Assises nationales de l'Education à partir d’aujourd’hui

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Ces dernières, dans leur majorité, s'arrêtent sur les constats sans pouvoir aller davantage dans le décryptage des raisons qui ont installé une telle situation.

Les assises nationales de l’éducation, qui se déroulent sur deux jours à partir d’aujourd’hui au lycée de mathématiques de Kouba, sont attendues depuis des années par tous ceux qui tiennent en haute estime cette institution de la République qui a pour nom l’école; à  savoir, en premier lieu, les parents d’élèves qui, impuissants devant la déchéance du niveau scolaire et devant le vide sidéral sur lequel débouche la formation scolaire et universitaire, ont cherché toutes les solutions alternatives qui puissent tirer leur progéniture de cette impasse. L’on n’a presque rien laissé: cours de soutien clandestins dans des garages et autres chaumières, écoles privées pour les plus aisés, formation professionnelle dans des centres privés, et d’autres adjuvants qui, en réalité sont loin de pouvoir suppléer à l’école républicaine, supposée démocratisée et soutenue avec le deuxième budget du pays. Mais, le destin de cette institution fétiche, dont les Algériens avaient hérité de l’organisation coloniale même si elle n’était ouverte que pour une minorité connaît aujourd’hui les bas-fonds de la décrépitude sur tous les plans. Ce dur constat n’est pas fait uniquement par des experts indépendants ou des opposants politiques en mal de revanche; il est aussi fait par des personnalités officielles. Ces dernières, dans leur majorité s’arrêtent sur les constats sans pouvoir aller davantage dans le décryptage des raisons qui ont installé une telle situation.  Rien que dans sa partie visible, l’iceberg que constitue l’école algérienne montre de graves signes de dépérissement. Depuis le début des années 2000, aucun secteur de la vie  nationale n’a été aussi grevé et handicapé par les mouvements de grève. Aucun semestre n’a échappé à ce mouvement inscrit désormais dans l’agenda de l’année. Et à aucun moment, les parents d’élèves ou le ministère de l’Éducation n’ont eu affaire à une grève portant sur la rénovation des programmes, la refonte de la pédagogie, l’amélioration des rythmes scolaires, le système de notation et l’analyse docimologique des méthodes d’évaluation. La franchise commande à reconnaître qu’un certain « corporatisme » a prévalu sur la fonction essentielle dont est porteuse l’école. Comment alors expliquer qu’aucune organisation syndicale n’est sortie avec des propositions ou un mémorandum portant sur les réformes de l’éducation pour faire de l’école algérienne une instance de formation de la citoyenneté de cadres pour l’économie et l’administration du pays ? Comment se fait-il que l’on se taise tout ce temps-là sur les cours dits particuliers assurés aux candidats aux examens d’une manière clandestine? Les conditions d’hygiène et de sécurité n’y sont pas réunies; les cours, en tant qu’activité lucrative, ne sont pas déclarés aux impôts. La surenchère sur les honoraires relève de la bourse commandée par le système d’offre et de demande. Le comble, c’est qu’un grand nombre des enseignants exerçant ce genre d’activité lucrative complémentaire, font une espèce de chantage aux élèves, les poussant à venir dans leurs garages, et ce, en faisant de la « rétention » dans les cours normaux dispensés à l’école. Il s’agit d’une pratique immorale de « rabatteurs ». Heureusement, ce ne sont pas tous les enseignants qui ont versé dans ces pratiques. Il y en a qui ont passé plus de trente ans de service à ne vivre que de leur salaire et à donner tout pour leurs élèves afin de pérenniser cette tradition de dévouement pour un métier dont ils ont fait un sacerdoce. Les problèmes de l’école se sont accumulés depuis les refontes qui nous ont fait passer de l’ancienne école héritée de la colonisation à l’école fondamentale consacrée par le décret d’avril 1976, et de cette dernière à l’école actuelle qui ne cherche même pas à décrocher une dénomination.  En cours de route, des décisions anarchiques et sans lendemain ont été prises sans grand effort de réflexion. On est passé de l’école primaire de six ans à l’école de cinq ans. D’un collège à trois ans à un collège à quatre ans. On est passé des signes mathématiques, physiques et chimiques en arabe, à des signes en lettres latines. Après plusieurs semaines de grève au lycée, on déclare, depuis 2007, que l’examen du baccalauréat peut être amputé de certains de ses programmes ou leçons pour épouser le calendrier créé par la grève. On s’est même ingénié à lui trouver un nom fétiche, qui court les rues et se scande lors de la marches des lycéens; il s’agit de la âataba, un terme arabe voulant dire seuil. Après avoir été dangereusement amputé d’une partie de son contenu-au mépris  de la pédagogie et de l’exigence de niveau que réclame la suite du cursus d’études, le baccalauréat subit, pendant les jours de son déroulement, moult incidents dont le plus retentissant est la fraude par copiage. On a développé toute une industrie technologique pour rendre présents en classe les cours et les formules mathématiques. L’administration s’est montrée tout simplement impuissante à endiguer le phénomène. Les élèves se rebiffent, menacent les enseignants et surtout les enseignantes. Ils exploitent le recul de l’autorité de l’État dans tous les domaines et la dissolution des valeurs de la société.  Malheureusement, il ne s’est pas trouvé une autorité une instance, qui traiterait la situation d’une manière frontale, tout en expliquant que cette descente aux enfers des valeurs de l’éducation ne travaille pas pour l’avenir des élèves. A-t-on vraiment besoin de chercher loin les preuves? Non. Il s’agit de voir l’armée de réserves que constituent les primo-demandeurs d’emploi, dont plus de 250 000 par ans sont des étudiants sortis de l’université. Hormis le précaire pré-emploi et l’incertain dispositif de l’Ansej, les chances de recrutement par des entreprises économiques sont faibles du fait d’une formation au rabais. La Fonction publique, qui n’est pas regardante sur les valeurs du diplôme est saturée et risque, si demain le budget de l’État est  affecté par un éventuel recul du prix du pétrole, de dégraisser ses effectifs. En Algérie, la problématique du chômage est étroitement liée au déficit de qualification; et ce dernier est la conséquence logique d’une formation au rabais.  Les assises de ce dimanche pourront-elles cerner l’ensemble des problèmes accumulés par le secteur de l’Éducation depuis plusieurs décennies ? Les décisions et recommandation qui en découleront auront-elles force de loi dès la prochaine rentrée ? Une chose est sûre: l’école algérienne ne peut plus se permettre de perdre davantage de temps au risque de se disqualifier définitivement. La question, désormais, est : être ou ne pas être. La nouvelle ministre de l’Éducation, Mme Nouria Benghebrit, a-t-elle les coudées franches pour procéder aux vraies réformes, celles attendues par les élèves, les parents d’élèves, l’élite éclairée du pays et l’ensemble de la société ?

Amar Naït Messaoud

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