Quelles garanties pour réaliser une croissance de 7%?

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Au cours du Conseil des ministres tenu le 21 mai 2014, le président de la République avait chargé le gouvernement d’élaborer un plan d’investissements publics pour le nouveau quinquennat 2015-2019, sachant que les premiers éléments de ce Plan ont été esquissés déjà depuis septembre 2013 au niveau des différents démembrements de l’État chargés de l’exécution du précédent plan 2010-2014. Le communiqué du Conseil des ministres avait bien souligné la nécessité d’une préparation « minutieuse » du nouveau plan; cela est indubitablement dû aux aléas et impondérables qui ont grevé les actions du plan 2010-2014 doté d’une enveloppe de 286 milliards de dollars. Ce dernier continue à souffrir de l’impréparation du terrain sur tous les plans: études préliminaires, études d’exécution, procédures de contractualisation, faiblesse de l’outil de réalisation. Les réunions d’exécutif qui se tiennent régulièrement dans les wilayas traitent presque exclusivement de l’avancement de ce programme et des contraintes qui lui sont liées. Le Premier ministre avait instruit les walis en 2013 de constituer des cellules de suivi des projets relevant de ce plan. Au niveau central, c’est le ministère des Finances qui est censé récapituler les données et en faire la synthèse pour le gouvernement. Avec les retards pris sur certains projets, dont une partie n’est pas encore lancée à ce jour, il est probable qu’il y aura un chevauchement entre les deux plans dès le début de l’année 2015, c’est-à-dire dans quatre mois.  Le Premier ministre vient de rappeler l’impérative nécessité d’assainir les programmes au niveau de tous les secteurs pour que le prochain plan puisse bénéficier d’une certaine visibilité. Le gouvernement, juste avant le départ des ministres en congé d’été a fixé une feuille de route pour le nouveau plan quinquennal et a déterminé le montant de sa réalisation. Pas moins de 280 milliards de dollars seront consacrés aux investissements publics à partir de janvier 2015.  Un montant de 2500 milliards de dinars est également arrêté pour les réévaluations des projets inscrits dans le cadre de précédent plan; ceci montre le volume du reste à réaliser des anciens projets. Les demandes de réévaluation sont faites par les maîtres d’ouvrage au niveau des wilayas, pour les plans sectoriels de développement (PSD), et des communes, pour les plans communaux de développement (PCD); sans omettre les projets relevant de établissements publics administratifs, des centres de recherche,…etc. Le procédé de réévaluation est la parfaite démonstration de la non-maîtrise des projets. Ces derniers, dès le début de leur mise en œuvre, se révèlent en état de besoin de travaux complémentaires ou supplémentaires, lesquels, quantitativement ou qualitativement, ne sont pas prévus dans les contrats initiaux. Les autorisations de programmes, notifiées dans les décisions d’inscription des opérations en question, étant financièrement limitées selon la première fiche technique, les projets concernés sont souvent à l’arrêt en attendant l’aboutissement de la procédure de réévaluation. Le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, dans une note transmise aux walis en 2013, attire l’attention sur les conséquences des retards dans la conduite des projets. « Les retards dans la concrétisation des projets inscrits entraînent des surcoûts importants, qui se répercutent négativement sur les prévisions budgétaires de l’État (…) Les retards dans la conduite des projets, portés à la connaissance des citoyens et ayant obtenu leur adhésion, peuvent porter préjudice à la crédibilité de l’État », écrit dans sa note le secrétaire général du ministère.

Incessantes réévaluations

 

L’ancien ministre des Finances, Karim Djoudi, a été interpellé plus d’une fois par les députés de l’APN sur les incessantes réévaluations dont font l’objet les projets de développement. C’est, soutient-on, une violation flagrante du principe même de la planification. Le gouvernement lui-même a tenté de s’en tenir à ce principe. Il a même donné des instructions où il refuse de prendre en charge toute forme de réévaluation. De même, l’exécutif a tenu à ce que les propositions des programmes annuels de développement soient tirées exclusivement de la maquette du plan quinquennal, lequel forme un portefeuille de projets qui ne doit subir de changement. Le ministre des Finances a justifié les réévaluations, en disant tout haut ce que l’administration subalterne sollicite avec beaucoup d’appréhension, car, il s’agit là des grandes faiblesses qui tiennent en otage aussi bien l’administration d’une façon générale, que les bureaux d’études et les entreprises de réalisation. Le ministre expliquera que cette procédure de réévaluation est d’abord dictée par la non-maturation des études. Effectivement, c’est là un facteur de poids. Lorsqu’une étude d’exécution est mal conduite, pour une autoroute, une trémie ou un barrage hydraulique, elle présente des insuffisances sur le plan de la programmation des actions et la quantification des matériaux. Dès que, au cours de la mise en œuvre, l’entreprise de réalisation et le maître de l’ouvrage s’en rendent compte, ils décident des travaux complémentaires ou supplémentaires à entreprendre. Si la facture n’est pas trop « salée » et qu’elle peut être prise en charge par la première enveloppe (autorisation de programme, AP), il suffit d’un avenant de contrat à présenter au comité de marchés pour valider les augmentations de volume des travaux ou d’autres changements induits. Si la facture dépasse les limites de l’AP, il n’y a pas d’autre solution que la demande de réévaluation. Tellement ces demandes se sont multipliées à l’échelle nationale, le gouvernement a fini par céder en débloquant des rallonges budgétaires. Mais, cela ne règle pas le problème de façon définitive. Les études sont une phase cruciale que l’Algérie n’arrive pas encore à maîtriser, d’autant plus que le potentiel national en la matière, au même titre que les entreprises de réalisation, a été laminé pendant les années 1990. Le partenariat avec l’étranger en matière d’études n’est pas toujours idéal. Il a été même critiqué par le président de la République dans une directive datée de décembre 2009.  Le problème du foncier aussi a pu générer des réévaluations financières suite à des changements d’assiette ou d’acquisition de terrain à titre onéreux, procédure non prévue initialement.  Avec un montant de 280 milliards de dollars, le nouveau plan quinquennal ambitionne de générer un taux de croissance de 7% du PIB à la fin du quinquennat. Mais, quelles sont les garanties que les insuffisances et les erreurs des précédents plans ne se reproduiront pas?

Amar Naït Messaoud

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