D’Aït R’zine à Aït Smaïl, en passant par Ibarbachen, Timezrit et Ighzer mokrane, les établissements scolaires des cycles moyen et secondaire de la wilaya de Bgayet sont traversés par une lame de fond sans précédent.
Ce mouvement de colère et de protestation, qui dure depuis près de deux semaines maintenant, ne semble pas près de s’essouffler. Fait inédit : ce sont, bien souvent, des élèves faisant partie du contingent des exclus, qui ruent dans les brancards, en réclamant à cor et à cri leur réintégration. « Nous voulons soustraire nos enfants au danger de la rue, en leur donnant une autre chance de passer le bac, sachant que ce sont généralement les élèves redoublants qui réussissent le plus à cet examen », déclare le président de l’APE du lycée d’Aït R’zine, qui a pris fait et cause pour les potaches. La direction de l’éducation a donné acte à cette revendication, en ordonnant au proviseur de reprendre les élèves exclus « injustement ou par erreur ». Comme il fallait sans doute s’y attendre, cette mesure a fait sortir de ses gonds le staff pédagogique de l’établissement. « Nous avons décidé de boycotter les cours pour dénoncer énergiquement cette pratique qui bafoue la souveraineté des conseils de classe et porte atteinte à la dignité de l’enseignant », lâche à brûle-pourpoint, un professeur du dit-lycée. « Cette mesure arbitraire et contraire au bon sens, va créer un grave précédent, en ce sens qu’elle remettra désormais en cause le principe même de l’exclusion d’un élève, fût-il atteint par la limite d’âge et disqualifié par ses résultats pédagogiques », déclare un autre éducateur de la région, se disant avoir le blason honteux. Un enseignant officiant dans un collège d’Akbou avance que tailler du croupion aux conseils de classe est très dommageable, car cela participe, selon lui, d’installer durablement l’école dans un climat d’instabilité et d’anarchie. « Au lieu de privilégier le dialogue et la concertation entre les différents partenaires de l’école, on préfère laisser le champs libre aux élèves pour imposer leur diktat », déplore un directeur d’école de Sidi Aich. « Je suis certain qu’en invoquant le souci d’apaisement, la tutelle va recourir au même procédé pour traiter les conflits qui font rage dans les autres établissements, en rétablissant les élèves exclus dans leurs droits, réels ou supposés », suppute-t-il. Si la contestation, dans sa forme actuelle, venait à faire tache d’huile, on ne serait pas loin de la quadrature du cercle, alerte-t-on. La perturbation de l’année scolaire affectera fatalement le déroulement des programmes pédagogiques. Plus que jamais inquiets pour l’avenir de leur progéniture, bien des parents d’élèves se retrouvent devant un scabreux dilemme : continuer à faire confiance à l’école publique et en assumer les perspectives incertaines ou inscrire à prix d’or leurs enfants à l’école privée.
N.Maouche