Aâmar Nefç et ses frères

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(1re partie)

Amachou rebbi ats iselhou ats ighzif anechth ousarou. (Que je vous conte une histoire. Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).- D’aâmoud’ ith ith h’aqredh ak yaâmoun ! (C’est la branche méprisée, qui risque de t’éborgner !). C’est ce que dit un proverbe kabyle. Dans le conte qui va suivre, celui qui joue le rôle de la branche est un petit garçon méprisé par ses propres frères, mais qui va s’avérer un être exceptionnel doué de raison et d’intelligence. Voici son histoire.A la montagne, vivait jadis une famille de paysans. Dieu les a comblés en leur donnant six garçons tous forts et vigoureux. le tableau est idyllique. La femme tombe enceinte pour la septième fois. Le père et les six frères sont heureux, ils attendent l’heureux événement avec impatience. Le jour de la naissance, la femme met au monde, un petit être de sexe masculin de quelques grammes seulement.On dirai un petit oisillon sans plumes. La famille est atterrée. ce septième garçon n’augure rien de bon. il va être la risée de la famille. Vu son état, ils l’appellent Aâmar Nefç, ce qui veut dire Aâmar le demi-portion, ou Aâmar la moitié.Aâmar Nefç possède tous les attributs d’un petit garçon sauf la taille. Il avance en âge, mais sa taille ne suit pas son âge. A quinze, on le prendrait pour un garçon de huit ans. Sa perte en taille est compensée, cependant, par une espièglerie et une intelligence hors du commun.Un jour, après une très bonne récolte de blé et d’orge, le père décide de faire des cadeaux à ses sept fils. Il se rend au marché et achète sept mules. Sachant d’avance qu’on allait lui attribuer, la mule la plus indocile, la moins belle et la moins grasse. Il attend que tout le monde sombre dans le sommeil pour sortir furtivement et se rendre « ar ou daynine » (écurie familiale).Muni d’un « assenane » (épine) il le plonge entièrement dans le genou de la plus belle des mules et retourne se coucher.Le lendemain matin, lors du partage ses frères choisissent celles qui sont valides et méprisent celle qui boîte. – Celle-ci, dirent-ils, est handicapée, c’est elle qui doit revenir à notre handicapé de frère !Aâmar Nefç ne s’offusque pas. Il est certes handicapé par sa petite taille, mais il est de loin le plus intelligent. Une fois le partage terminé, il retire l’épine du genou de la mule, deux jours plus tard, elle ne boîte plus. Après s’être familiarisés avec leurs bêtes les sept frères décident d’aller à la chasse. Munis de leurs arcs et de leurs carquois pleins de flèches, ils décident de se rendre de très bonne heure dans une forêt giboyeuse. Ils s’enfoncent dans la forêt, où ils sont sûrs de trouver du gibier à profusion. Soudain leurs bêtes se cabrent et les désarçonnent. Elles viennent de sentir un danger. Elles s’agitent. Ils les retiennent difficilement. Elles tremblent. Soudain, apparaît au-dessus d’eux, une ombre gigantesque provenant de Teriel (l’ogresse). Ils se sont aventurés dans son domaine. Elle n’aime pas les intrus et les dévore chaque fois.Sa haute stature lui permet de voir tout. Elle rassemble les sept frères et leurs bêtes et, les amène dans son antre, une immense grotte où l’attendent ses petits ogres et ogresses, impatients de dévorer de la chair fraîche.Afin que les sept frères ne soient pas stressés et que leur chair ne devienne fade, elle leur donne à manger du couscous préparé par ses filles. Ils mangent tous, à l’exception de Aâmar Nefç qui avait senti le piège. En effet, pour que ses victimes ne résistent pas, elle les endort en mélangeant au couscous, une plante médicinale au pouvoir soporifique. Ce soir-là, Teriel (l’ogresse) dîne avec ses petits en dévorant deux mules. Les autres mules et les sept frères, ils les dévoreront au fur et à mesure que la faim se fera sentir. Pour donner le change à Teriel (l’ogresse) Aâmar Nefç fait semblant d’être comme ses frères sous l’effet du narcotique. Il passe une nuit blanche et réfléchit au moyen de quitter ce lieu maudit. Sa petite taille peut le favoriser à fuir, mais il ne veut pas fuir tout seul. Il veut sauver ses frères voués à une mort certaine.Au petit matin, Teriel (l’ogresse) quitte son antre pour rendre visite à Teriel sa voisine et lui parler de la chasse miraculeuse qu’elle a opérée. Elle a de la nourriture pour plusieurs jours. Son garde -manger est plein à craquer. Elle peut se permettre quelques jours de répit. Dès qu’il la voit partir, Aâmar Nefç pousse un soupir de soulagement. Il se lève et à l’aide de sa dague qui ne le quitte jamais, il égorge tous les petits ogres et ogresses en plein sommeil. Muni d’une écuelle en bois, il asperge d’eau froide ses six frères, qui se réveillent en sursaut. Il les invitent à quitter les lieux sans trop tarder. Ils prennent les cinq mules restantes et disparaissent aussitôt.

Benrejdal Lounès (A suivre)

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