Par Amar Naït Messaoud
La conférence nationale sur l’évaluation d’étape de la réforme de l’école, qui se tient depuis hier au lycée de mathématiques de Kouba, intervient à un moment où « la réforme de l’école a besoin d’évaluation et de régulation de son système et de ses sous- systèmes », dit Mme Nouria Benghebrit Remaoun, ministre de l’Éducation nationale. Elle estime que, après dix années d’application de la réforme à l’école, « il a été jugé nécessaire et urgent d’évaluer l’impact des nouveautés apportées au système éducatif ».
L’écran de fumée que, longtemps, ont constitué les chiffres des réalisations en infrastructures éducatives et les taux de réussite aux différents examens, a-t-il beaucoup de chances de se dissiper et de laisser place à la froide réalité d’une école vivant un « malaise », selon la ministre en charge du secteur, et duquel il faudra l’extirper au plus tôt? L’ébauche est sans doute en train d’être élaborée sous nos yeux, à la faveur de la conférence nationale sur l’éducation qui a ouvert ses travaux hier au lycée de mathématiques de Kouba. Certes, il ne faut pas crier tout de suite victoire. Le passif est lourd et les résistances rentières sont toujours à l’œuvre. Mais, ne désespérons pas des efforts d’hommes et de femmes éclairés qui tiennent à relever un défi, l’un des plus grands qui soient, car agissant sur des générations. On parle de générations sacrifiées, comme, dans le monde de l’environnement, on parle d’un peuplement d’arbres rasés par le feu. Il faut des dizaines d’années pour espérer reprendre la situation en main. Les consultations organisées par le ministère de l’Éducation au cours du printemps 2013, avec un grand nombre d’acteurs (parents d’élèves, syndicats, hauts cadre de l’administration) avaient abouti à des centaines de propositions qu’il y a lieu de discuter, d’analyser et, éventuellement, de valider au cours de cette conférence nationale. Les observations les plus saillantes étaient centrées sur les programmes du cycle obligatoire, la formation des formateurs, les conditions de scolarisation et l’égalité des chances de réussite et la modernisation de la gestion pédagogique et administrative. Le constat qui s’en est dégagé était que « le système éducatif vit actuellement des mutations et mérite une analyse pointue et globale de la part des spécialistes », souligne la ministre. Cependant, bien avant cette conférence nationale qui rassemble les différents acteurs et partenaires du monde de l’éducation en Algérie, et qui a distribué les tâches sur huit ateliers thématiques visant à « rassembler les compétences du secteur de l’éducation et des secteurs partenaires et de croiser des réflexions multidisciplinaires », des points focaux ont pu émerger moins de quatre mois après la prise de fonction de la nouvelle ministre du secteur, Mme Nouria Benghebrit Remaoun.
En effet, des sujets comme ceux liés au seuil des programmes et leçons à soumettre à l’examen du baccalauréat (âataba, qu’il y a lieu de bannir), le réaménagement des années du cycle primaire (pour revenir à l’ancien examen de sixième), l’éventualité de prendre en considération la note de scolarité pour certains candidats au bac qui n’ont pas obtenu une bonne moyenne (système de rachat) et d’autres points encore, paraissent faire l’unanimité même si de compréhensibles résistances ne manqueront pas de se signaler, car, entre-temps, l’habitude a eu le temps de devenir une seconde nature. Au-delà des aspects techniques liés aux rythmes scolaires, au système de notation et d’évaluation, l’école algérienne, déclarée sinistrée par feu Mohamed Boudiaf, est en attente d’une révolution dans ses programmes, dans ses méthodes d’enseignement, dans sa discipline et dans ses objectifs en relation directe avec l’économie et la société. Au cours de la journée d’hier de la conférence nationale, Mme la ministre a mis en avant « l’importance du respect de l’éthique dans l’exercice de la profession d’enseignant pour parvenir à faire face aux défis et enjeux du processus de la réforme du système éducatif national ». En effet, s’il y a bien un vide, voire un fossé dans l’environnement dans lequel a évolué l’école algérienne au cours de ces dernières années, c’est bien dans l’aspect éthique. Cette effarante absence a permis tous les errements où rien n’a manqué pour faire de l’école tout sauf un lieu de savoir et de formation.
Grèves, violence à l’intérieur même de l’enceinte scolaire, consommation de drogue, abandon de cours, absence injustifiée d’enseignants, relâchement de la discipline générale, et d’autres maux encore qui ont fini par prendre en otage cette noble institution de la République. Mme Benghebrit estime, dans sa déclaration d’ouverture, que, outre « l’assainissement du secteur de l’éducation nationale en se focalisant sur les programmes scolaires, la formation et la pédagogie », l’éthique « doit être respectée dans l’activité quotidienne de l’enseignant ». À cet effet, la ministre fera état d’un projet de charte d’éthique et de déontologie « qui représentera le guide de travail quotidien pour toute la corporation de l’éducation nationale ». D’après Mme Benghbrit, les recommandations et décisions qui sanctionneront les travaux de la conférence sont applicables pour l’année scolaire 2015-2016.
A.N.M.