Léthargie, hibernation et immobilisme sont les mots qui semblent les plus adéquats pour qualifier le secteur de la culture dans la wilaya de Bouira.
Il est comme victime d’une terrible malédiction, celle de la « pénurie » de gestionnaires, à même de le redynamiser. En effet, les différents directeurs de la culture qui se sont succédé ont pour la plupart échoué à redresser la barre. Actuellement, le poste est vacant. C’est M. Hachemi Bouhired qui assume l’intérim depuis près de 06 mois, après que son prédécesseur s’est fait « remercier », au terme d’une enquête autour de présumés défauts de facturation. M. Bouhired, n’ayant pas toutes les cartes en main, se contente d’expédier les affaires courantes. Néanmoins, il jouit de certaines prérogatives qui lui permettent de « débroussailler » le terrain. Mais curieusement, il ne s’en sert pas. Depuis sa prise de fonctions en tant qu’intérimaire, tout est resté en état. Si avec l’ex-directeur les citoyens avaient droit à la culture du folklore, avec M. Bouhired, c’est le néant… ou presque. Aucune activité d’envergure n’est au programme, pas la moindre exposition ou spectacle digne de ce nom. Six mois après sa prise de fonctions par intérim, ce responsable n’a pas prouvé grand-chose. Pire, il n’a pas honoré ses engagements, publiés dans ce même quotidien au mois de mai dernier.
La culture de proximité pas si proche que ça…
Parmi les engagements pris, on citera l’incorporation du mouvement associatif local, dans la vie culturel. « Pour moi, la première chose à faire c’est d’abord rétablir la confiance entre la direction de la culture et les différents acteurs du secteur, tels les associations et les artistes », avait-il déclaré. Six mois plus tard, certaines associations culturelles, notamment celles activant dans l’Ouest de la wilaya, se disent marginalisées. « Personne n’a fait appel à nous. Nous sommes contraints de travailler avec les services de l’APC. Heureusement que les directions de la culture de Tizi-Ouzou et de Boumerdès sont là et nous sollicitent de temps à autres », dira un membre de l’association « El Ilham » de Kadiria. Par ailleurs, M. Bouhired avait assuré que la culture ne serait plus « centralisée » au niveau du chef-lieu de la willaya, mais atteindra les 45 communes : « Nous allons proposer des spectacles diverses comprenant entre autres chant, théâtre…etc. Ces activités seront permanentes et tournantes et cibleront toutes les contrées de la wilaya (…) nous envisageons de lancer des semaines culturelles locales à travers les 45 communes de la wilaya », avait-il encore assuré. Sur le papier, cette initiative paraissait extrêmement louable. Mais qu’en est-il sur le terrain ? Et bien, c’est loin d’être gagné ! Des villageois nous assureront qu’aucune activité et aucun spectacle ne leur ont été proposés. A vrai dire, rien de surprenant, puisqu’au niveau du chef-lieu même de la wilaya, c’est le désert !
Culture recherche associations désespérément
Cependant, l’actuel intérimaire de la culture à Bouira n’est pas seul à blâmer. Car à sa décharge, pour promouvoir les associations culturelles locales, il faudrait que ces dernières existent. Mis à part quelques associations culturelles « circonstancielles », qui pointent le bout de leur nez à chaque commémoration ou cérémonie officielle, le reste du temps, c’est le vide total. Pour promouvoir quelque chose, il faudrait que ‘’la pâte » soit là. Or, à Bouira, contrairement aux wilayas voisines de Béjaïa et Tizi-Ouzou, dans lesquelles la culture « appartient » toujours à la société et par ricochet au mouvement associatif, à Bouira, elle s’est institutionnalisée. De ce fait, les responsables de ce secteur, aussi brillants soient-ils, ne peuvent faire des miracles. Ils font avec les moyens de bord. En outre, leurs moyens sont très limités. Le mouvement culturel à Bouira est moribond. Il est l’apanage des « vautours » de la culture, qui ne sont là que pour avoir leur part du gâteau. Cet état de fait, n’est pas de la responsabilité d’ X ou Y, mais elle est collective. Et en l’absence d’un mouvement associatif fort et influent, il ne faut pas s’attendre à des miracles.
