Une foule nombreuse a assisté, hier, à la présentation de la statue de Mohamed Haroune à l’occasion de l’ouverture de la deuxième fête de la citoyenneté, organisée par l’Etoile Culturelle d’Akbou.
Cette œuvre artistique, signée par le sculpteur Hamid Iffis, pèse près de trois tonnes avec une hauteur de 2,80 mètres et a coûté 47 millions de centimes. Sculpté avec perfection en résine, la stèle reflète, par excellence, le portrait de Mohamed Haroune devant l’admiration du public, venu nombreux malgré le mauvais temps, à la place Colonel Amirouche, sise en face du siège de l’APC. «Cette statue pourra lui donner enfin le sens de l’éternité», nous avoue Mustapha, l’un des admirateurs du militant. «Désormais, c’est notre statue de Liberté», ajoutera, dans la foulée, un autre.
Tous unis pour réhabiliterMohamed Haroune
Le fils prodige d’Akbou a fait oublier, hier, lors de la cérémonie, toutes les divergences et surtout les moments difficiles que traverse la municipalité. En effet, le P/APC, Abderrahmane Bensbaâ, et son rival Mouloud Salhi, élu de l’opposition et président de l’AEC, ont ensemble procédé en présence de la femme de Mohamed Haroune et de ses filles, au dépôt d’une gerbe de fleur au pied de la stèle. « Mohamed Haroune a fait réunir tous les Akbouciens. C’est hallucinant !», s’exclame un citoyen présent à la cérémonie. De nombreux témoignages des amis du militant courageux se sont succédés pour lui rendre un vibrant hommage. Le représentant de l’ONEC, des présidents d’association et des hommes de charité ont amplement contribué à la réalisation de ce projet. La stèle sera implantée au niveau du parc, dont la réalisation est projetée en face de l’hôpital Akloul Ali. «L’APC aménagera très prochainement ce parc, c’est notre événement aussi », nous dira Rachid Hamidouche, vice P/APC. Le parc, une fois réalisé portera le nom du «carrefour Mohamed Haroune». A Akbou, dans sa ville natale, Mohamed Haroune, ce personnage jaloux de son identité n’a pas encore une place, un endroit où les futures générations puissent se rappeler de son existence et de son parcours. Ainsi, le lycée baptisé officiellement Hafsa Oum Elmoueminine a été rebaptisé dans la foulée des événements du printemps noir 2001, «Mohamed Haroune» par des citoyens. Néanmoins, cette double dénomination demeure « informelle ». Par conséquent, l’établissement scolaire en question se distingue par ses deux portails d’entrée. Un portant toujours le nom de Hafsa et l’autre celui de Mohamed Haroune ! Cette double dénomination pour une seule structure évoque «la négligence » dont est victime Mohamed Haroune, à défaut d’une structure qui pourra porter officiellement son nom en guise de reconnaissance à son travail gigantesque dans la lutte pour la promotion et la reconnaissance de la langue amazighe. «Nous voulons réhabiliter cette personnalité qui a sacrifié sa vie pour l’identité berbère. Il s’agit, en fait, de tout un programme mis en œuvre, ayant pour objectif de restaurer la mémoire collective et redonner la valeur à ces hommes, dont Akbou était leur berceau », nous a déclaré Mouloud Salhi. L’ouverture de la deuxième fête de la citoyenneté en hommage à cette figure emblématique aura comme objectif de « restaurer le dialogue entre la société civile et les institutions pour une meilleure prise en charge des attentes et des aspirations de la société ainsi que la valorisation de l’action associative dans le développement local et national».
Un homme, un objectif
Mohamed Haroun, fils de chahid, est né le 13 Avril 1949 à Tifrit, commune d’Akbou, wilaya de Béjaïa. Son père était connu sous le nom de guerre «le sergent Tahar (officier de l’ALN) ». Il a entamé ses études dans un camp militaire Français. En 1963, il rejoint le centre de formation de Bir El Aarch à El Eulma, ex-Saint Arnaud, wilaya de Sétif. En 1967, il revient à Akbou dans son village et s’inscrit au CNET de Sidi Aich pour avoir un C.A.P d’ajusteur, avant de rejoindre le lycée de Dellys. Là il obtient un B.A.C technique qui lui permit de rentrer à la F.A.C d’Alger en science exacte. Il suivait des études de physique nucléaire, et prenait des cours d’astronomie. Au lycée de Dellys, Haroun est aussi actif pour la défense et la promotion de la langue berbère, tout en liant contact avec l’académie berbère de Paris. En plus de ses études, Haroun est aussi actif à l’extérieur, en sensibilisant les villageois de sa région. A l’université il entra en contact avec Mouloud Mammeri et d’autres personnalités berbères, c’est là où il a connu Smail Medjeber et autres acteurs artistes qui s’acharnaient à produire des revues d’information et de conscientisation des berbères ; elles se nomment ITIJ et Taftilt. Ces dernières sont très connues du public. En 1976, Mohamed fut arrêté et incarcéré à Lambèse. Son emprisonnement n’a pas interrompu ses études et la recherche linguistique. Il a écrit en prison plusieurs poèmes, tels Abridh n tlelli, comme il a écrit sur sa vie, sa vision. Durant son incarcération, il a refusé les visites pour dix minutes et ne pas parler sa langue qui lui est très chère. Sa mère décéda au cours d’un tragique accident au retour de Batna. Mohamed Haroun est décédé le 22 Mai 1996 des suites d’une longue maladie.
Menad Chalal

