L’ancien ministre français de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, aujourd’hui sénateur et président de l’association France – Algérie, en visite avant-hier en Kabylie, n’a pas manqué de réaffirmer son attachement à l’Algérie. Même s’il ne le dit pas ouvertement, il se montre bien conscient que sa visite intervient dans un contexte particulier. Il en parle avec une grande subtilité. Entretien.
M. le sénateur, on vous connaît et reconnaît des liens amicaux bien ancrés avec l’Algérie. C’est un sentiment enraciné une démarche dépassionnée qui remonte aux années soixante, voire peut-être au-delà…
Jean – Pierre Chevènement : Pour être juste, c’était vers 1961, 1962, ou 1963, c’est là que j’ai appris à connaître le peuple algérien, à l’aimer et à comprendre le lien particulièrement complexe qui l’unissait au peuple français. Et en même temps, je vois ça dans l’histoire longue et je pense que les choix que j’ai faits à ce moment-là étaient des choix justes : Il fallait que l’Algérie vive indépendante, de préférence avec la France que contre elle. Donc voilà c’est ce symbole d’amitié de coopération et d’actions communes dans le long terme que j’ai voulu illustrer sans l’avoir vraiment voulu parce que je suis revenu à différentes époques : En 1977 et j’ai été reçu par le Président Boumediene ; Dans les années 1980, 1990, des années difficiles durant lesquelles je pense avoir été l’un des rares hommes politiques français à venir en Algérie. Ensuite quand j’ai été ministre de l’Intérieur et puis comme à chaque fois il se passe toujours quelque chose, un beau jour on m’a proposé d’être président de l’association France –Algérie, après beaucoup d’autres de grand mérite, et je dirai que je ne veux pas me comparer à son premier président qui est Edmond Michel qui a été choisi par Charles De Gaule… Enfin, voilà c’est donc la continuité et il y en aura d’autres après moi. Mais ce qui est important c’est que l’amitié entre le peuple algérien et le peuple français se poursuive sous des formes sans cesse renouvelées mais avec des générations qui viennent, qu’elles sachent surtout que ce lien qui lie les deux pays est exceptionnel par delà la méditerranée et nous permettra de faire ensemble beaucoup de grandes choses dans l’avenir.
Avec le temps qui passe, vous qui œuvrez pour la liberté pour la paix et le renforcement des liens entre les peuples, entre la France et les autres peuples, est-ce que, aujourd’hui en 2014, il est plus dur de parler de liberté ?
C’est plus difficile parce que le monde est devenu plus compliqué. Il était assez simple. Il n’y a pas longtemps, il y avait les forces de libération et il y avait une oppression manifeste. Aujourd’hui c’est plus compliqué mais il y a toujours de grands principes qui doivent nous guider et tous ceux qui ont une responsabilité doivent l’exercer avec conscience et discernement et, je dirai, en faisant toujours un usage modéré de la force quand ils l’ont. Parce que, comme je le disais ce matin à votre ministre des Affaires étrangères, M. Lamamra, il est plus facile d’ouvrir la boîte de Pandore que de la refermer. Enfin, lui, il sait très bien ce que je pensais et je suppose que nous sommes d’accords.
Peut-être quelques mots sur cette région de Kabylie que vous visitez à l’occasion pour la deuxième fois ?
Ah, c’est une région magnifique, ces paysages sont superbes et je dirai que ses hommes et ses femmes sont vraiment remarquables. Comme on vient de le voir ce soir (ndlr : l’entretien a eu lieu au sortir d’un spectacle artistique varié prévu en son honneur au théâtre régional Kateb Yacine par la direction de la culture de wilaya), c’était vraiment magnifique et je crois qu’il y a peu de pays qui peuvent produire des ensembles d’une telle qualité.
Vous avez été visiter les hauteurs de la ville de Tizi-Ouzou, notamment le mausolée de Sidi Belloua, c’est un lieu qui vous inspirait ?
C’est un très beau paysage pour vivre et peut-être même pour mourir. C’est très très beau. Donc si on peut voir par delà la mort vaut mieux voir les montagnes de Kabylie, le Djurdjura… C’est vraiment un site superbe. Sidi Belloua était très inspiré…
Ca a été votre choix, d’aller sur ce site plutôt qu’un autre ?
Disons que j’ai été aidé par une main providentielle, mais la main providentielle a bien fait les choses. C’est ma deuxième visite en Kabylie et si je m’en tiens à la fréquence de mes deux passages qui est à peu près de deux ans, alors je dirai à bientôt, peut-être en 2016.
Propos recueillis par Djaffar Chilab.
