’armée française, ceinturaient toute l’ancienne cité et s’ouvraient sur cinq portes qui sont toujours là mais qui ont subi la patine du temps. Ils menacent ruine, et un d’entre eux, Bab Dzaïr, n’est maintenu que par des armatures métalliques depuis plusieurs années, en attendant son éventuelle restauration. Il y a quelques années, l’emplacement de la garnison a été entrevu par les autorités comme un futur musée de la ville. Une ville qui compte des vestiges vivants non seulement de la période coloniale, mais également de l’Antiquité. Le lieu aurait été un site idéal pour entreposer les grandes pierres tumulaires, datant de la période romaine et chargées d’inscriptions, qui sont actuellement dispersées aux quatre coins de la ville, comme s’il s’agissait de charges encombrantes. Les tuiles et le bois de la charpente se sont volatilisés au cours des années 90. Et pour clore le tout, un édifice public a été construit dans le cadre du programme des Hauts Plateaux en plein milieu de la garnison. Il s’agit du tribunal dont on a transféré le siège vers ce charmant site. Le contraste est criard. L’édifice tombe comme un « cheveu sur la soupe » au milieu d’un paysage et un décor où l’histoire se raconte par le témoignage des pierres, des briques, des arbres et des venelles. Les remparts ont fait l’objet, en 2013, d’un semblant travail de restauration. Le ravalement de la façade extérieure lui fait porter une teinte qui contraste étrangement avec l’original. La mise en relief des jointures, avec une couleur blanche, jure avec le reste de la construction sentant la patine d’un siècle et demi d’existence. Il est vrai que les entreprises spécialisées en restauration des ouvrages historiques ne courent pas les rues. Mais, rien n’excuse de telles dérives. Il se trouve aussi que cet ensemble de constructions historiques n’est pas situé dans un endroit isolé tranquille, loin de toute atteinte. Au contraire, il fait partie du cœur battant de la ville de Sour El Ghozlane. L’hôpital actuel de la ville, construit quelques années après l’installation des remparts, est une partie intégrante de cet ensemble. C’est un joyau architectural du 19e siècle qui continue à fonctionner et à servir la population. La circulation automobile y est permanente, hormis quelques ruelles frappées par le sens interdit. Il s’ensuit que le site dans son ensemble (garnison, hôpital, jardin de l’ancienne sous-préfecture, l’école Victor Hugo, actuellement Benbadis) constitue un tout homogène que les pouvoirs publics sont censés préserver, avant que la dégradation ne fasse disparaître une page précieuse de l’histoire de la ville et de la mémoire collective.

N. M. Taous

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