«L’habitude est une grande sourdine», disait Samuel Beckett et il n’est pas aisé de s’en défaire. Il en va ainsi de notre manie à vouloir tout emballer. Surtout que le packaging, issu de la chimie de synthèse, est potentiellement polluant pour l’environnement et préjudiciable pour la santé publique. Les villes et les villages de la wilaya de Béjaïa sont lamentablement défigurés par un trop plein de déchets plastiques. L’impérieuse nécessité de l’éradication de ces emballages en plastique se morfond entre le sac et le ressac de l’absence d’une réelle volonté des pouvoirs publics. Une sorte de modus vivendi fonctionnant imparablement. Les responsables concernés lésinent sur les moyens à mettre en œuvre pour venir à bout du problème et les manufacturiers feignent d’ignorer que la problématique de fond réside, non pas dans la couleur de l’emballage, mais dans la nature du matériau à base duquel il est fabriqué. Alors, on continue d’en fabriquer à tour de bras, en jouant seulement sur la palette chromatique. Les échoppes vous refilent ce sachet bas de gamme, avec une pléthore de couleurs chamarrées. Dans les marchés aussi, il est généreusement offert. Même certains gérants de pharmacies n’hésitent, nullement, à utiliser ce packaging pour le conditionnement des médicaments. On a beau s’égosiller sur la dangerosité de ce matériau, qui ne respecte pas les normes de biodégradabilité ni ne répond à l’exigence de l’éco-toxicologie. N’est-ce pas que la durée de vie d’un sac en plastique abandonné dans la nature est estimée à 200 ans ? «Pour des considérations mercantiles, la plupart des fabricants ne se soucient guère de la qualité du produit qu’ils mettent sur le marché et ne jugent pas utile de décliner sa traçabilité», fait remarquer un écologiste d’El Kseur. Un ingénieur en génie de l’environnement de Tazmalt soutient que des patrons manufacturiers poussent l’outrecuidance jusqu’à produire ces sachets noirs à l’aide de pigments extraits du PVC, «un produit nocif où ils recyclent des composants déjà utilisé», alerte-t-il. Un expert du domaine souligne que deux composants sont, en principe, exclusivement utilisés dans la fabrication des sachets destinés aux denrées alimentaires, en l’occurrence le polyéthylène vierge et le dioxyde de titane. «C’est un véritable pied de nez à la législation qui interdit formellement la réutilisation des emballages fabriqués à base de produits chimiques et l’utilisation de produits recyclables pour la fabrication d’emballages à des fins alimentaires», fait remarquer notre interlocuteur. A l’heure où, sous d’autres cieux, les perspectives des producteurs tablent sur le tout bioplastique et l’éco-conception, l’unique changement, chez nous, réside dans la pigmentation. Avec, en prime, un spectacle des plus insolites, car, sitôt utilisés, les sachets surfent allégrement dans les airs au gré des vents, tel un ballet de passereaux traversant notre ciel, avant de finir piégés aux cimes des arbres et aux barbelés de nos clôtures, ou joncher nos plages, nos forêts et nos prairies. Un vrai «régal» pour les yeux !
N.M.
