Le destin fabuleux d'une "aventure intellectuelle"

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Hier, la Journée nationale de la presse a été célébrée avec grand faste, particulièrement par les organes audiovisuels qui lui ont dédié des professions de foi, des vœux et des engagements. Cette date est célébrée chez nous depuis deux ans, en plus de la Journée mondiale qui revient le 3 mai de chaque année. Plus qu’une journée à vivre en fête ou en débats improvisés, la presse algérienne, dans toutes ses déclinaisons, apprend chaque jour à dire la réalité de la société. Elle apprend ce noble métier avec toutes les insuffisances qu’elle traîne et les obstacles auxquels elle fait face. Depuis 24 ans pour la presse écrite, et deux à trois ans pour certaines chaînes de télévision privées. La liberté d’expression, arrachée au cours de la révolte d’octobre 1988, a fait une fabuleuse avancée en Algérie. Elle est même enviée par beaucoup d’autres pays qui sont restés sur les schémas des vieux carcans des années soixante-dix du siècle dernier. Mais, est-ce suffisant pour un pays dont la jeunesse se donne toujours de nouvelles ambitions? Pour un pays de 40 millions d’habitants, dont près de 11 millions sont sur les bancs de l’école (enseignement général, université et formation professionnelle)? Une jeunesse bouillonnante, aussi bien dans nos villages que dans nos villes qui est à l’affût de l’information, de la communication. Ces dernières sont devenues quasi instantanées avec les moyens que permet la technologie moderne. D’ailleurs, face aux relents ou résidus de la censure ou de l’autocensure, les réseaux sociaux (Facebook, Twitter,…) ont pris le relais et défient les administrateurs arcboutées sur des règles et des schémas désuets. Mieux encore, ces nouveaux moyens de communication, avec le téléphone portable et les sites internet, posent une question crue et grave à la fois, dépassant les simples scrupules de la politique. Ils posent des questions au reste des organes d’information classiques (journaux, magazines, télévision, radio) en terme de destin : Que deviendront, dans quelque temps, ces organes face à la vigueur, à la fraîcheur et à l’instantanéité des nouveaux supports d’information? Sous d’autres cieux, un début de solution est en train d’être ébauché. Il s’agit de s’adapter par le contenu, et, sans doute aussi, par le contenant. En commençant par ce dernier, des milliers de journaux se sont mis en version web. D’autres ont adapté cette version à la forme instantanée de site qui donne l’information immédiate. Des versions papiers structurées autrement, avec suppléments et analyses, sont proposées aux lecteurs. Dans les deux versions (papier et web), les rentrées publicitaires sont les principales ressources financières des journaux. S’agissant du contenu et face à la rapidité avec laquelle évolue la société et surviennent de nouvelles réalités, la presse algérienne, principalement celle qui ambitionne de jouer sur le terrain de la proximité devra affronter de nouveaux défis qui feront d’elle un complément précieux, voire une source, des autres organes d’information. La multiplication des titres de presse (une centaine entre l’arabe et le français, en plus de pages en tamazight de certains titres comme le nôtre) est censé animer une saine émulation pour rapporter l’information de proximité et l’actualité des villages et bourgades les plus enclavés. Ce rapprochement permanent du terrain fera intervenir les acteurs sociaux les plus divers: élus, maires, chefs de daïras, membres d’associations, directeurs d’écoles, comités de villages,…etc. Pour réussir un tel pari, dans une société travaillée au corps par une multitude de moyens et canaux d’information qui lui présente d’autres horizons jusqu’à l’aliénation, la presse algérienne a assurément du pain sur la planche. La ressource humaine paraît sans aucun doute comme le plus grand défi dans un contexte de formation universitaire qui est en train de subir ses plus grands revers. Autrement dit, les titres de presse seront appelés à assurer un minimum de formation à ces rédacteurs (journalistes en titre ou pigistes) pour qu’ils puissent se déployer sur le terrain. La qualité du produit et le respect de la déontologie en dépendent fortement. Le débat inhérent à la mission de la communication en général dans la société ne saurait peut-être instauré dans toute sa dimension et sa fiabilité sans le retour à ce qui fonde l’idée même de l’information : choix de la matière et du lectorat ciblé techniques de rédaction qui allieraient pédagogie et déontologie, pertinence du contenu et place de la presse écrite dans l’univers bariolé des médias charrié par la technologie moderne. Peu à peu, avec des hauts et des bas, ce débat s’esquisse. Mais, dans tous les cas de figure, il semble que la pratique, c’est-à-dire le travail et l’innovation sur le terrain des différents canaux, dépasse de loin les velléités d’encadrement par des législations. Autrement dit, on crée, on innove, on se restructure, fut-ce dans « l’informel » (comme c’est le cas de plusieurs chaînes de télévision), puis viendra l’encadrement juridique. Le contraire serait, bien entendu, absurde. Après un quart de siècle de presse indépendante, d’autres acquis sont donc venus enrichir ce qui fut appelé à l’époque une « aventure intellectuelle ». C’est là une pierre qui, incontestablement, participera à la construction du socle démocratique en Algérie.

Amar Naït Messaoud

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