C’est un général de l’armée de l’occupation française, venu coloniser un pays habité par « les barbares », qui découvre une toute autre réalité.
L’auteur de ce livre édité au 19e siècle et réédité en 2010 par les éditions Lumières Libres, est resté émerveillé devant l’organisation sociale démocratique des Kabyles. En sillonnant monts et vaux de cette terre Kabyle, le général Daumas (Conseiller d’Etat et Directeur des affaires de l’Algérie) découvre une société «codée» et régit par des règlements et des traditions hautement morales et humanitaires. Malgré quelques passages subjectifs qui dénotent de l’esprit du colonisateur, l’auteur a quand même livré des témoignages concordants. Dans son livre, Daumas tente de décortiquer l’organisation politique de la société Kabyle, qui « se compose de tribus indépendantes les unes des autres, du moins en droit, se gouvernant elles-mêmes comme des cantons, comme des Etats distincts, et dont la fédération n’a même pas de caractère permanent ni de gouvernement central. Autant de tribus, autant d’unités, mais ces unités se groupent diversement, selon les intérêts politiques du jour. Il en résulte des ligues offensives et défensives qui portent le nom de « Sof » (rang, ligne). Les tribus ainsi alliées disent : « Nous ne faisons qu’un rang, qu’une seule et même ligne ». « Des intérêts communs, des alliances anciennes ou nouvelles, des relations de voisinage, de transit et de commerce, telles sont les causes qui déterminent la formation d’un Sof », écrit-il dans son livre descriptif. Et de poursuivre dans la foulée : « Le Sof oblige les tribus contractantes à partager la bonne et la mauvaise fortune. Il se proclame dans une assemblée générale de leurs chefs (…)». Dans ce dernier passage, l’écrivain venait de définir la démocratie «Kabyle» sans le souligner. Daumas, notera plus loin ce caractère particulier de la société Kabyle, qui fonctionne à travers le droit coutumier, «dont les prescriptions ne dérivent ni du coran ni des commentaires sacrés, mais d’usages antérieurs qui se sont maintenus à travers les siècles, à travers même les changements de religion.». Dans son livre, l’auteur, qui fut aussi un général colonisateur, souligne de la férocité des combats qui opposent son armée aux Kabyles. Ce livre ne fut qu’un aveu «amer» de ce général de la particularité de la société Kabyle, qui évoluait comme dans une ruche. Car, à ses yeux, « le Kabyle travaille énormément et en toute saison ; la paresse est une honte à ses yeux», avoue-t-il. Un livre à redécouvrir absolument !
Syphax Y.