Spectacles et évènementiels, circulez, il n’y a rien à voir
Concernant l’organisation des grands évènements culturels à Bouira, l’actuel directeur par intérim avait également promis du « changement », tout en admettant les carences enregistrées. « …Je peux vous assurer que nous ferons tout pour mettre un terme à certaines approximations sur le plan de l’organisation de certains rendez-vous culturels. Nous allons corriger certaines erreurs et nous examinerons de près ce qui n’a pas marché et essayer d’améliorer les choses ». Mais dans les faits, hormis les soirées ramadhanesques, point de manifestations notables. Contrairement aux wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaïa, Boumerdès et Alger, pour ne citer que celles-là où l’agenda cultuel est riche et varié à Bouira, c’est la monotonie et « la pauvreté » des programmes qui sont de mise. Et quand un artiste de renom, tel que le grand Hamdi Bennani fait une représentation à Bouira, il se fait carrément « snobé » par le directeur de la culture. Ce même responsable, avait également certifié que les artistes locaux allaient être mieux considérés : « Nous comptons associer les artistes locaux et donner à chacun sa chance. Cela se fera selon le mérite. Les artistes sont chez eux et leur place est dans les structures culturelles et il est de notre devoir de leur dire toutes les vérités ». Sur ce plan, M. Bouhired a fait plus qu’il n’en faut ! Comment ? Et bien lors des soirées ramadhanesques de juillet dernier, il nous a été donné de constater qu’il suffisait de se promener dans les allées de la maison de la culture guitare en main et de se donner l’étiquette d’artiste, et aussitôt, on vous donne accès à une scène pour « chanter » en public. Parmi ces pseudos artistes, à l’allure douteuse et aux balafres sur le visage, certains avaient promis de « tailler un costard » à la presse locale, comprendre vilipender celle-ci, à la première occasion. Ils l’accusent en effet de ne pas faire leur promotion. C’est dire que M. Bouhired sait bien s’entourer…
Ces projets qui s’éternisent
Autre point et non des moindres, celui des projets du secteur. Lors de son installation, M. Bouhired avait promis de donner un nouveau souffle aux différents projets en attente de réalisation, tels que ceux de l’annexe de la bibliothèque nationale, du théâtre de verdure et du théâtre régional de Bouira. « Le projet de l’annexe de la BN est réalisé à hauteur de 80% et sa livraison se fera dans 2 mois. Quant à celui du théâtre de verdure, il est question d’augmenter la cadence des travaux de réalisation. Sa réception ne se fera pas dans l’immédiat mais interviendra dans les mois à venir. S’agissant du projet de réhabilitation de la salle Errich, les travaux sont presque achevés, il reste seulement à acheminer les équipements », avait-il assuré au mois de mai dernier. Cependant, la réalité du terrain est toute autre. Aucun de ces projets n’a été livré dans les délais. Ainsi, les taux d’avancement de ces trois projets, n’ont pas bougé d’un iota. L’annexe de la bibliothèque nationale devait être réceptionnée le 20 août dernier et jusqu’à présent aucune date n’est avancée. Pour ce qui du théâtre régional, lequel a englouti des milliards pour une simple opération de réhabilitation, ne voit toujours pas le jour. Enfin, et concernant « la honte de la ville de Bouira », selon les propres termes du wali Maaskri, à savoir le théâtre de verdure, il piétine encore et toujours. A travers tout ce qui a été mentionné on comprend aisément qu’il existe entre les déclarations de ce responsable et ses actes, un énorme décalage. M. Bouhired a soit sous-estimé la tâche qui lui est dévolue, soit parlé trop vite. Dans les deux cas, au bout de six mois, la situation est, au mieux, restée telle qu’elle, ou dans certains cas s’est carrément détériorée. Il est vrai que « l’intérim » réduit significativement les champs d’actions, néanmoins, et dans n’importe quelle institution ou entreprise, pour espérer « prendre des galons », il faut tout d’abord, prouver ses mérites.
Ramdane Bourahla